Saint Laurent mauvais garçon
On n’a jamais autant écrit sur Yves Saint Laurent. Après la biographie de Laurence Benaïm (Grasset, 2002) et en attendant de pouvoir se mettre sous la dent les Lettres à Yves, recueil intimiste de la correspondance de l’amant terrible (Pierre Bergé) avec le maître de la haute couture, c’est Marie-Dominique Lelièvre, journaliste à Libération, qui se colle à l’exercice de la re(dé?)construction du mythe. Saint Laurent mauvais garçon aurait pu s’intituler Derrière les lunettes, tant l’ouvrage est à l’image du travail de la portraitiste: axé sur la part d’ombre du designer, dont on ne connaît finalement que l’image, froide et mystérieuse.
Senties, les premières pages, avec l’enterrement quasi "monarcal" de l’idole, où se dessinent les ambitions d’un Bergé irritable, ambitieux, mais visionnaire et fidèle: "Puis c’est au tour de Pierre Bergé de déclamer un texte dans lequel il s’adresse au couturier avec une voix chevrotante à la Jouvet : C’est la dernière fois que je te parle, Yves… (…) Avec véhémence, saint Pierre attribue les places au paradis glorieux des couturiers, comme autrefois les places dans les défilés…"
Sans complaisance, la description de l’enfance et de l’adolescence décalées, la famille militante de l’OAS, l’humour parfois perfide, les erreurs de calcul lors des premiers défilés, trop vieille France, à l’époque où Courrèges inventait la couture moderne. Tendre et admiratif aussi, le récit des rencontres avec les femmes qui ont marqué sa vie, défini son style, la gloire méritée et grisante, et la descente aux enfers enfin, la grande solitude. Limitée par les multiples interdictions placées sur son chemin par Pierre Bergé, Marie-Dominique Lelièvre livre un portrait complexe d’un être à la fois représentatif et en marge de son époque.
Éd. Flammarion, 2010, 296 p., 39,95 $
Le Monde de la mode
Autres temps, autres moeurs. Les grandes marques de la mode actuelle (haute couture et prêt-à-porter) possèdent leurs propres règles pour s’imposer sur un marché difficile. Le journaliste Mark Tungate, spécialiste du marketing, est allé sous la table pour ramener une foule considérable d’infos plus ou moins pertinentes sur les stratégies empruntées par l’industrie pour se maintenir au top. Et il a ratissé large: des méthodes de recrutement des mannequins à la manière dont sont construites les tendances, en passant par le business, lucratif, de la mode masculine et les fabriques d’identité, le livre a le mérite de reposer sur de nombreuses données chiffrées et citations parfois surprenantes. C’est touffu, instructif et rempli d’anecdotes croustillantes, même si on ne sait pas trop à qui l’auteur s’adresse.
Éd. Dunod, 2009, 270 p., 38,95 $