Depuis septembre, les deux plus grandes des trois salles d’eXcentris nouvelle mouture, la Fellini et la Cassavetes, ont été reconfigurées pour accueillir des concerts de musique en tout genre, de l’électro au classique, en passant par le jazz et le rock. On pourrait craindre qu’un tel éclectisme ne se fasse au détriment de la qualité globale du lieu, qu’il s’agisse d’acoustique, de visibilité ou d’atmosphère. D’ailleurs, lors du concert inaugural de Jay-Jay Johanson, si la qualité acoustique de la Cassavetes a été très appréciée, certains ont regretté de ne pas voir la scène. D’autres ont trouvé "surprenant" que des spectateurs mangent "à la bonne franquette" en plein concert du pianiste Leon Fleisher…
Pour Daniel Langlois, cette variété de spectacles, voulue dès le départ, aura permis de tester les nouvelles configurations des salles et du Hall afin de mieux évaluer les modifications à apporter. "Les prestations de Jay-Jay Johanson et de Gonzales nous ont confirmé que lors des spectacles avec spectateurs debout, il était préférable d’utiliser une scène surélevée, ce que nous faisons désormais", explique le fondateur d’eXcentris. Celui-ci envisage d’ailleurs d’autres modifications de la Cassavetes, comme l’ajout de gradins amovibles sur le dernier plateau, afin d’améliorer encore la visibilité pour les spectateurs au fond de la salle.
Rien ne se crée, tout se transforme…
Car, à eXcentris, tout se transforme, ou presque. Les sièges de la salle Fellini peuvent disparaître sous le plancher pour la transformer en une "boîte noire" propice aux performances artistiques. Les nouveaux éléments de la salle Cassavetes ne sont fixes qu’en apparence. Les panneaux acoustiques latéraux et la conque placée à l’arrière de la scène (utilisée pour les concerts non amplifiés) peuvent être retirés facilement. Il serait même possible d’enlever les plateaux qui donnent à la salle son look cabaret, pour dévoiler son plan incliné d’origine et remettre les fauteuils de l’ancien cinéma qui ont été précieusement entreposés.
En fait, contrairement à ce qu’on pourrait penser, les ajouts par rapport au bâtiment de 1999 restent minimes (pour un budget d’un million de dollars, tout de même…). Tout existait déjà. Dès le départ, la Fellini était conçue comme une salle polyvalente, avec sa plateforme hydraulique. Dans la Cassavetes, on avait déjà prévu que l’écran puisse glisser vers l’arrière pour libérer une scène, ajustable en hauteur et coiffée d’une grille technique portant l’éclairage de scène. On n’a fait que rajouter des panneaux acoustiques et un nouveau système audio mieux adapté aux spectacles musicaux amplifiés, et troquer les fauteuils de cinéma contre des plateformes occupées par des chaises et des tables. "Dès sa conception en 1996, j’ai imaginé eXcentris comme un laboratoire de recherche multidisciplinaire dont la vocation serait de développer des technologies appliquées au domaine de la culture", rappelle Daniel Langlois.
Un laboratoire de recherche expérimentale
Il faut rappeler que si eXcentris a initialement été un cinéma, c’est parce que Daniel Langlois s’est d’abord intéressé au développement du numérique pour la production et la distribution cinématographique. "L’idée était de mettre à la disposition du cinéma indépendant une technologie qui lui permette de tirer son épingle du jeu de la concurrence avec les grosses productions et les grandes chaînes de distribution", explique-t-il. Mais, au bout de 10 ans de recherche et après avoir développé des technologies qui ont fait leurs preuves, le fondateur estimait qu’il était temps de passer à autre chose.
Dix ans après l’avoir pressenti pour le cinéma, c’est dans la musique que cet intuitif voit le plus grand potentiel de développement des technologies numériques. Son objectif est d’inventer de nouveaux modèles de diffusion et d’échange entre le public et les artistes. Les systèmes audio cinéma surround de la Cassavetes permettent de tester, pour les concerts de musique classique, des environnements sonores où l’amplification électronique vient compléter subtilement les éléments acoustiques mécaniques. Le fondateur d’eXcentris entrevoit aussi de nouvelles façons de vendre des albums sur Internet ou sur clés USB distribuées à la sortie des concerts. Mais pour explorer ces nouveaux modes de relation entre public et artistes, il fallait un environnement propice. D’où la configuration cabaret. D’où la création du bar lounge. D’où la modularité des salles… à laquelle Daniel Langlois avait pensé dès le départ…