UNE GALERIE D’URNES FUNÉRAIRES
Si Marika Nelson s’est lancée dans la construction d’une galerie virtuelle consacrée aux urnes funéraires, elle ne souffre pas pour autant d’obsessions macabres. C’est en fait par hasard, à la suite de plusieurs commandes, qu’elle s’est mise à s’intéresser à cet hommage posthume qui prend de plus en plus d’importance dans le monde et, notamment, au Québec. "Cela fait six, sept ans que je mûris ce projet. Je me suis rendu compte que les gens n’aimaient pas ce qu’on leur proposait", se souvient la céramiste.
Après avoir fait consciencieusement son étude de marché, elle conclut que, plutôt que de s’associer à des maisons de pompes funèbres, la meilleure solution était de créer sa propre galerie où seraient représentés plusieurs artisans. "Les entreprises funéraires demandent des pièces faites en série et passent par des distributeurs. Or, je défends la pièce unique", explique Marika Nelson. C’est ainsi qu’elle a imaginé Nocte, une plateforme Internet où l’on trouvera à la fois des informations sur la crémation et un choix de pièces uniques. Pour le lancement de cette galerie virtuelle, 12 céramistes présenteront leur interprétation de l’urne funéraire à l’atelier-boutique Gaïa. Par la suite, celui-ci servira de lieu de vente et d’entreposage des collections proposées par Nocte.
DESIGN FUNÉRAIRE
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le marché de l’urne funéraire ne brille pas par son dynamisme et sa créativité. Il y a bien la société luxembourgeoise Eternny.T qui propose une urne funéraire interactive, permettant au défunt de diffuser des messages audiovisuels depuis l’au-delà. Mais, en matière de design, le choix reste pauvre. La plupart des urnes sont en bois et de facture simple, ce qui s’explique lorsque l’on sait que près des deux tiers des cendres sont inhumées ou dispersées (selon un témoignage de l’entreprise Alfred Dallaire). Les autres, exposées chez soi ou dans un columbarium, ne sont guère mieux. Traditionnellement en marbre ou en bronze, on les voit décorées de colombes ou de petits anges…
Or, si les manteaux de cheminées et les columbariums ne représentent pour l’instant que respectivement de 10 % à 15 % et 25 % de la destination finale des urnes, toujours selon Alfred Dallaire, la tendance va vers moins d’inhumation et donc plus d’exposition des cendres. Le design des urnes a ainsi toutes les chances de prendre de plus en plus d’importance, ce qui laisse toute la place à des initiatives comme Nocte. "S’il y a un rituel où une oeuvre unique et personnalisée prend tout son sens, c’est bien celui de la mort", pense Marika Nelson. Or, à l’exception de certaines comme Alfred Dallaire, peu d’entreprises mortuaires proposent des créations d’artisans québécois. À terme, la fondatrice de Nocte envisage de proposer à des artisans travaillant d’autres matériaux que la céramique de se joindre à la galerie. On pourrait ainsi y voir des urnes en verre, en métal…
L’ENGOUEMENT POUR LA CRÉMATION
Les urnes funéraires existent depuis l’Antiquité. Très proches de celles que l’on connaît aujourd’hui, les urnes de la Rome antique se plaçaient déjà dans des columbariums. Avant les Romains, les Étrusques se servaient d’imposantes cinéraires sur les couvercles desquelles étaient sculptés les corps des défunts. Aujourd’hui, le rite de la crémation est très répandu en Asie, du fait de sa pratique traditionnelle dans des religions comme le bouddhisme et l’hindouisme. Ainsi, au Japon, c’est la quasi-totalité des morts qui sont incinérés. En revanche, les pays de confession catholique sont beaucoup moins adeptes du "départ en fumée". La crémation concerne seulement 28 % des morts en France, 20 % en Espagne, 10 % en Italie. En effet, pendant longtemps, l’Église catholique réservait le feu aux hérétiques, aux sorcières et… à l’enfer. Ce n’est que depuis 1963 qu’elle tolère la crémation.
Mais, quelles que soient les traditions, la crémation a le vent en poupe partout dans le monde. L’Amérique du Nord n’échappe pas à la règle. Aux États-Unis, où l’on ne brûle que 32 % des morts, la Cremation Association of North America prévoit des chiffres de 39 % pour 2010, voire 59 % pour 2025. Au Canada, le taux d’incinération est passé de 46 % en 1998 à 56 % en 2005 (chiffres de la Funeral Service Association of Canada). Les pratiques varient beaucoup selon les provinces. En Colombie-Britannique, quatre personnes sur cinq se font incinérer, tandis qu’elles sont seulement 46 % en Ontario. Le Québec, quant à lui, semble avoir digéré des siècles de tradition catholique. Encore sous la moyenne nationale en 1998, avec un tiers des décès, le taux de crémation y est passé aujourd’hui à deux personnes sur trois.
Lancement de la galerie Nocte
Le 1er novembre
Gaïa, atelier-boutique de céramique
1590, avenue Laurier Est à Montréal
www.galerienocte.com