Mon premier est une designer phare de la scène mode montréalaise. Mon deuxième est patroniste, planificateur, designer, gestionnaire, conseiller, n’a pas la langue dans sa poche, et accompagne mon premier depuis 17 ans. Quand on demande à Patrick Pépin s’il est bien le bras droit de Marie Saint Pierre, il répond: "Ça dépend des jours. Des fois les deux bras, des fois le gauche – dès qu’elle a mal au bras je remplace celui-ci." Patrick a choisi d’étudier le design de mode plutôt que l’architecture "parce qu’on pouvait voir le résultat plus rapidement" et a rencontré Marie Saint Pierre à ses débuts. L’aventure commune a démarré dare-dare.
Dire que l’un et l’autre sont inséparables relève de l’euphémisme: "On aime les mêmes choses, on n’a pas besoin de se parler pour se comprendre, c’en est épouvantable, des fois. Mais c’est naturel, j’imagine, quand on passe 12 heures par jour, sept jours par semaine à travailler ensemble pour les collections." Une véritable symbiose, qui déborde largement des tâches de gestion pour toucher l’aspect créatif – "parfois c’est elle qui m’inspire, parfois c’est l’inverse" – et n’est pas sans accrocs: "Il y a toujours des coups de gueule. Ça nous permet de progresser, dit Marie Saint Pierre. Parfois je pense le vêtement d’une façon et à la coupe ça ne réagit pas comme prévu. Ça m’oblige à penser les choses différemment." Et Patrick d’ajouter: "C’est un peu comme dans n’importe quel couple."
Gérant d’artiste
Couple, le mot est lancé. Et dans le cas de Philippe Dubuc et Marie-Claude Gravel, l’histoire a démarré sur les bancs d’école pour se muer en association avec la création de l’entreprise Dubuc. "Ma spécialité et ma formation, c’est la mise en marché, le développement à l’international, mais je participe fortement à la création avec Philippe. J’adore la mode. Je relaxe en entrant dans une boutique haut de gamme. Je suis un peu l’équivalent d’un gérant d’artiste", lance Marie-Claude. Choix des tissus, sessions photos, défilés, marketing, elle suit (ou précède) Philippe partout, jouant parfois au redresseur de torts: "Je vérifie la faisabilité des idées. Je ramène la création sur le terrain de la réalité. Je peux parfois être tranchante."
Philippe Dubuc ne dément pas l’affirmation lorsqu’on lui demande, en clin d’oeil, s’il arrive à Marie-Claude d’être cruelle: "Oui, souvent! Mais il faut savoir être humble, apprendre à compter les mauvais coups, et faire confiance. Marie-Claude a autant le sens créatif que moi, et tous les deux on se challenge. Martin Margiela travaille depuis ses débuts avec une femme à ses côtés. L’opinion féminine est hyper-importante pour les collections masculines."
Bras droit homme ou femme, Ève Gravel, elle, n’a pas tranché: lorsqu’elle évoque son équipe rapprochée, elle englobe immédiatement ses deux assistants Joanne Larivière et Martin Paquet, avec un bon mot pour chacun: "Joanne, c’est la magicienne, et Martin, les doigts de fée. L’équipe Ève Gravel, c’est nous trois, plus les personnes que j’engage à contrat pendant la période d’échantillonnage", dit la designer, dont la collection automne-hiver, déjà fin prête au moment de l’entrevue, sera présentée mardi. "Nous sommes indécollables!"
Semaine de mode de Montréal
Du 1er au 4 mars
Au Marché Bonsecours
350, rue Saint-Paul Est, Vieux-Montréal, www.semainemodemontreal.ca
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Semaine de mode: la cuvée 2010
La cuvée 2010 de la Semaine de mode de Montréal nous promet la lune: Dubuc sur un cargo, "en cohérence avec l’univers de la collection, les marins du nord, les grands explorateurs", dixit le capitaine lui-même; Gagnon en grande finale; et entre les deux, une quinzaine de défilés rassemblant la fine fleur des créateurs québécois (Gravel, Myco Anna, Barilà, Harricana…). "Nous sommes extrêmement fiers, lance Chantal Durivage, directrice de Sensation Mode. La Semaine est arrivée à maturité. Nous travaillons depuis quatre ans à développer l’image internationale de l’événement, de Tokyo à Amsterdam, Paris ou Berlin. Et on commence à nous comparer avec le Brésil, qui fait partie de l’avant-garde, pour notre énergie, notre créativité et notre professionnalisme."
Une vingtaine de défilés et plus de 60 marques exposées dans le show-room, l’événement a aussi mis le cap sur le reste du Canada: "Nous avons beaucoup poussé au national, parce que beaucoup d’acheteurs canadiens avaient encore des préjugés négatifs."
Avec plus de 17 000 visites, la Semaine de mode a bien failli être victime de son trop grand succès lors de la dernière édition, le show de clôture de Denis Gagnon affichant plus que complet, ce qui a soulevé un petit mouvement de panique dans la foule. "Nous avons la chance d’être à mi-chemin entre la haute couture, avec Helmer par exemple, et le prêt-à-porter, et donc d’attirer beaucoup de gens. C’est un lieu bourré d’émotion!"