Vie

Scéno Plus : Des cathédrales pour tout le monde

Des scènes les plus courues de Montréal au Colosseum du Caesars Palace à Las Vegas, l’entreprise de design Scéno Plus supporte depuis 25 ans les rêves les plus insensés des artistes. Une enfant de la balle, née du fantasme de son cofondateur, Patrick Bergé: tout autoriser aux créateurs.

Scéno Plus aura 25 ans le 19 février. La "petite" entreprise de 40 employés, dont les locaux sont à peine remarquables avenue De Lorimier et dont le nom est curieusement peu connu du grand public, est pourtant l’architecte des projets de salles les plus ambitieux réalisés au cours des deux dernières décennies dans le domaine du spectacle, de Las Vegas à Dubaï, en passant par Paris et Montréal. À Montréal, impossible de passer à côté de ses réalisations: l’Usine C, le Théâtre d’Aujourd’hui, la salle Pierre-Mercure, le Théâtre Denise-Pelletier, Ex-Centris, le Planétarium ou l’École nationale de cirque, tous ont été conçus et réalisés sous la supervision de l’entreprise, devenue entre-temps une référence à l’échelle mondiale pour son expertise technique.

De Michel Rivard à Steve Jobs

"Je n’aime pas la starification", lance Patrick Bergé, fondateur de Scéno Plus, avant, tout de même, de rappeler: "Vingt millions de personnes se sont assises dans mes théâtres à Las Vegas." "Des cathédrales pour tout le monde", lance-t-il, son bureau entièrement recouvert de photos des projets réalisés à travers le monde. Telle est l’ambition de cet aristocrate né Belge et élevé à Saint-Jean-Port-Joli, dans les jupons d’une mère costumière de théâtre. "Michel Rivard a composé Le Phoque en Alaska dans mon salon", dit-il sur le même ton qu’il racontera sa rencontre avec Steve Jobs, aux débuts des Studios Pixar.

Architecte. L’homme a construit l’entreprise à son image: ouverte, multitâche: techniciens, architectes, scénographes, infographistes, spécialistes en équipements scéniques et audiovisuels, designers multimédias se partagent les deux étages (et demi: le bureau du boss surplombe le tout, du haut d’une mezzanine avec verrière) de la boîte. "J’ai conservé une défiance pour la hiérarchie", dit celui qui a connu, petit, les dîners servis par les domestiques. "Les confrontations d’idées sont courantes ici, les personnalités sont fortes. La même famille québécoise de concepteurs que le Cirque du Soleil."

Le même âge aussi, et des liens étroits: Scéno Plus a signé les studios de création et le siège social du Cirque à Montréal, le Théâtre du Cirque à Orlando, ou encore le Théâtre Bellagio de Las Vegas, unique en son genre avec sa scène aquatique et son dispositif permettant la présentation de numéros acrobatiques au-dessus du public: "Pour le spectacle O, nous avons défié les lois de la gravité."

Salles flexibles

La collaboration a pris fin avec de nouvelles envies: "J’avais envie de travailler avec Céline." Un coup de coeur, encore: "J’aime travailler avec de bonnes personnes. La dernière chose qui m’importe, c’est l’argent." Raison pour laquelle l’entreprise compte aussi parmi ses réalisations nombre de projets plus modestes: la Cinquième Salle de la Place des Arts, Ex-Centris, bien sûr, le Centre de conservation de la biodiversité boréale, à Saint-Félicien: "J’ai adoré ça. Il a fallu tout penser en fonction des besoins des enfants."

Transformables. Les projets de Scéno Plus ont en commun leur grande flexibilité, en droite ligne d’une tradition théâtrale québécoise ouverte aux mélanges des genres, comme l’explique Claude-André Roy, cofondateur de l’entreprise et figure incontournable du théâtre depuis 1968: "Un théâtre qu’on ne touche pas échappe aux artistes", dit-il, la voix forte. Et pour que les salles reviennent aux artistes, rien n’est trop beau: plateformes mobiles, murs, plafonds, scènes et gradins escamotables ("le matin, Bette Midler, le soir, les Smashing Pumpkins"), amphithéâtre tournant (Cité de l’énergie à Shawinigan). Et puisque le temps aussi fait son oeuvre, on revient sur les anciennes réalisations, comme le Théâtre d’Aujourd’hui, conçu en 1991 et dont Scéno Plus va diriger les rénovations, "pour plus de confort et plus de flexibilité", justement.

Forte de cette expérience, l’équipe applique les mêmes principes aux casinos, à l’image du dernier bébé de l’entreprise, un rien mégalo et entièrement transformable: "Le Revel Casino d’Atlantic City représente la nouvelle génération, qui s’adapte constamment aux besoins", explique Patrick Bergé, qui, jamais à court d’idées, nous montre du même coup les images d’un aréna transformable en salle de spectacles à Shanghai. "Il y a plus de 10 villes dans le monde où je suis allé plus de 100 fois. Et partout j’emmène avec moi la technologie et le savoir-faire québécois."

www.sceno-plus.com