Les taxis new-yorkais, ceux de Londres, de Barcelone et de Mexico font partie de l’identité visuelle des quatre métropoles, tout comme y participent les "nouveaux tramways" pour de nombreuses villes françaises depuis les années 1980. À Paris, les taxis n’ont pas de couleur spécifique, mais sont en général des véhicules haut de gamme et bien entretenus. À Montréal, non seulement les taxis n’ont pas d’identité visuelle, mais ils sont souvent dans un état d’entretien qui peut laisser le voyageur perplexe. Autre caractéristique de Montréal: si, ailleurs, il est assez difficile, voire impossible, de prendre un taxi "à la volée", ici, ce genre de "pouce" ne pose pas de problème, les taxis n’hésitant pas à s’arrêter n’importe où, au risque de créer des embouteillages.
Faudrait-il alors peindre les taxis montréalais en rouge et blanc (les couleurs de Montréal)? Est-il important de créer des aires d’attente dignes de ce nom? Avant de répondre à ces questions, il faut comprendre ce que représente le taxi dans les habitudes de déplacement des Montréalais. Selon Florence Junca-Adenot, professeure à l’UQAM et ancienne présidente de l’Agence métropolitaine de transport, "un taxi permet d’éviter entre 18 et 29 voitures par jour", ce qui semble dérisoire en regard du parc automobile montréalais de plus de 1,5 million de véhicules. Cela dit, il faut regarder le taxi comme un complément précieux aux autres modes de transport. Comme le souligne la spécialiste des transports, "il est utilisé sur de courts trajets, comme substitut des transports collectifs lorsqu’ils ne sont pas présents, par des utilisateurs occasionnels".
Marquage au sol
Non seulement l’usage du taxi est-il occasionnel, mais la plupart des usagers utilisent leur téléphone pour appeler un taxi. Dès lors, on peut se demander l’intérêt de créer à grands frais de nouveaux postes d’attente. "Les taxis constituant une alternative à la voiture qui s’apparente même dans certains cas à une forme de transport collectif, tout ce qui va permettre de rendre plus visible, plus attrayante leur utilisation va dans la bonne direction", estime Florence Junca-Adenot. De son côté, Michel Dallaire, designer du mobilier urbain du Quartier international et du BIXI, pense que "ça pourrait même changer les habitudes des gens". Pour lui, le plus important est donc d’améliorer la signalisation.
Le designer imagine une enseigne géante, à l’image de celle des stations de métro, qui permettrait au quidam d’identifier un poste d’attente de taxis de très loin. En revanche, il estime qu’un marquage au sol serait peu efficace, à moins qu’il ne soit lumineux, à l’instar des ronds rouges du Quartier des spectacles. Mais encore là, ce ne serait visible que la nuit… En revanche, il croit beaucoup dans le "jalonnement dynamique", une signalisation électronique qui permettrait d’indiquer au voyageur la station de taxis la plus proche, à l’instar de ce qui se fait dans le Vieux-Montréal pour les stationnements. Et comme, selon lui, "les gens prennent davantage le taxi quand il fait mauvais", il faudrait prévoir un abri.
Système électronique
Pourtant, en matière de design, les choses restent floues; l’heure est au débat d’idées. Jean-Guy Chabauty, fondateur de Moderno et membre du jury de l’actuel concours d’idées annoncé par la Ville de Montréal, se réjouit à l’idée de découvrir les futures propositions. "Je sens que je vais triper tout le long parce que je n’ai aucune idée de ce que ça peut donner!" Pour sa part, il imagine un toit et une assise minimalistes, agrémentés d’un système électronique permettant de joindre un taxi dans le cas où l’aire d’attente serait vide. Car l’enjeu lié à ces aires d’attente ne se réduit pas à de simples considérations de design.
Pour Florence Junca-Adenot, le tout n’est pas d’avoir des postes d’attente attrayants et bien signalés. Il faut aussi qu’ils soient bien localisés et qu’on y trouve des taxis! D’autre part, elle souligne qu’il ne faudrait pas non plus surcharger les postes, si l’on veut éviter certains encombrements. "Les taxis provoquent souvent des bouchons sur Parc, à l’angle de Saint-Viateur", confirme Jean-Guy Chabauty. La solution serait alors un système qui permettrait soit d’appeler un taxi à partir d’un poste, soit d’avertir automatiquement le taxi disponible le plus proche de l’absence de taxi. Par ailleurs, pour optimiser l’emplacement des postes, peut-être faudrait-il envisager des modules amovibles, à l’instar des stations BIXI. Le débat est lancé. Les résultats du concours d’idées permettront de l’alimenter, avant qu’un nouvel aménagement ait la chance d’être effectivement réalisé. Mais ce n’est peut-être pas pour tout de suite…