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Square Dorchester Place du Canada : Du vieux avec du neuf

La ville de Montréal revampe le square Dorchester et la place du Canada, sous la férule du groupe Cardinal Hardy et de l’architecte paysagiste Claude Cormier. Objectif: retrouver l’esprit d’origine d’un espace public d’une grande valeur patrimoniale.

Construit entre 1876 et 1880, l’ancien square Dominion (dont la portion sud sera rebaptisée place du Canada en 1966 et la partie nord, square Dorchester en 1987) a subi de nombreuses altérations, notamment entre les années 1950 et 1980, à une époque où la fluidité de la circulation automobile primait la qualité de l’espace urbain. La rue Peel et le boulevard René-Levesque ont vu leur gabarit augmenter au détriment du parc. Dans les années 1960, on aménage un stationnement sur rue devant l’édifice Dominion Square, puis un stationnement souterrain dans les années 1980. En 1976, on construit une passerelle au-dessus de la rue De La Gauchetière pour faciliter la circulation de camions entre la place du Canada et le hall de l’édifice du même nom… Au total ce sont quelque 10 % de la superficie de la place du Canada qui ont été rognés et 20 % pour le square Dorchester.

Le plan de réaménagement prévoit de prendre le contre-pied de cette politique d’après-guerre. "On veut désormais que l’espace public l’emporte sur la fonctionnalité de la voirie", confirme Aurèle Cardinal, l’architecte cofondateur du groupe Cardinal Hardy, à qui l’on doit le magistral réaménagement du Vieux Port de Montréal et qui travaille depuis huit ans à la remise en valeur de l’ancien square Dominion. Les deux parcs vont donc retrouver leur forme rectangulaire et leur taille d’origine, grâce à un réaménagement de l’entrée du parking souterrain au nord du square Dorchester et à l’élimination de la bretelle entre les rues Peel et De La Gauchetière. En outre, l’ancienne passerelle à camions sera remplacée par une passerelle pour piétons d’aspect plus léger.

STYLE VICTORIEN ET ESSENCES D’ORIGINE

L’originalité de l’ancien square Dominion tient à ce qu’il réunit dans un même parc deux styles de jardin différents, qui ont marqué à la fin du 19e siècle la configuration de la plupart des parcs publics européens. Dans sa partie nord (l’actuel square Dorchester), on retrouve le style victorien qui impose un tracé géométrique, caractérisé par des allées dessinant un motif de patte d’oie. Au sud (la place du Canada), le parc s’inspire du langage horticole "pittoresque urbain" mis en avant en France sous le Second Empire. Son tracé est plus organique, composé de buttes en forme de larmes et de pelouses circulaires entre lesquelles serpentent les allées.

Pour redonner au parc son esprit d’origine, les architectes, aidés de l’architecte paysagiste Claude Cormier (à qui l’on doit la forêt d’arbres roses du Palais des Congrès et la marguerite géante du pavillon des Sciences biologiques de l’UQAM), vont rétablir le tracé en patte d’oie des allées au nord du square Dorchester et remodeler les parterres circulaires de la place du Canada. En outre, un certain nombre d’arbres seront remplacés par des essences d’origine. Pour finir, certaines horreurs des décennies passées, comme le kiosque à fleurs du square Dorchester ou les tables à pique-nique de la place du Canada, seront enlevées.

CONSTRUIT SUR DES ANCIENS CIMETIÈRES

Le plan de réaménagement vise à souligner la valeur symbolique de l’ancien parc Dominion pour la ville de Montréal.

L’une des originalités du parc est qu’il est construit sur deux anciens cimetières. L’un, datant de 1775, est le premier cimetière juif officiel en Amérique du Nord. Le second accueillera entre 1799 et 1855 les sépultures de nombreux catholiques québécois, dont certains patriotes de 1838. Le sous-sol du parc recèle encore aujourd’hui de nombreux ossements.

Jusqu’à la fin du 19e siècle, le square Dominion est un lieu de rassemblement très prisé par la bourgeoisie. Aujourd’hui, il constitue un espace public incontournable pour l’embellissement du lien naturel entre la montagne, le centre-ville et le fleuve que constitue la rue Peel. Rappelons que l’angle des rues Peel et Sainte-Catherine reçoit le plus haut débit piétonnier au Canada.

L’ancien square Dominion est également l’une des plus belles vitrines de l’histoire de l’architecture de Montréal. À l’instar de la place d’Armes, il est entouré de bâtiments qui racontent la métropole, de la cathédrale Marie-Reine-du-Monde de 1894 au plus haut gratte-ciel de Montréal (le 1000 De La Gauchetière, construit en 1992), en passant par des bâtiments des années 1930 (les édifices Dominion Square et Sun Life du Canada) et d’autres illustrant le Montréal "moderne" des années 1960 (le Château Champlain et la tour de la banque CIBC)…

Information: http://patrimoine.ville.montreal.qc.ca/dorchester/index.htm