En juin dernier, Le Westin Montréal ouvrait ses portes en face du Palais des congrès. Cet énorme complexe de 600 000 pieds carrés regroupe quelque 450 chambres (dont une cinquantaine de suites), 40 000 pieds carrés de salles de réunion ou de réception, plus de 150 000 pieds carrés de bureaux… Ici, on a vu les choses en grand. Les trois anciens bâtiments de la Gazette ont été flanqués d’une tour de plus de 20 étages qui s’intègre bien à l’ensemble avec son mur-rideau en pierre de Saint-Marc. L’ancienne imprimerie a été transformée en hall d’entrée magistral dont une partie du plafond en verre est le fond de la piscine du futur spa de 17 000 pieds carrés, dont la terrasse extérieure de 1500 pieds carrés offrira une vue imprenable sur le centre-ville de Montréal.
Un mois plus tard, à quelques pas de cet investissement de quelque 90 millions de dollars, un tout petit hôtel était inauguré rue Saint-Paul. Le Petit Hôtel (comme son nom l’indique) est un petit hôtel-boutique de 24 chambres, aménagé dans un édifice centenaire du Vieux-Montréal. Là, on a voulu capitaliser sur le cachet historique et local du site, à l’image du design intérieur d’Yves Montpetit, de Camdi Design (qui a aussi travaillé sur les hôtels Nelligan, Place d’Armes, Saint-Sulpice, Crystal…), combinant les murs de brique existants à un mobilier contemporain très "boutique". L’atmosphère du lieu se veut intimiste, voire presque "familiale".
DAVID CONTRE GOLIATH
En matière d’hôtellerie, tous les styles sont permis, du plus exubérant au plus discret. David côtoie Goliath dans la meilleure intelligence du monde. En fait, derrière les apparences, il existe des réalités économiques et une concurrence féroce qui risquent de décevoir les plus romantiques d’entre nous. "Ça fait longtemps que le métier d’aubergiste n’existe plus; la décision d’ouvrir un hôtel appartient désormais à des groupes hôteliers", souligne Paul Arseneault, directeur du Réseau de veille en tourisme de la Chaire de tourisme Transat de l’UQAM.
Le Westin fait partie de la chaîne Starwood qui possède aussi les hôtels W et Sheraton. "Parti de Montréal il y a dix ans, le groupe Westin voulait y revenir; par ailleurs, on a identifié un besoin évident pour un nouvel hôtel d’une chaîne d’importance comme la nôtre aux abords du Palais des congrès", rapporte Mylène Gagnon, directrice ventes et marketing du Westin Montréal. De son côté, Le Petit Hôtel est le dernier-né du groupe Antonopoulos, le précurseur des hôtels-boutiques de Montréal avec le Place d’Armes, le Nelligan et l’Auberge du Vieux-Port. Son directeur, Patrick Huynh, explique qu’"à côté du Place d’Armes qui cible une clientèle de jeunes branchés et prodigues et du Nelligan qui s’adresse à des personnes plus âgées et aisées, il paraissait nécessaire de proposer un hôtel capable de satisfaire des voyageurs indépendants qui aiment le luxe mais sans ostentation et apprécient de se fondre dans l’anonymat de la vie d’un quartier".
MONTREAL/MADRID
Mais "l’hôtellerie est aussi une entreprise immobilière", ajoute Paul Arseneault qui souligne qu’"il y a trois ou quatre ans, l’économie américaine connaissait des difficultés, alors que Montréal présentait un potentiel de croissance intéressant". C’est ce qui explique l’augmentation spectaculaire du parc hôtelier de la métropole en quelques années. Entre le Crystal (2007), le Hilton Garden Inn (2008), le Marriott de Dorval (2008), le Westin et deux autres projets à venir, ce sont quelque 3000 chambres qui se seront ajoutées à un parc métropolitain d’environ 25 000 unités! En outre, il est intéressant de noter que pour améliorer sa rentabilité foncière, le Crystal a lancé à Montréal la mode des résidences hôtelières, qui a été suivie par les autres. Le Westin offre ainsi une centaine d’appartements à la vente.
Diversifiée, l’offre souffre toutefois d’un manque d’originalité en termes de design. Ce n’est pas demain qu’on verra les Burj Al Arab de Dubaï ou les Puerta America de Madrid (ou même les plus modestes Gladstone de Toronto) à Montréal. Même nos hôtels no-frills chic (dont notre seul exemplaire est l’Alt de Brossard du Groupe Germain) n’ont pas l’éclat de ceux de New York ou de Londres. "Non seulement ce sont des phénomènes marginaux qui comptent peu dans une économie hôtelière mondiale, mais en plus, on ne peut pas comparer Montréal à ces autres capitales. Ici, la rentabilité d’une chambre ne permet pas les innovations que l’on voit ailleurs", relativise Paul Arseneault.