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Centre Canadien d’Architecture : Lumière zénithale

Le Centre Canadien d’Architecture nous convie à une exposition inhabituelle, consacrée à la fenestration zénithale, ou puits de lumière pour les intimes.

LES ENJEUX SOCIOÉCONOMIQUES D’UNE FENESTRATION

Faire d’un élément d’architecture le sujet d’une exposition peut sembler étrange, voire incongru. D’ailleurs, le commissaire de l’exposition, Pierre-Édouard Latouche, fait remarquer qu’il y a très peu de documentation critique sur la fenestration zénithale. Pourtant, apparue dans la deuxième moitié du 18e siècle, cette ouverture vitrée en toiture sous-tend des enjeux qui ne manquent pas d’intérêt. Outre les défis techniques (étanchéité, isolation, contrôle de la luminosité) qui n’ont cessé d’accompagner son développement, elle témoigne de l’avènement d’une société moderne. En effet, la révolution industrielle du 19e siècle impose des bâtiments plus grands (gares, palais d’expositions, usines…) qui ne peuvent plus se contenter d’un éclairage latéral. Or, l’éclairage artificiel de l’époque n’étant pas assez performant, la verrière zénithale devient une solution naturelle.

Pierre-Édouard Latouche va même jusqu’à avancer l’hypothèse selon laquelle derrière l’histoire de la fenestration zénithale apparaissent des enjeux de classes. Ces espaces éclairés par le haut soulignent une séparation entre bourgeoisie et classes populaires. Le commissaire évoque le système de prix d’entrée en paliers de l’Exposition universelle de 1851 au Crystal Palace de Londres (permettant d’éviter que ne se côtoient nantis et classe ouvrière), ou le système de classes apparaissant dans la tarification du transport ferroviaire. Cette réalité se retrouve jusque dans les résidences bourgeoises, où la fenestration zénithale éclaire les espaces communs, frontières symboliques entre les différents espaces réservés aux maîtres, aux enfants ou aux domestiques.

DEUX SIÈCLES D’ÉVOLUTION

Pierre-Édouard Latouche a pris comme point de départ de l’exposition la Halle au blé, construite dans les années 1760 à Paris. "Hormis l’exception de l’escalier des Ambassadeurs au château de Versailles, il n’existe pas de fenestration du genre avant 1760", commente le commissaire. Conçue à ciel ouvert par souci de transparence (on voulait montrer qu’il n’était pas possible d’accumuler des stocks, donc de spéculer sur le prix du pain), la Halle au blé a dû ensuite être couverte d’une coupole vitrée, dont la charpente était constituée d’un assemblage de petites planches de sapin. La légèreté innovatrice de sa structure l’a fait copier par plusieurs architectes, dont celui du Capitole de Thomas Jefferson.

L’exposition s’achève avec un autre bâtiment qui a marqué l’histoire de la fenestration zénithale, non seulement pour ses qualités techniques, mais aussi pour la polémique qu’il a suscitée: la faculté d’histoire de l’Université de Cambridge, conçue par James Stirling. L’architecte, issu de la classe populaire (et ainsi champion de l’anti-establishment), avait imposé un bâtiment à l’esthétique résolument moderne à l’un des départements les plus conservateurs de l’université britannique.

UNE TYPOLOGIE DE LA FENESTRATION ZÉNITHALE

Après avoir défini les bornes chronologiques de l’exposition, Pierre-Édouard Latouche nous invite à voyager à travers les typologies de la fenestration zénithale qu’il a identifiées. Le musée, la gare, l’usine, la maison bourgeoise, le grand magasin, le palais d’expositions et le logement ouvrier sont autant de types d’édifices où les enjeux de la fenestration zénithale prennent toute leur mesure. La visite débute par le Crystal Palace. Conçue comme une serre, l’immense verrière de 93 000 m2 de l’édifice soulève immédiatement des problèmes de luminosité et de chaleur excessive. Dès le début, on lui adjoint tout en ensemble baroque de toiles, auvents et autres persiennes pour filtrer la lumière.

Avec l’avènement de la production de masse, l’usine est également un lieu où le besoin croissant de productivité rend systématique l’utilisation de verrières, notamment dans l’industrie automobile. Le sens de la fenestration zénithale peut prendre aussi une orientation politique. À New York, au début du siècle dernier, des associations de bienfaisance installent des centaines de puits de lumière dans les logements ouvriers, dans le but non seulement d’améliorer les conditions de vie des masses populaires, mais aussi d’en réformer le comportement…

Lumière zénithale: vitrages plafonnants de 1760 à 1960
Du 23 octobre 2008 au 15 février 2009
Au Centre Canadien d’Architecture
1920, rue Baile à Montréal
www.cca.qc.ca