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Nouveau Chabanel : La Cité de la mode renaît de ses cendres?

La Ville de Montréal investit 17 millions de dollars pour refaire entièrement la rue Chabanel. Le Groupe Dayan parle d’un "Nouveau Chabanel… design illimité". Rêve ou réalité?

Aux 19e et 20e siècles, comme dans d’autres villes nord-américaines, le développement urbain de Montréal s’est fait sous forme de quartiers ethniques: quartier irlandais dans Griffintown, Golden Square Mile, Petite Italie, quartier portugais, quartier latin, quartier haïtien… Aujourd’hui, ce développement se fait par la création de quartiers thématiques. On pense au projet avorté (ou reporté?) de complexe récréotouristique au bassin Peel, à la remarquable réhabilitation de l’ancien Faubourg des Récollets en Cité du multimédia, au Quartier des spectacles en devenir et au projet d’un Quartier de la décoration et du design à Ville de Mont-Royal (Quartier Décor Royalmount).

Aujourd’hui, on parle de faire de la vieille Cité de la mode du quartier Chabanel une pimpante "vitrine du design, de la création et de l’innovation". Le 11 juin, le Groupe Dayan, le plus gros propriétaire d’immeubles du quartier, lançait une campagne de séduction auprès des courtiers en immobilier de Montréal, les invitant à découvrir le projet "Nouveau Chabanel… design illimité", qui propose de concevoir un milieu de vie créatif autour d’entreprises de design. En fait, l’idée de réhabiliter le quartier a émergé à la fin des années 1990. C’est en 2004 que naissait le concept de vitrine du design, lors de la publication d’une Étude de développement du secteur l’Acadie-Chabanel commandée par Convercité.

REDORER LE BLASON

C’est vraiment l’industrie de la mode qui a façonné la physionomie du quartier, métamorphosant entre 1950 et 1965 une zone rurale en une Cité de la mode, laquelle a fait de Montréal le troisième plus grand centre de production vestimentaire en Amérique du Nord. Or, l’ouverture des marchés internationaux depuis le début des années 2000 a entraîné une multiplication des faillites et des licenciements, entraînant la désertion des édifices qui se retrouvent aujourd’hui avec des taux d’inoccupation records de 30 % en moyenne.

Pour réhabiliter le quartier, la première idée fut d’effacer son image de secteur inhospitalier et enclavé, coincé entre deux lignes de chemin de fer et une autoroute. Après la publication de l’étude de 2004, la Ville de Montréal a mis en place un plan d’action énergique. On a amélioré sa desserte en créant une gare ferroviaire et de nouvelles bretelles d’autoroute. Cet été, des travaux majeurs vont remodeler la rue Chabanel (de la rue Meilleur au boulevard Saint-Laurent), avec des espaces verts, un marquage au sol et un mobilier urbain ayant pour objectif de donner une identité positive à cette artère importante du quartier Chabanel. En parallèle, un certain nombre d’immeubles sont en rénovation, à l’instar de l’initiative du Groupe Dayan qui a entamé des travaux de mise aux normes et d’embellissement de sept des immeubles qu’il détient rue Chabanel.

QUARTIER DU DESIGN?

Malgré tout, la réhabilitation du quartier reste un défi majeur. Dès le départ, compte tenu des perspectives moroses de l’industrie de l’habillement à Montréal, on ne pouvait pas faire reposer le redéveloppement du secteur sur la mode uniquement. Si certaines entreprises de commercialisation et designers internationaux ont pu tirer leur épingle du jeu, à l’image du dynamisme du Centre international de mode de Montréal (CIMM), les manufacturiers continuent d’avoir des difficultés. Dans son analyse, le rapport de Convercité évoquait déjà la nécessité d’élargir l’image de quartier de la mode à celle d’un quartier du design et de la créativité. Le hic de ce nouveau positionnement séduisant est le décalage entre l’attrait actuel de la notion de design que l’on met à toutes les sauces du développement urbain et la réalité structurelle du quartier Chabanel.

Les surfaces gigantesques des immeubles à grand gabarit qui représentent quelque 70 % du parc immobilier du quartier ne correspondent pas nécessairement aux besoins des bureaux d’architectes et autres agences de publicité. Dans les faits, plusieurs gestionnaires d’immeubles du secteur semblent en être conscients depuis longtemps puisque d’importantes sociétés de services qui n’ont pas grand rapport avec le design et la créativité y ont installé leur centre opérationnel. C’est le cas de la Banque Laurentienne, qui occupe 93 000 pieds carrés de l’immeuble du CIMM, ainsi que de la compagnie d’assurances Aviva Canada. Le Groupe Dayan reconnaît qu’il courtise également les centres d’appels.