Vie

Le bois : Sous-estimé, le bois?

Prisé dans la construction résidentielle, le bois est sous-utilisé dans la construction industrielle, institutionnelle et commerciale. Une réalité qui, selon certains, doit changer.

Dans le secteur résidentiel, 95 % des constructions ont des structures en bois. Et si l’on en sort? Quinze pour cent des bâtiments. Pourtant, ce matériau devrait et pourrait être plus utilisé, selon Louis Poliquin, directeur de Cecobois, Centre d’expertise en construction commerciale en bois. "Les analyses qu’on a faites montrent que plus de 80 % des nouvelles constructions non résidentielles pourraient utiliser une charpente en bois, en respect du Code du bâtiment et de celui des incendies." Entre 15 et 80 %, il y a, certes, une marge. Importante. Pourquoi n’intègre-t-on pas le bois autant qu’on le pourrait? Une question d’habitude. Et d’enseignement. "Dans les universités, dans les écoles de génie, le bois n’est pratiquement pas enseigné, déplore M. Poliquin. Après les années 1970, on a associé l’acier et le béton à la modernité, à ce qu’il fallait faire. Les ingénieurs et les architectes ont été formés à utiliser ces méthodes-là. On s’est dit, ironiquement, que le bois était le matériau de la tradition", explique Robert Beauregard, président de la Coalition BOIS Québec et doyen de la Faculté de foresterie de l’Université Laval.

C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles Cecobois a récemment pris contact avec l’Ordre des architectes du Québec. "Il y a de plus en plus de professionnels qui veulent concevoir des bâtiments en bois. On pourra les guider, leur offrir des outils de conception", indique son directeur. "Il y a un effet d’entraînement qui est en train de se créer, autant chez les concepteurs que chez les donneurs de commandes", ajoute Robert Beauregard.

REBOISER L’AVENIR

Parallèlement à l’enseignement, il y a l’image. "Il faudra s’éloigner de son côté folklorique, parce que le bois, c’est un produit de haute technicité. Et peut-être que ça, c’est un peu la faute de l’industrie. Peut-être qu’elle n’a pas suffisamment fait connaître et valoir les produits dont elle dispose", estime M. Poliquin. La valeur du bois? Efficace. Renouvelable. Durable. D’origine locale. Qui permet de créer de grandes constructions. Des exemples? Des infrastructures sportives, comme le stade Chauveau, à Québec, avec ses structures portées de 100 mètres, sans colonnes. Ou des immeubles. Des six étages de Fondaction, dans la capitale, aux neuf étages d’un immeuble commercial de Londres. "Avec des constructions comme celles-là, on repousse les limites de ce qu’on croyait possible!" lance M. Beauregard.

Des mesures nécessaires, selon les intervenants. Si ce n’est que pour des considérations environnementales. "L’aménagement durable des forêts, l’utilisation du bois, ce sont des choses qu’on peut faire qui auront un impact, et ce, au moindre coût", estime l’enseignant. "En fait, c’est le matériau qui a la plus faible trace environnementale. Il se fabrique tout seul et il séquestre le carbone en se fabriquant", ajoute Louis Poliquin. Et, dit-il, il s’agit d’une matière flexible, à géométrie variable et esthétique. "Faire une structure en poutres de bois a cet avantage sur l’acier ou le béton: on peut laisser les structures apparentes, on n’a pas besoin de les couvrir. Ça représente donc une économie qui peut compenser les coûts parfois plus élevés pour la structure."

Cecobois: www.cecobois.com
Ordre des architectes du Québec: www.oaq.com

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LES PROJETS MONTRÉALAIS LAURÉATS

Parmi les 11 prix Cecobois, deux ont récompensé des projets montréalais. Le prix de l’aménagement extérieur est revenu à la cour intérieure des habitations Unity 1 et 2, réalisée par NIPpaysage. Les architectes de paysage montréalais, qui se distinguent autant par la justesse de leurs aménagements paysagers que l’originalité de leurs installations temporaires lors de différents festivals, ont signé ici un jardin intérieur qui est un vibrant hommage au bois. Utilisant ce matériau autant pour le sol de la cour que pour le coffrage des bacs de plantation, les architectes ont su créer un espace qui fait pendant à la minéralité du centre-ville. La rupture dans l’alignement des lattes du platelage de bois non seulement évoque le désaxement du cadre bâti, mais produit aussi un effet ludique qui justifie le nom du projet, Danse en ligne.

Dans la catégorie "revêtement intérieur", c’est le Pavillon de la Jamaïque qui a été primé. Faisant partie des rares bâtiments restants d’Expo 67, ce pavillon est désormais utilisé pour accueillir des événements corporatifs et même des mariages. Sa récente rénovation (achevée en janvier 2010) par la firme Réal Paul Architecte a fait la part belle au bois, déjà très présent à l’origine. Le comptoir-bar, le plancher de la grande salle, l’habillage des piliers et les mains courantes confèrent de la chaleur à un espace d’une sobriété presque monacale. Par ailleurs, un beau travail de rénovation a été fait pour redonner aux éléments de bois d’origine leur éclat d’antan. (Alain Hochereau)