Vie

L’avenir des campus universitaires : Inventer le campus de demain

Depuis une cinquantaine d’années, les campus universitaires montréalais ont pris les formes les plus diverses. Aujourd’hui, leur développement fait l’objet d’un vaste débat.

Le 17 septembre, la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal organisait un colloque sur le thème du "campus de l’avenir", avec la présence très remarquée de l’architecte Bernard Tschumi, à qui on doit notamment le parc de la Villette à Paris. Plutôt que de dépeindre un campus idéal, les conférenciers ont proposé des pistes de réflexion sur les notions de densité urbaine, d’interaction entre l’université et la ville, d’enseignement… Car, aujourd’hui, l’avenir de l’université semble plus fait d’interrogations que de solutions toutes faites.

Jusqu’au 19e siècle, les universités font partie de la ville, constituées de pavillons dispersés localisés à proximité des bâtiments publics qui sont liés à la matière enseignée (le pavillon de droit à côté du palais de justice, le pavillon de théologie à côté du séminaire, etc.). Par la suite, l’université va se spécialiser en concentrant ses ressources dans une zone géographique que l’on retrouvera souvent à l’extérieur des centres urbains.

Aujourd’hui, doit-elle être un îlot ou un morceau de ville? Par ailleurs, comme le faisait remarquer Jean-Marie Van Dermaren, professeur à la Faculté des sciences de l’éducation de l’UdM, "à Montréal, 60 % des étudiants sont dans des filières professionnelles. Or, la formation de professionnels ne se fait pas simplement par l’acquisition de notions théoriques, mais aussi par la transmission des usages, du langage et des règles d’une profession". Selon lui, il faut donc que l’université se rende sur les lieux de chaque profession (à l’instar des médecins qui sont formés dans les hôpitaux).

L’UNIVERSITÉ COMME MORCEAU DE VILLE

Est-ce à dire qu’il faut revenir à l’université du 15e siècle, avec des pavillons collés à de grandes entreprises ou à des institutions publiques? "Ce n’est plus pertinent aujourd’hui, les débouchés des formations étant beaucoup plus complexes. Par exemple, la plupart des étudiants en droit n’auront jamais à aller au palais de justice dans leur vie professionnelle", notait Bernard Tschumi. Selon l’architecte, concevoir l’université aujourd’hui va au-delà de la notion d’université et revient à s’interroger sur une façon de vivre la ville. "Idéalement, il faudrait que l’université devienne un lieu de vie et de travail autant pour les professionnels que pour les étudiants et les chercheurs."

Dès lors, l’idée serait de créer une mixité de population en imaginant ce qui deviendrait un morceau de ville. Les bâtiments universitaires seraient aussi des édifices à bureaux, les amphithéâtres serviraient pour les congrès professionnels et les bars et restaurants seraient fréquentés par les résidents et les étudiants habitant tous ce quartier inventé. Pourtant, ce système dans lequel l’échange de savoir et celui des marchandises ne sont pas dissociés est difficile à mettre en place car il dépend aussi d’une logique économique. Qu’est-ce qui fait que des entreprises vont s’implanter dans un secteur? Qu’est-ce qui fait que des commerces vont être fréquentés? En clair, l’université peut-elle créer la ville?

L’UNIVERSITÉ COMME LIEU DE VIE

L’université montréalaise revêt des réalités bien différentes qui ne sont pas exemptes de contradictions. McGill se retrouve progressivement coincée dans son îlot urbain, tandis que Concordia tente d’unifier son ensemble de pavillons dispersés au centre-ville en imaginant un "quartier Concordia". De son côté, l’UQAM, première université québécoise construite autour d’un métro et bien intégrée à son tissu urbain, inaugurait il y a quelques années une cité des sciences en forme d’îlot imperméable. Pour finir, l’UdeM glisse petit à petit de son mont Royal d’origine vers le nord, en projetant d’investir le site de l’ancienne gare de triage d’Outremont (dont les travaux d’assainissement vont commencer d’ici peu), selon un plan d’aménagement généreux, mais qui laisse planer certains doutes sur l’intégration urbaine du futur campus.

"Le problème, c’est que les campus ne vont pas jusqu’au bout de leur logique. Quelle que soit l’orientation prise [intégration urbaine ou isolement], il faut s’y tenir. Si une université vise l’intégration urbaine et le rapprochement avec la communauté locale, il ne faut pas qu’elle se contente de simuler un quartier avec quelques commerces et quelques passerelles vers les autres quartiers", estime Bernard Tschumi. Dans le même esprit, l’architecte invite les universités à s’interroger sur la notion d’identité et de densité. "Les campus qui ne sont pas stimulants sont ceux qui n’ont pas d’identité propre. Par exemple, le site d’Outremont est une sorte de site archéologique. Alors, quelle est sa spécificité et quelle est celle de Montréal?"…