Vie

Village gai : Tout le village en parle

Depuis que la rue Sainte-Catherine est piétonne et que les hétéros ne se gênent plus pour le fréquenter, le Village gai semble en pleine mutation. On profite des Célébrations de la Fierté pour observer le phénomène de plus près.

Ghetto d’homosexuels excentriques, paradis du clubbing et de la prostitution masculine: il y a des clichés qui collent à la peau. Le Village a du mal à se débarrasser de cette image de cage à folles ne carburant qu’à la vie de nuit et à la débauche perpétuelle. Mais voilà que ces dix ou quinze dernières années, résultat de l’évolution des mentalités comme de l’effort soutenu des commerçants et des résidents, le portrait est fort mieux nuancé.

Un peu d’histoire

Parti de l’ouest du centre-ville dans les années 80 pour s’installer rue Sainte-Catherine Est, le Village s’est développé rapidement, faisant de cet ancien quartier industriel en désuétude un nouveau pôle commercial de plus en plus dynamique, doublé d’une forte vie communautaire. Surtout, le Village est devenu un espace d’affirmation essentiel pour la communauté LGBT, comme le souligne le chercheur Frank W. Remiggi, qui collabore aux archives gaies de Montréal. "Pour moi, le Village n’a jamais été un espace de ségrégation; c’est un espace de visibilité pour la communauté LGBT, favorisant l’acceptation sociale de l’homosexualité", commente-t-il. "Je me pose toutefois des questions sur le rôle du Village aujourd’hui. D’autant plus que la Ville a tendance à subventionner surtout des activités rentables dans lesquelles l’affirmation de l’homosexualité n’est pas le but premier. La dimension communautaire du quartier serait-elle en voie de disparition?" s’inquiète-t-il.

Sortir du cadre

Denis Brossard, président du conseil d’administration de la Société de développement commercial (SDC) du Village et copropriétaire du Cabaret Mado, pense quant à lui qu’il est naturel que l’évolution du quartier aille dans ce sens. "Les gais ont d’abord eu besoin de se regrouper pour s’affirmer et peuvent maintenant s’intégrer pleinement au tissu urbain. Le Village se décloisonne depuis plusieurs années déjà. Il restera un symbole fort pour les gais, mais ne joue plus le même rôle social."

La diversification du quartier est réelle. Si sa population est encore majoritairement composée de jeunes hommes, pas tous gais même si aucune statistique ne permet de le savoir, les commerçants et les habitants du quartier vous diront que des familles et des couples hétéros y vivent et le fréquentent de plus en plus, comme d’ailleurs un nombre grandissant d’immigrants, ce que les statistiques de la Ville de Montréal confirment.

Mais ce phénomène n’est pas proprement montréalais. Daniel St-Louis, directeur général de la boutique homo-érotique Priape (le plus vieux commerce du Village, fondé en 1974), l’a constaté à Toronto et à Vancouver, où son commerce a des antennes. "La même diversification des résidents et des gens qui fréquentent le quartier se produit là-bas. Je pense que par un phénomène d’influences réciproques, le Village s’ouvre aux autres réalités en même temps que le reste de la ville s’ouvre au Village."

Et l’avenir? Les projets ne manquent pas. La SDC caresse le projet d’installer des oeuvres d’art permanentes, comme elle désire mettre en valeur le patrimoine bâti, trop souvent négligé dans le coin. Quartier artistique, le Village? Pourquoi pas.

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Célébrations de la Fierté: le jour et la nuit

Fierté de jour /

Concentrées pendant la fin de semaine des 14 et 15 août, les activités diurnes sont souvent de nature franchement communautaire et rappellent l’importance de continuer à discuter de la réalité homosexuelle québécoise et occidentale. L’événement attendu, c’est le fameux Défilé de la Fierté, sous le thème des super-héros. Départ à 13 h le dimanche 15 août au coin de la rue Guy et du boulevard René-Lévesque Ouest.

Fierté de nuit /

Dès le 10 août, au Studio-théâtre de la Place des Arts, la comédienne Rita Lafontaine, une habituée du répertoire de Michel Tremblay, dirige le jeune acteur Francis Bourgea dans La Duchesse de Langeais. Jasmin Roy investit pour sa part la Cinquième Salle avec Les Gaydailles, spectacle d’humour explorant les aléas de la vie homosexuelle. Pas de célébration gaie sans drag-queens, et on sera servis avec le spectacle Dream Académie: Drag to the Future, rassemblant les meilleures drag-queens de la relève. On aura finalement droit à un concert inattendu des B.B. avec Joe Bocan et Martine St-Claire. Nostalgie, quand tu nous tiens!
Du 10 au 14 août
Différents lieux
www.fiertemontrealpride.com