Avec 20 000 abonnés et un parc de 1000 véhicules, Communauto est la troisième plus grande société de services d’autopartage au monde, derrière l’américaine Zipcar et la suisse Mobility. Lors d’une présentation dans le cadre de la dernière conférence URBA de l’UQAM, son fondateur, Benoît Robert, annonçait "une croissance annuelle de 25 % et un taux de satisfaction de sa clientèle de l’ordre de 95 %". Il envisage même sereinement d’arriver à 400 000 abonnés au Québec, un chiffre qui ne semble pas si déraisonnable pour le spécialiste en développement urbain et professeur de l’Université de Montréal Paul Lewis, "compte tenu de l’intérêt que représente cette solution pour réduire le nombre de véhicules en circulation".
En croissance, Communauto est un vecteur essentiel du bouleversement des modes de transport en ville. L’entreprise a établi dernièrement des accords avec des organismes publics de transport. Depuis mai 2009, le BIXI-AUTO permet d’avoir des réductions combinées sur les services de Communauto et de BIXI. En septembre dernier, une offre bonifiait le forfait Auto+Bus de janvier 2008 en supprimant les frais d’adhésion à Communauto à l’achat de 12 laissez-passer mensuels consécutifs de la STM. Changements que l’entreprise d’autopartage voudrait pousser encore plus: "Il faudrait que les villes donnent des avantages comparables aux utilisateurs de Communauto, comme de pouvoir emprunter les voies réservées aux bus ou utiliser les espaces de stationnement avec vignettes", suggère Benoît Robert.
ON MANQUE DE PLACE
Et l’enjeu est de taille: "L’autopartage diminue le nombre de kilomètres parcourus en voiture par une personne de 2900 km par année par personne, ce qui représente une réduction annuelle moyenne, par adhérent, de 1,2 tonne d’émissions de CO2", estime Benoît Robert. Si la formule est un succès, certains adhérents se plaignent néanmoins du manque de disponibilité des véhicules et de l’éloignement des espaces de stationnement.
En fait, le problème majeur de l’autopartage tient d’un paradoxe. Pour que le service soit rentable, il faut que chaque véhicule roule beaucoup. Mais pour qu’il ait de l’intérêt, il faut que chaque adhérent l’utilise le moins possible. Comme le souligne Paul Lewis, "pour que l’autopartage réussisse, il faut qu’il s’implante dans des zones urbaines denses, bien desservies par les transports collectifs, bénéficiant de nombreux commerces de proximité et où le stationnement pose problème". Le développement de l’autopartage se limite donc naturellement aux centres urbains.
SOUTIEN DES POUVOIRS PUBLICS?
Or, le problème des centres urbains est justement le manque d’espaces de stationnement par rapport à la banlieue. "L’un des principaux problèmes des sociétés d’autopartage n’est pas la demande, mais leur difficulté à offrir suffisamment de véhicules, parce qu’elles manquent de places de stationnement", explique Paul Lewis. "Notre problème récurrent de places est une contrainte de taille. La plupart de nos emplacements ne sont pas réservés. Nous sommes obligés de louer nos espaces de stationnement où l’on peut et l’hiver nous oblige à avoir deux places pour un seul véhicule", confirme Benoît Robert.
En France, la région parisienne se dotera d’ici l’an prochain d’un réseau de voitures électriques en libre-service. "Pour Paris, il s’agit d’un coup d’éclat pour montrer la capacité de la ville à innover, explique Paul Lewis. Ici, il n’est pas nécessaire de faire intervenir l’État puisque la demande suffit à soutenir la croissance de l’autopartage. Celui-ci a surtout besoin de davantage d’espaces de stationnement." Le fondateur de Communauto se range à cet avis: "Plutôt que par des subventions, c’est par des avantages logistiques que les pouvoirs publics devraient soutenir l’autopartage."