Si cet ouvrage jette un éclairage intéressant sur le sens et les origines de cette utilisation combinée de la photographie et de la peinture chez Melvin Charney, il représente surtout l’occasion de découvrir un peu mieux l’une des personnalités marquantes de l’art contemporain canadien, qui a profondément influencé plusieurs générations d’architectes dans les trois dernières décennies du 20e siècle.
Artiste, architecte et professeur…
Chevalier de l’Ordre national du Québec, commandeur dans l’ordre des Arts et des Lettres du gouvernement français, membre de l’Académie royale des arts du Canada, récipiendaire de nombreuses distinctions comme le prix Paul-Émile-Borduas du Québec et le Berliner Künstlerprogramm du DAAD… Que Melvin Charney soit reconnu ici et à l’étranger n’échappe à personne. Il est également le seul à avoir représenté le Canada à la Biennale de Venise à deux reprises, la première comme artiste et la seconde comme architecte. Mais ce que l’on sait moins, c’est que le fondateur et directeur pendant 15 ans de l’unité d’architecture urbaine de l’École d’architecture de l’Université de Montréal a été l’un des premiers à s’insurger contre les dérives du modernisme, n’hésitant pas parfois à se mettre à dos les "mieux pensants" de son époque, comme dans le cas de ses Maisons de la rue Sherbrooke, qui lui vaudront les foudres de l’administration du maire Jean Drapeau à la veille des Jeux olympiques de 1976.
Dans l’intimité de Melvin Charney
Pourtant, cette personnalité insolite est mal connue. D’abord, l’artiste est discret, voire farouche. Et puis, à force de critiques parfois trop enthousiastes, on finit par ne plus trop comprendre la finalité d’une oeuvre qui pourtant part du coeur. L’homme a passé sa vie à se promener dans les villes les plus diverses, à en observer les mécanismes naturels de développement et à se battre pour que survive l’idée d’une ville plus "humaine". Parce que le livre The Painted Photographs of Melvin Charney est articulé autour d’une conversation entre lui et la commissaire pour le Storefront for Art and Architecture, Yasmeen Siddiqui, il a le gros avantage de nous faire pénétrer dans l’intimité de l’artiste. Il y raconte son enfance, ses voyages, sa critique de Le Corbusier, ses rencontres, ses visions et ses luttes. On a l’impression de le connaître un peu mieux…
The Painted Photographs of Melvin Charney – Between Observation and Intervention
de Gwendolyn Owens, Saul Ostrow, Yasmeen Siddiqui et Melvin Charney
Americas Society, 2009, 80 p.