Pour bien des artistes, Montréal est devenu trop cher. Le centre-ville et son Quartier des spectacles, le Plateau, le Mile End, enfin, tous les quartiers où les créateurs se retrouvaient pour vivre et travailler se vident maintenant de leur population de créateurs. On ne compte plus les lofts industriels jadis occupés par des artistes transformés aujourd’hui en condos.
Pour freiner cet exode des artistes, la CDEC (Corporation de développement économique communautaire) Plateau-Centre-Sud s’est donné comme mandat de leur proposer des espaces de travail et de création abordables et polyvalents. À deux pas de l’usine Grover, une coop d’artistes, et en face des résidences Lézarts, Le Chat vient s’ajouter au petit vivier créatif qu’est devenue la rue Parthenais. "C’est un lieu qui est exempt de spéculation, explique Hélène Brown, coordonnatrice du projet. L’immeuble appartient à un organisme à but non lucratif, les Ateliers Créatifs, qui en gèrent les opérations. Cela garantit le respect de sa vocation à long terme. Ainsi, les studios ne seront pas vendus pour faire place à un projet immobilier. De plus, nous voulons aussi que l’immeuble participe à la vie de quartier, que les résidents viennent le visiter, que nos locataires s’impliquent dans les projets du coin, comme la ruelle verte que l’on retrouve juste derrière notre bâtiment."
Concrètement, Le Chat des artistes, ce sont 43 locaux abordables dont les prix de location varient de 358 $ par moispour un studio de 350 pieds carrés à 1500 $ pour un espace de 1500 pieds carrés. "Les studios sont livrés dans un état brut, précise Hélène Brown, les artistes peuvent ainsi adapter les lieux à leurs besoins."
La petite soixantaine d’artistes qui y travaillent déjà ont transformé leurs espaces en atelier textile, en studio vidéo, en galerie. Au rez-de-chaussée, à la galerie Monde Ruelle, on prépare le Bal des lampes (voir encadré) alors qu’à côté, à l’atelier du PicBois, on transforme du bois de construction en objets précieux. Dans son studio, Didier Ze Mime se filme devant une toile grise accrochée au mur; dans un autre, la chapelière Lucie Grégoire travaille le feutre, la dentelle et la soie. Au troisième étage, des étudiants en arts visuels de l’UQAM préparent leur exposition de fin de bac. L’ambiance est conviviale, les gens se parlent, se donnent des coups de main. C’est aussi le mandat du Chat des artistes que de favoriser les échanges.
Malgré la diversité des genres que l’on retrouve au Chat, tous ses locataires ont un point commun sans lequel ils ne pourraient pas y travailler. "Il faut que ce soient des créateurs, des gens qui transforment la matière, qui font de la vidéo, de l’illustration, de l’artisanat de petite échelle. On ne pourrait pas avoir une agence de publicité ou de communication comme locataire", insiste Hélène Brown.
Cela ne fait que quelques mois que Le Chat des artistes a ouvert ses portes et 60 % des ateliers sont déjà loués. Forte de ce succès, l’équipe pense pouvoir s’inspirer d’une initiative du même genre à Toronto. Là-bas, l’organisme Artscape gère sept immeubles, studios ou résidences d’artistes disséminés partout dans la ville. "Nous espérons ouvrir d’autres espaces ailleurs en ville, peut-être des résidences d’artistes dans le Mile End. Idéalement, nous aimerions créer un réseau complet de lieux de travail et de vie pour les artistes."
Le Chat des artistes
2205, rue Parthenais
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DES LAMPES, DU BOIS ET UN IGLOO
Montréal en lumière oblige, la galerie Monde Ruelle, au rez-de-chaussée du Chat des artistes, expose… des lampes. Jusqu’au 1er mars, la galerie met en vedette les "éco-créations" d’une dizaine d’artistes: des lampes, davantage sculptures lumineuses qu’objets utilitaires, pour la plupart composées à partir d’objets récupérés ou détournés trouvés au fond des garages, chez des ferrailleurs, dans des encans…
Lors de la Nuit blanche, Le Chat des artistes ouvrira ses portes au public toute la nuit. En plus du Bal des lampes, on pourra découvrir les sculptures de Louise Parenteau, assemblages de bois et de métal recyclés, tout à fait symboliques de l’esprit des lieux. Enfin, le Flexigloo, un igloo en toile développé au Chat des artistes par Sophie de Leeuw et Ariane Drapeau, se déplacera le long du parcours de la Nuit blanche, constituant ainsi le premier objet d’art itinérant made in Chat.