Vie

Ciné-parcs : Dans un ciné-parc près de chez vous…

Les ciné-parcs semblent appartenir à une autre époque: celle où on prenait la vieille bagnole pour aller aux vues, celle où les rancards finissaient sur la banquette arrière, celle où la série Jaws tenait encore l’affiche… Nostalgie d’un amour de jeunesse…

"Pour la génération plus âgée, le ciné-parc est un petit moment de nostalgie, l’occasion de se rappeler un premier baiser ou une sortie avec papa-maman. Pour les plus jeunes, le ciné-parc est une curiosité à l’ère des jeux vidéo, des DS et des iPod", illustre Luc Dupont, professeur en communication à l’Université d’Ottawa.

Célébrant son quarantième anniversaire au Québec, le ciné-parc voyait le jour au New Jersey dans les années 30 après que son inventeur, Richard Hollingshead Jr., eut combiné ses deux passions: les voitures et le cinéma. Après avoir improvisé une représentation de fortune dans sa cour avec un projecteur Kodak et un drap fixé aux arbres, il construisit un premier drive-in en 1933. Vingt-cinq ans plus tard, on recensait déjà plus de 4000 ciné-parcs aux États-Unis.

Féru de ciné-parcs, le webmestre Jean-Philippe Groleau a mis la main sur les archives d’un journal de 1969 annonçant l’arrivée de 12 ciné-parcs au Québec pour 1970. Au plus fort de leur popularité, 39 ciné-parcs étaient exploités dans la Belle Province, selon ce qu’a pu apprendre le créateur du site cineparcs.ca qui recense les sites actifs (avec horaire des films) et même les sites inactifs (avec photo et bref historique). "Le Québec a mis du temps parce que c’était mal vu, notamment par l’Église, explique-t-il. Mais avec la montée de la culture de l’automobile dans les années 70, liée à une activité estivale de plein air, ça a été un succès immédiat."

En voie de disparition

Aujourd’hui, il n’en reste plus que 11 et la plupart donnent les bleus: habituellement établis sur des terrains vagues près des autoroutes, ils font de moins en moins partie du décor; laissés à eux-mêmes, ils accumulent la rouille comme la poussière… Certains arborent même encore ces poteaux où se trouvaient autrefois les haut-parleurs (avant le recours aux ondes AM puis FM), et quelques-uns ont toujours des prises 220, témoins de l’enthousiasme des premiers exploitants. "Des chaufferettes électriques étaient offertes en location: elles chauffaient l’habitacle et éliminaient la buée. C’était bien pensé, mais ça n’a pas duré. Avec les hivers qu’on a!" relate M. Groleau.

Selon Luc Dupont, deux facteurs auraient joué un rôle dans le déclin des ciné-parcs au Québec: "L’étalement urbain et l’explosion des gadgets technologiques depuis le début des années 80: magnétoscope, cinéma maison, écran géant, multiplication des chaînes et, maintenant, téléviseur 3D. Tout cela a graduellement incité les familles à regarder leur film à la maison plutôt que de s’entasser dans une voiture."

Une certaine stabilisation et, dans certains cas, une augmentation de l’achalandage auraient toutefois été observées depuis le tournant de l’an 2000. "Les ciné-parcs encore ouverts à l’heure actuelle sont ceux qui vont bien et qui pourraient subsister encore plusieurs années", estime M. Groleau.

Or, pour assurer leur survie, le virage technologique s’annonce inévitable pour ces ciné-parcs, croit M. Dupont: "C’est d’ailleurs ce qui a relancé l’industrie dans le passé: les innovations sur le plan du son ou de la qualité de l’image. Est-ce que les propriétaires sont prêts à faire ces investissements dans le contexte actuel? C’est la grande question."

Adresses

Ciné-parc Drummond: 355, route 122, Saint-Germain de Grantham, 819 474-6926 (2 écrans)
Ciné-parc Joliette: 300, 5e Rang, Saint-Ambroise-de-Kildare, 450 756-1001 (3 écrans)
Ciné-parc Odéon Boucherville: 170, rue Eiffel, Boucherville, 450 655-0692 (2 écrans)
Ciné-parc Saint-Eustache: 455, avenue Mathers, Saint-Eustache, 450 472-6660, www.mathers.ca (5 écrans)
Ciné-parc St-Hilaire: 800, rue du Ciné-parc, Mont-Saint-Hilaire, 450 464-6161 (2 écrans)
www.cineparcs.ca

Dans la station wagon

Pour l’expérience nostalgique totale, le ciné-automobiliste avisé mettra dans son coffre: une couverture chaude pour les nuits frisquettes, des chaises de parterre, et même des sacs de couchage pour la méthode "station wagon stationnée de reculons"! Dans le panier, on apporte une boîte de Cracker Jack, une bouteille d’Orangina et des bâtons de réglisse! Mais attention, pour garder ces lieux d’anthologie bien vivants, un arrêt à la cantine est tout indiqué: "Les ciné-parcs font majoritairement leurs profits grâce à leur concession alimentaire. Si tout le monde achetait ne serait-ce qu’un aliment, le ciné-parc pourrait demeurer entièrement rentable", relève Jean-Philippe Groleau. Son palmarès perso: les rondelles d’oignon du Ciné-parc Boucherville, "les meilleures au monde", et les hot-dogs du Ciné-parc Saint-Hilaire.