Vie

Savoir-faire brésilien : Montréal de Janeiro

Dans les salles de danse de la Métropole, une tendance se dessine: afoxé, caboclinho, samba, samba de gafieira ou capoeira, le savoir-faire brésilien réchauffe l’atmosphère, comme autant de rayons de soleil sur la froidure qui s’annonce.

AFOXÉ, BATUQUE DE UMBIGADA, CABOCLINHO

Il fait froid, il fait noir dans les rues. Mais quand on monte les escaliers du studio de danse, la musique nous fait déjà comprendre que nous sommes dans un autre univers, pas mal plus ensoleillé, celui-là. C’est celui créé par Raquel, que je vois à l’oeuvre avec ses élèves. Cette fille de São Paulo enseigne depuis un an les danses populaires traditionnelles de son pays. Les pas, faits pieds nus, sont rapides, sautillants, le tout est extrêmement gracieux. Ses hanches roulent, littéralement. "Mais comment tu fais?" lui demande une de ses élèves. "Il faut vivre le mouvement", explique-t-elle en le montrant. Les musiques se suivent, traditionnelles ou plus modernes, les explications culturelles aussi. Pas de chorégraphie en tant que telle ici, plutôt une suite de pas qui laisse une grande latitude au plaisir du danseur, des bases qui permettent des jeux d’improvisation. Afoxé, batuque de umbigada, caboclinho et plus encore sont intégrés à ce cours. Levanta poeira, le nom de l’école, évoque la poussière soulevée lorsque des pieds s’agitent sur la terre battue. "La culture brésilienne est bâtie sur trois racines: africaine, portugaise et indigène, et il y a beaucoup de syncrétisme avec le catholicisme, c’est donc quelque chose d’unique. À São Paulo, une revalorisation de la culture traditionnelle dans les centres plus riches est palpable. La jeunesse universitaire, la classe moyenne s’y mettent." Et nous aussi!

ACADÉMIE DE SAMBA DE MONTRÉAL

Depuis 10 ans déjà, Nathalie Jacques enseigne la samba et l’afro-brésilien. Celle qui a perfectionné sa technique au Brésil et à Paris, notamment avec Rosangela Sylvestre et Eneida Castro, constate que la samba connaît une popularité grandissante depuis cinq ans. Cette danse, très cardio, nécessite une forme de lâcher prise. "Pour bouger le bassin, il faut arrêter de l’analyser, être dans le senti. La notion de plaisir, c’est la base de la samba. On vient d’abord pour faire de l’exercice, puis on peut mesurer un autre effet. On rentre dans le mouvement, la musique, sans plus penser." L’enseignement est-il dogmatique? "Non, car le pas de base varie d’une région à l’autre. Il ne faut pas oublier qu’à la base, c’est une danse de rue. J’ai donc pu créer des figures, mélanger des pas de diverses danses." Jeux de bassin, de hanches, de pieds, rien d’aisé a priori. "Les gens pensent que la samba, c’est juste bouger les hanches et les fesses. On se sent féminine, gracieuse, certes, mais ce n’est pas juste ça. Les percussions, par exemple, provoquent un effet de transe qui peut apporter l’euphorie."

SAMBA DE GAFIEIRA

Pascale Marcotte, une jeune cinéaste, a eu un coup de foudre en voyant un couple venu du Brésil faire une démonstration de samba de gafieira. Suivi d’une déception immédiate à l’idée qu’elle ne serait jamais capable de danser ça, puisque non pourvue de gènes brésiliens. Trois ans plus tard, la voilà pourtant sur scène. Un miracle qu’elle attribue à la méthode ("infaillible!" dixit la principale intéressée) de son professeur, Marcos de Oliveira. "C’était comme une rééducation, apprendre une autre façon de bouger. Je passais d’un petit miracle à un autre!" De quoi parle-t-on, au juste? À la base, le terme "gafieira" désignait les salles qui voyaient se réunir, pour danser, les gens des couches populaires. La danse combine des mouvements de plusieurs danses. Certains sont inspirés du tango, d’autres, de la samba. On parle d’un véritable métissage de rythmes et de mouvements. Pascale-la-convertie travaille actuellement à développer des cours avec une équipe de professeurs, sous le nom de Équipe Samba Carioca. "On arrive à un moment où les gens sont avides de choses un peu plus extrêmes, soit parce qu’ils ont déjà un certain niveau dans d’autres danses, soit parce qu’ils ne veulent pas être pris dans un carcan traditionnel, rigide. La samba de gafieira se développe au rythme de la rue, elle change. C’est une danse de rebelles!" Le préjugé contre lequel ceux qui enseignent les danses doivent se battre, c’est que c’est difficile, qu’au début on ne s’amuse pas. "Au Québec, on a tendance à vouloir performer. Mais avec un pas de base, on peut bouger à deux, et donc… danser."

CAPOEIRA

S’il y a bien un cours où la gent masculine est représentée, c’est dans celui de capoeira que donnent Fannie, Soledad et Careca depuis septembre. Une vingtaine d’élèves apprennent les techniques de ce mélange de danse et d’art martial afro-brésilien. Que vont-ils chercher dans la capoeira? "Une façon de s’exercer d’abord, de combiner force et flexibilité. Mais ils trouvent rapidement d’autres intérêts à leur pratique, car cette discipline englobe toutes les manifestations culturelles et artistiques: la musique, la danse, etc.", explique Fannie. Les participants évoluent en effet au rythme d’instruments traditionnels. "Ça peut être impressionnant de voir des capoeiristes à l’oeuvre, mais il ne faut pas s’arrêter à ça. N’importe qui peut s’y adonner, même les personnes qui pensent ne pas être assez souples. Le seul pré-requis, c’est l’envie d’apprendre!" s’exclame Careca. Les profs de Grupo de Capoeira Baiana sont aussi très actifs dans les écoles primaires, où la demande est forte. Et le samedi, parents et enfants sont conviés à une séance commune. Altruiste, la gang a le projet de combiner capoeira et aide aux devoirs en janvier. "C’est une façon de voir la vie, de valoriser notre culture, de mettre l’amitié de l’avant." D’ailleurs, certains élèves vont même jusqu’à valider leur pratique au Brésil.

En discutant avec tous ces passionnés, une idée majeure est ressortie: le regret de voir la culture du Brésil réduite ici à ses clichés, soit les filles aux belles fesses, les plumes et les paillettes. Alors que, sur place, elle se vit le plus souvent sans ostentation. C’est d’ailleurs ce que tous ces profs se sont donné comme mandat, officieux ou officiel: promouvoir la culture brésilienne véritable, dans son essence, vécue et dansée par tous, quels que soient son niveau social, son appartenance ethnique ou son âge. Et comme tous offrent des cours d’essai gratuits, on n’a plus d’excuse pour ne pas embarquer!

CARNET D’ADRESSES /

École Levanta Poeira
www.levantapoeira.com

Les cours de samba et d’afro-brésilien de Nathalie Jacques
[email protected]

Les cours de samba de gafieira
[email protected]

École Capoeira Baiana
514 754-2363 ou 514 754-2367
www.capoeirabaiana.net (en portugais seulement)