Vie

L’Aliment comme matériau : Avaler sa cuillère

L’Aliment comme matériau, c’est la proposition de Diane Bisson pour remédier à la surconsommation de couverts en plastique. Du design durable appliqué à la gastronomie: une petite révolution de l’assiette.

Dommage que ce livre ne soit pas mangeable, on n’en ferait qu’une bouchée. L’Aliment comme matériau livre la synthèse, magnifiquement mise en pages et illustrée, de travaux de recherche menés sur plusieurs années par Diane Leclair Bisson, prof de design industriel et anthropologue. Elle y présente, pêle-mêle, fourchettes en farine de quinoa, assiettes en lait de coco, mitaines pour la cuisine en jus de canneberge et fil de céleri, ou encore ramequins à base de purée de mangue. "L’idée a émergé alors que j’accompagnais mon fils à l’école, il y a 10 ans. J’y voyais régulièrement des barils remplis de couverts jetables, j’ai donc eu envie de travailler sur le contenant, au mieux, mangeable, au pire, biodégradable."

Ce sera donc au mieux: pendant plusieurs années d’expérimentation, en collaboration avec Première Moisson, puis l’Institut de tourisme et d’hôtellerie du Québec, aidée par les chefs Daniel Côté et Daniel Girard, elle ausculte, défait puis refait les recettes de nos grands-mères pour en comprendre la structure et la recréer pour ses couverts, qu’elle veut pratiques et goûteux. "La pâte à choux, par exemple, nous intéressait parce qu’elle combine le croquant, le moelleux et la finesse. On a fini par en tirer une pelle gigogne en croquant à la caroube, dont la recette se trouve dans le livre." Et l’équipe ne se facilite pas la tâche puisque l’objectif est d’éliminer le sucre au complet: "Ça a été un jeu extraordinaire: aller à la limite de ce que permettent les légumes. Nous avons entre autres beaucoup utilisé l’agar-agar, une algue asiatique, parce qu’il permet de réaliser différentes textures selon la dose utilisée. On a même pu en faire du film alimentaire!"

Réinventer l’art de manger

Écolo, mais pas seulement. Diane Bisson ne croit pas aux vertus du couvert durable sans la saveur. "Quelques projets ont déjà été tentés, à petite échelle, mais ça n’a pas marché. La raison, selon moi, c’est que ça goûtait le carton." Et la designer d’insuffler aussi un vent de fraîcheur dans nos assiettes en y injectant une bonne dose de couleurs, 100 % légumes. "Ce projet a deux avenues de recherche: la durabilité environnementale et sociale et le développement d’un programme de design alimentaire – le seul existant à ce jour se situant en France. Il est impensable de diffuser ces idées sans se soucier de l’aspect visuel."

Avec ses couverts beaux, bons, pas chers et santé, Diane Bisson compte bien (ré)inventer l’art de manger, en commençant par les écoles. "Nous sommes bien entendu soucieux des enjeux en termes de sécurité alimentaire. On ne pourra pas utiliser l’assiette comestible dans n’importe quel environnement. Mais ce qu’elle apporte est majeur, fait appel à de nouvelles gestuelles et s’inscrira bientôt dans nos façons de faire."

Comestible: L’Aliment comme matériau
de Diane Leclair Bisson
Éd. du Passage, 2009, 116 p.