Vie

S’approprier la ville : Repenser la ville

Avec sa nouvelle exposition majeure, le Centre Canadien d’Architecture se fait l’écho des nombreuses initiatives internationales destinées à s’approprier la ville. Ces "actions" ne sont pas des solutions miracles aux problèmes actuels de la vie urbaine, mais autant de façons de remettre en perspective la logique de fonctionnement de notre société.

DES "ACTIONS" POUR REPENSER LA VILLE

Fidèle à sa nouvelle vocation (adoptée il y a quelques années) de nous faire envisager une autre façon de penser la ville, le CCA (Centre Canadien d’Architecture) met aujourd’hui à l’honneur plusieurs initiatives originales qui proposent à travers le monde une solution de rechange aux schémas traditionnels de la vie urbaine. Il y a celles qui consistent à recycler le contenu de nos poubelles (incluant la nourriture). D’autres font d’une autoroute ou d’un chemin de fer une promenade publique. Ailleurs, on improvise une façon de parcourir la ville par les toits ou en escaladant les immeubles. Au total, ce sont 97 "actions" du genre que le CCA nous fait découvrir ou approfondir à travers ses cinq salles principales.

Or, il ne faut pas croire que ces différentes initiatives sont les cris de révolte de joyeux anarchistes en opposition radicale à une société de consommation et un urbanisme rigide. Ce sont plutôt des architectes, ingénieurs, professeurs d’université, artistes, cyclistes du dimanche et autres employés municipaux éclairés qui proposent des solutions inédites aux problèmes récurrents de gaspillage, de pollution, d’espace, de circulation et autres. Bien sûr, comme le souligne la commissaire de l’exposition, Giovanna Borasi, "ce ne sont pas des panacées, n’étant pas toujours applicables ou généralisables". Ce qui importe, c’est qu’en perturbant les systèmes établis, elles constituent ce que Giovanna Borasi appelle des "turbulences productives" qui viennent remettre en question notre conception de "l’urbanité".

REPENSER LA VILLE EN FONCTION D’ACTIVITÉS "SECONDAIRES"

Depuis l’an dernier, plus de la moitié de la population mondiale vit dans les villes. D’ici l’an 2050, cette proportion passera à 75 %. Or, l’organisation de nos villes est une traduction spatiale du mode de fonctionnement de nos sociétés fondées sur la consommation, source d’inégalités et d’exclusions sociales. L’urbanisme moderne divise ainsi l’espace urbain en activités principales (travail, habitation, consommation) reliées par des axes de circulation. Ce qui compte, c’est de permettre aux citoyens-consommateurs de travailler et de consommer efficacement. On va ainsi penser l’espace en termes de centres commerciaux, décharges publiques, circulation de voitures…

Pour nous inviter à imaginer une autre organisation spatiale de la ville, le CCA a identifié des initiatives qui s’inscrivent dans des types d’activités ne faisant pas partie de cette conception traditionnelle de la ville. C’est ainsi que l’exposition nous invite à repenser la ville en fonction d’activités "secondaires" comme la marche, le jardinage, le jeu et le recyclage (une typologie que l’on retrouve dans chaque salle du CCA). "Si l’on prend, par exemple, la marche plutôt que la circulation automobile comme vecteur d’aménagement, on va obtenir une tout autre perspective de l’espace urbain", explique Giovanna Borasi. Par exemple, en 1985, la Hollande a ainsi lancé un projet-pilote de "Shared Space" où piétons, voitures et cyclistes évoluent sur une même voie de circulation (sans trottoir ni piste cyclable). En poussant chacun à faire plus attention aux autres, cet espace commun est paradoxalement plus sûr.

POUR UNE VILLE MEILLEURE…

Ces initiatives dénonçant le mode de fonctionnement des villes modernes étaient déjà présentes dans les années 1960 et 1970, à une époque où l’on commençait à remettre en question les principes de la croissance et de la société de consommation. Après être tombées dans l’oubli pendant deux décennies, elles semblent aujourd’hui avoir pris une ampleur à la hauteur des tensions et des problématiques qui rongent nos espaces urbains.

Chacune a sa logique. Certaines proposent une solution au gaspillage. Un collectif de Lausanne récupère les fruits des arbres débordant sur l’espace public, tandis que l’équipe parisienne de Coloco propose de recycler des squelettes d’immeubles inachevés. D’autres suggèrent des aménagements urbains qui sortent de la ligne officielle. Les initiatives des amis du High Line new-yorkais verront finalement leurs efforts porter leurs fruits avec la transformation de l’ancienne ligne de chemin de fer de Manhattan en promenade urbaine. D’autres encore se livrent à des "guérillas" urbaines, comme l’Urban Repair Squad de Toronto qui peint des pistes cyclables illégales ou la Guerrilla Gardening qui transforme les terrains abandonnés de Londres en potagers illicites.

Actions: comment s’approprier la ville
Du 26 novembre 2008 au 19 avril 2009
Au Centre Canadien d’Architecture
www.cca.qc.ca