Vie

Galerie Monopoli : Projets de carton et de papier

La galerie Monopoli rend hommage à la maquette de travail. On sera surpris de découvrir les usages les plus insolites que les architectes canadiens en font, d’un océan à l’autre.

En cette époque de la CAO (conception assistée par ordinateur), d’aucuns seraient en droit de penser que la maquette traditionnelle fait partie du passé. Aujourd’hui, les plus grands architectes n’hésitent pas à détourner des logiciels utilisés en aéronautique (comme le fait Frank Gehry) ou pour la création de jeux vidéo. Il suffit de penser à la verrière de la cour centrale du British Museum conçue par John Foster ou, plus près de nous, à la structure de la Biosphère. Toutes deux sont le fruit d’un algorithme informatisé…

Pourtant, la petite maquette d’étude, celle que les architectes bricolent hâtivement à partir de quelques bouts de carton, de papier ou de bois, a la vie longue. C’est ce qu’a voulu mettre en valeur la galerie Monopoli, à travers sa nouvelle exposition Au pays de la maquette d’étude de Halifax à Vancouver. Au bout d’un an de démarches patientes, la directrice de la galerie, Sophie Gironnay, aidée de trois journalistes canadiens, a regroupé 40 maquettes d’étude et des témoignages des 26 bureaux d’architectes dont elles proviennent. Dans une mise en scène imaginée par l’Atelier in situ de Montréal, le visiteur pourra ainsi mieux saisir les raisons pour lesquelles la maquette de travail est toujours utilisée par de nombreuses firmes d’architecture, de la plus modeste à la plus prestigieuse.

UNE RELATION AFFECTIVE

Pour montrer l’omniprésence de la maquette dans le processus de conception du projet architectural, la galerie Monopoli a choisi autant des firmes importantes, telles que Moriyama & Teshima à Toronto ou Provencher Roy à Montréal, que de jeunes bureaux, comme celui de Paul Laurendeau ou Nature Humaine. Frédéric Dubé, associé principal chez Lapointe Magne et associés, explique que pour les quatre associés ayant été formés à faire des maquettes, c’est devenu "un outil de travail comme le papier et le crayon". Dan Hanganu collectionne les maquettes en balsa dans une pièce-entrepôt tant elles font partie de la démarche créative de l’architecte montréalais. "C’est un objet avec lequel on développe une relation affective", confie-t-il. À l’autre bout du Canada, le célèbre Richard Henriquez estime que "le geste de fabriquer une maquette et celui de construire un bâtiment ne sont pas si éloignés".

Les plus jeunes architectes sont tout aussi friands de maquettes. Pour Jean Pelland, qui a imaginé le M9, immeuble résidentiel très graphique aux abords de la Cité du Multimédia, "rien ne peut remplacer la maquette pour comprendre un volume et se projeter à l’extérieur d’un projet". Même Marc-André Plasse de Nature Humaine, qui avoue utiliser davantage l’informatique que le carton, reconnaît que "dans certains cas, la maquette est essentielle". Ainsi, pour la conception de galerie de la Fondation Molinari, seule la maquette a pu permettre de comprendre l’impact visuel des éléments mobiles qui servent à la fois d’espaces de rangement et de murs d’exposition.

HABITER UN BÂTIMENT

Le grand intérêt de l’exposition est sans doute de montrer l’impressionnante richesse d’utilisation d’une maquette, dont les fonctions peuvent être parfois totalement inattendues. Bien sûr, elle sert souvent à tester des hypothèses de formes et de volumes et permet de communiquer facilement une idée. Mais pour certains architectes comme Manon Asselin de l’atelier T.A.G. (lauréat du Prix de Rome 2008), c’est aussi "une façon d’habiter un bâtiment". Cette adepte d’une phénoménologie de l’espace construit des maquettes surdimensionnées, à l’intérieur desquelles elle prend des photos pour mieux se rendre compte des perspectives, des volumes et des jeux de lumière…

D’autres, comme Saucier + Perrotte architectes, font de la maquette un objet créatif autonome qui va littéralement générer l’idée d’un projet architectural. Ainsi, quand la firme a représenté le Canada en 2004 à la Biennale d’architecture de Venise, elle a exposé des maquettes en métal noir qui proposaient une relecture de certaines de ses réalisations. L’une d’elles réinterprétait le Collège Gérald-Godin en remplissant la fenestration du bâtiment et en "vidant" les parties pleines. C’est cette superposition d’espaces sombres et d’espaces lumineux qui allait faire progressivement germer le concept du Centre national de la montagne, construit l’an dernier à Canmore, en Alberta…