L’évolution des équipements de lutte contre les incendies et la modification des plans de service de la municipalité ont rendu obsolètes un certain nombre de casernes de pompiers construites à Montréal depuis la fin du 19e siècle. Selon le guide des propriétés municipales d’intérêt patrimonial publié par la Ville, sur les 22 casernes construites entre 1870 et 1900, il n’en reste aujourd’hui que sept. Si ce phénomène est bien naturel, ce qui peut surprendre, c’est que plusieurs de ces bâtiments ont résisté à leur destruction en trouvant une nouvelle vocation, notamment culturelle. Le plus connu est sans doute le Centre d’histoire de Montréal, qui a trouvé refuge dans l’ancienne caserne centrale de Montréal, construite en 1903.
Mais d’autres exemples sont non moins remarquables. Au début des années 1980, Espace Libre inaugurait ses locaux dans une ancienne caserne construite en 1904, rue Fullum. En 2003, le Théâtre Sans Fil s’installait rue Letourneux, dans la caserne N° 1 de l’ancienne ville de Maisonneuve. Plus récemment, la maison de la culture Maisonneuve investissait la caserne désaffectée de la rue Ontario. Beaucoup de ces casernes de pompiers datent d’avant la Deuxième Guerre mondiale. En effet, après la première caserne historique de 1863, la croissance démographique et l’expansion économique que connaît Montréal vont multiplier la construction de nouvelles casernes. D’autres verront le jour dans les années 1930, dans le cadre de la politique de grands travaux destinée à endiguer la montée du chômage.
LIEUX ADAPTABLES
La première raison avancée pour expliquer la conservation de nombreuses casernes est la souplesse d’utilisation de leur architecture. "Ce sont des bâtiments très faciles à lire, ce qui en fait des lieux assez adaptables à différents usages", explique Claudine Déom, responsable du programme M.Sc.A Conservation de l’environnement bâti de l’Université de Montréal. Traditionnellement, l’architecture de la caserne se résume en effet à un vaste espace au rez-de-chaussée pour entreposer les véhicules, un étage où l’on retrouve les bureaux administratifs et les logements et une tour servant à faire sécher les boyaux. Un autre atout pour leur réhabilitation est leur localisation au coeur des quartiers.
En revanche, la valeur architecturale de ces bâtiments n’est pas toujours un argument suffisant pour justifier leur conservation. "Il ne faut pas oublier que ce sont avant tout des bâtiments utilitaires; ils ne peuvent pas se prévaloir de l’étiquette "monumental"", note Claudine Déom. Cela dit, l’universitaire nuance en soulignant que l’architecture de certaines casernes est intéressante. "Au début du 20e siècle, à une époque où avoir une caserne de pompiers était un gage de développement économique pour les quartiers, on tentait d’habiller ces édifices d’un peu de prestige." Les casernes vont alors refléter les styles architecturaux de leur époque, à l’instar des bas-reliefs Art déco de la caserne 23 de Saint-Henri (toujours en activité) ou des colonnades néo-classiques d’Espace VERRE. L’édifice du Théâtre Sans Fil était pour sa part inspiré du Unity Temple de Frank Lloyd Wright.
UN PATRIMOINE A SAUVEGARDER
La question de l’intérêt patrimonial des casernes de pompiers est ambiguë et apparemment non vraiment traitée par les autorités. Comme le fait remarquer Dinu Bumbaru, directeur des politiques d’Héritage Montréal, "on connaît les cas de casernes incluses dans des territoires patrimoniaux – comme l’actuel Centre d’histoire de Montréal ou l’ancienne caserne de l’avenue Cedar, dans l’arrondissement historique et naturel du mont Royal -, mais pas de caserne montréalaise nommément classée ou citée monument historique". La Ville de Montréal publie sur son site un inventaire d’une dizaine de casernes considérées d’intérêt patrimonial. Mais ce n’est qu’à titre informatif et non pas légal.
En fait, comme le souligne Claudine Déom, "la réhabilitation d’une caserne n’est souvent qu’une question d’opportunité". C’est un édifice disponible dont la réaffectation est aisée. Ou alors, c’est la population qui se mobilise, comme ç’a été le cas pour celle de l’avenue du Mont-Royal (angle De Lorimier), menacée de destruction à la suite de son incendie en 1999. "Même la très ancienne caserne de la rue Murray, dans Griffintown, n’a été traitée avec attention dans le projet Devimco qu’après des représentations de citoyens et d’organismes comme Héritage Montréal", rappelle Dinu Bumbaru.
Inauguration officielle d’Espace VERRE
Le 13 novembre à 13 h 30
1200, rue Mill, Montréal
www.espaceverre.qc.ca