Sept ans d’acharnement auront eu raison de toutes les embûches semées sur le passage d’un petit bataillon de grands convaincus: Cercle carré verra le jour dès juillet au 36 de la rue Queen, en plein quartier du multimédia, à deux pas du canal de Lachine. La nouvelle coopérative d’habitation, construite au coût de 7,6 millions de dollars, est un projet d’envergure, comptant 49 logements (31/2 et 41/2) destinés à des artistes professionnels et émergents ainsi qu’à des travailleurs du secteur culturel. Avec une particularité: un rez-de-chaussée accueillant sur 132 m2 un centre de diffusion des arts vivants et des pratiques émergentes. On conjugue ainsi vocations communautaire et culturelle, une première en logement neuf pour artistes! "Nous voulons briser l’isolement et la précarité auxquels font face de nombreux créateurs", souligne l’une des porteuses du projet, Marie Marais, attachée culturelle.
Érigé par le Consortium MR sur un stationnement, lui-même aménagé sur le site d’une ancienne fonderie, le bâtiment s’intégrera bien dans le paysage de la zone ouest de l’arrondissement Ville-Marie, toujours en cours de revitalisation. Bientôt vêtue de briques d’argile rouge, avec beaucoup de fenêtres et quelques balcons, la façade orientée nord-est donne sur un petit parc. Du septième et dernier étage, on a une vue partielle sur le fleuve Saint-Laurent.
Matériaux bruts
"Pour concevoir l’édifice, explique l’architecte-concepteur Hugues Daly, nous nous sommes inspirés du nom de la coopérative: le lot était lui-même presque carré et le bâtiment l’est aussi. Pour jouer sur l’idée de cercle, la façade présente une alcôve en élévation et un appendice en arrière, plus un marquage au sol à l’intérieur." Les matériaux bruts dominent dans les unités, livrées avec planchers en béton brossé. Le bâtiment est le plus "vert" possible en matière d’isolation des murs et du toit, de récupération de chaleur des eaux grises et des ventilateurs. La certification Novoclimat a permis d’obtenir une subvention de l’Agence de l’efficacité énergétique. Les fonds ont toutefois manqué pour aller plus loin, par exemple avec un toit vert, mais "tout est prêt pour le verdir", assure M. Daly. "Ce sera l’un de nos premiers projets communautaires", ajoute la présidente de la coop Christiane Vien, auteure et scénariste.
Depuis 2003, ce projet hors du commun a connu des hauts et des bas. Après une esquisse de coopérative-résidences-ateliers pour artistes, on abandonne la partie ateliers. Les fondateurs négocient en 2006 l’acquisition d’un lot municipal rue Queen, mais la transaction ne sera finalisée qu’en 2009. Entre-temps, la firme d’architectes Douglas Alford conçoit le futur bâtiment. Spécialiste en logement communautaire, le Groupe CDH (Conseil en développement de l’habitation) entre aussi dans la danse pour structurer le projet. "Le montage financier a été particulièrement ardu", note Jean Boivin, chargé de projet pour CDH. En 2006, le plan achoppe sur le financement d’un espace de diffusion culturelle au sein d’une coopérative d’habitation!
Gestion collective
Après bien des sueurs froides, le projet de centre culturel est finalement accepté par l’arrondissement, mais ne peut pas être subventionné avec les logements par la Ville et la Société d’habitation du Québec (SHQ). L’OBNL Espace Cercle carré devra plutôt solliciter des subventions culturelles. CDH accepte toutefois de "cautionner" son loyer à la coop, convaincu, selon M. Boivin, qu’un tel centre "fait partie intrinsèque du projet comme moteur de vie communautaire ouverte".
La viabilité de la coopérative ne sera, elle, vraiment acquise qu’en 2008, avec la bonification du programme québécois "Logement abordable". La SHQ fournit dès lors 3,29 millions de dollars de subventions, soit près de la moitié du financement total, la Ville de Montréal, un peu moins de 10 %, sans compter une subvention partagée avec la SHQ dans le cadre du programme Rénovation Québec. La Banque Nationale offre pour sa part 1000 dollars par unité de logement à la coop… et un prêt hypothécaire de 2,7 millions sur 25 ans.
Reste à compléter la liste des premiers occupants, artistes ou travailleurs culturels. La "campagne" de recrutement des membres de la coop est toujours en cours. Le sceau "Logement abordable" donne l’assurance de prix inférieurs à ceux du marché montréalais, mais sans subvention locative. Pour se qualifier, il faut pouvoir assumer le coût du loyer (503 $ pour un 31/2; 577 $ pour un 41/2) et l’achat d’une part sociale de la coop (500 $, remboursable), tout en démontrant une volonté d’engagement dans la gestion collective de la coopérative, sceau communautaire oblige!
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