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Griffé Québec : Le Québec sort ses griffes

De Marie-Paule Nolin à Marie Saint Pierre, il y a bien plus qu’un pas: une grande histoire, qui mérite d’être racontée. Griffé Québec nous la révèle, jusqu’au 20 septembre.

Le Musée du costume et du textile du Québec (MCTQ) et l’Écomusée du fier monde exposent les plus belles reliques de la mode québécoise. Par la présentation de vêtements griffés de différentes époques – en l’occurrence, de véritables pièces de collection -, l’exposition Griffé Québec est une rétrospective de notre patrimoine vestimentaire. Elle regroupe une cinquantaine de pièces griffées provenant de collections muséales comme de collections privées. En vedette: les designers qui ont marqué l’univers de la mode québécoise et qui restent pourtant, pour la plupart, méconnus.

Tout a débuté il y a quelques années lorsque Suzanne Chabot, directrice du MCTQ, a assisté à un colloque sur le design. Michel Robichaud, qui a entre autres conçu les uniformes des hôtesses d’Expo 67, y faisait une intervention. "Il a mentionné, bien humblement, que s’il n’avait pas enseigné, on ne saurait pas qui il est. Ça m’a choquée!" raconte Mme Chabot, aujourd’hui commissaire de l’exposition Griffé Québec. Elle a par la suite visité la grandiose expo consacrée à Yves Saint Laurent, pour en venir à la conclusion que "nous aussi, au Québec, on a eu des designers importants. Mais on a peu accès à leurs collections".

LES FIFTIES: COMME UN GANT

À cette époque, les couturiers coupaient sur mesure leurs créations et le prêt-à-porter n’avait toujours pas transformé l’univers du design de mode. De cette décennie proviennent les élégants petits ensembles d’après-midi signés Marie-Paule Nolin. Ce grand personnage de la mode au Québec exploitait l’idée du design complet. À chaque tenue ses gants, son chapeau et ses chaussures. Femme de bonne famille reconnue pour son raffinement, Marie-Paule Nolin a d’ailleurs animé l’émission Fémina à Radio-Canada et dirigé un salon d’une vingtaine d’employés chez Holt Renfrew.

Autre créateur marquant des années 50, mais de la ville de Québec cette fois: John Kelly. Griffé Québec nous fait découvrir quelques-unes de ses robes de mariée. L’une des particularités du parcours de Kelly est son impressionnante formation: il a étudié le design et la chapellerie dans les écoles de Paris et de Londres. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on reconnaît à ses pièces une saveur européenne. Habile couturier, on dit de lui qu’il travaillait la pièce jusqu’à ce qu’elle vous aille comme un gant.

LES SIXTIES: VENT DE FRAÎCHEUR

De nouveaux couturiers apparaissent et un vent de fraîcheur souffle sur la création québécoise, qui opte pour le mélange des genres, comme en témoigne la tendance hippie chic. On ne peut évoquer la mode des années 60 sans souligner le travail du créateur Michel Robichaud. Ce dernier a bien compris le tournant vers le prêt-à-porter et cette nouvelle façon de concevoir la mode. C’est en 1967 qu’il emboîte le pas et présente sa première collection. Du lot des créations Robichaud présentées à Griffé Québec, une robe de lainage à l’encolure et aux manches décorées de cuir.

À la même époque, à Trois-Rivières, Clairette Trudel tient une grande maison de couture, la Maison de Clairette, où les femmes notables vont s’habiller pour les grandes occasions. Elles viennent même de Québec et de Montréal. Innovante, la couturière fait venir les mannequins de Christian Dior pour présenter l’une de ses collections. On raconte la surprise des femmes plus âgées dans l’assistance, déçues de ne pas pouvoir se vêtir comme ces icônes de beauté.

STRASS ET ANDROGYNIE

De renommée internationale, Arnold Scaasi est un designer d’origine montréalaise très glamour des années 70 qui a longtemps exercé à New York. Le grand créateur est d’ailleurs le maître d’oeuvre d’une mémorable robe jaune citron lustrée, décorée de points multicolores et au décolleté ultra-plongeant. La pièce, aussi présentée dans le cadre de Griffé Québec, est la représentation de l’influence du glamour américain dans le travail du créateur. L’homme a habillé les deux premières dames Bush ainsi que Barbra Streisand, pour ne nommer qu’elles.

Plus on se rapproche dans le temps, moins on sent la distance par rapport aux vêtements. Les pièces aux allures androgynes de Jean-Claude Poitras ou les ensembles très 90 de Jean Airoldi sont plus familiers. Bref, ce voyage dans le temps est une expérience à vivre pour tout adepte de mode et de design.

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