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Gérer les finances du couple : Chéri, j'ai pigé dans le compte conjoint!

En amour, la question de l’argent n’est pas toujours facile à aborder. Si les façons de gérer les finances du couple sont multiples, une règle d’or s’impose: communiquer pour trouver un terrain d’entente qui corresponde aux valeurs et priorités de chacun.

Êtes-vous une cigale ou une fourmi? Et votre conjoint? Si les contraires s’attirent, il y a de fortes chances que votre douce moitié ne partage pas les mêmes priorités financières que vous. Avant qu’il y ait péril en la demeure, une réflexion sur ses valeurs par rapport à l’argent et une discussion franche entre amoureux s’imposent.

"L’argent, c’est un sujet chargé. Les façons de dépenser et le choix de nos dépenses, notre rapport à l’endettement reflètent beaucoup qui on est et quelles sont nos valeurs. On peut être très différents là-dessus. Par exemple, un conjoint peut être très dépensier sur les gadgets de sport alors que la dame rêve de voyager… Ça peut créer des conflits à la longue", soulève Lise Morin, conseillère budgétaire depuis près de 30 ans au sein de l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de l’Est de Montréal.

Pour Hélène Belleau, professeure à l’INRS et qui s’intéresse au sujet depuis des années, ce qui peut poser problème va au-delà de la stricte question budgétaire: "Beaucoup de gens ne font pas de budget et fonctionnent très bien comme ça, explique-t-elle. Ce qui est important, c’est que les conjoints s’assoient ensemble et réfléchissent à l’organisation financière, et ce, à chaque étape de la vie commune: au moment de cohabiter, lorsque arrivent les enfants et chaque fois qu’une donnée change, qu’on pense à une baisse de salaire, au chômage…"

Car, avance-t-elle, les couples discutent très peu de gestion d’argent, et c’est là où le bât blesse: "Ils vont discuter du quotidien, des choix à faire par rapport à la nourriture (manger bio ou pas?), des vêtements… Mais l’organisation est rarement discutée et c’est là qu’il y a des frustrations et conflits qui se développent."

À chaque couple, son modèle

La question à se poser avant d’établir l’organisation financière du couple, selon Mme Belleau, est la suivante: que représente le salaire pour chacun? "Pour certains, le salaire va être vu comme un revenu familial, alors que pour d’autres, ce revenu leur appartient et ils en mettent une partie dans le couple."

Ces deux façons de voir mèneront à deux types d’organisation: la mise en commun des revenus ou le partage des dépenses. La mise en commun correspond plus au modèle "familial" traditionnel, où tout est mis ensemble dans un même compte à partir duquel on paie les dépenses et où l’argent restant est séparé selon ce qui aura été déterminé. Dans l’autre modèle, chacun garde son salaire dans un compte personnel et contribue aux dépenses communes selon ce qui est établi dans le couple, en déposant cet argent dans un compte conjoint, par exemple. "Je crois que chaque modèle a ses avantages et inconvénients; cela va vraiment dépendre de la dynamique du couple", ajoute la professeure.

Égal ou équitable?

Différentes dispositions peuvent être prises pour le partage des dépenses: certains tiennent à l’égalité (moitié-moitié), alors que d’autres optent plutôt pour l’équité (prorata proportionnel au revenu de chacun). Plusieurs variables peuvent aussi entrer en ligne de compte, comme le fait qu’un des conjoints arrête de travailler complètement ou partiellement pour s’occuper des enfants, ou s’il existe une très grande disparité de revenus entre les deux amoureux.

Malgré les voeux d’équité ou d’égalité, "on n’oublie jamais d’où vient l’argent", avertit Mme Belleau. "Celui qui en a moins sera porté à moins dépenser même si l’argent est à sa disposition dans un compte commun. Ça peut créer une disparité de niveau de vie à l’intérieur d’un couple", affirme celle qui a interviewé plus d’une centaine de personnes dans le cadre de ses recherches sur le sujet.

Quoi qu’il en soit, très peu de couples aujourd’hui mettent absolument tout en commun, croit Mme Morin. "C’est important de garder un espace de liberté pour ses dépenses personnelles, pour ne pas avoir à se justifier si on s’achète une paire de souliers! Et il ne faut pas oublier qu’en cas de décès, un compte conjoint est gelé jusqu’à ce que la succession soit finalisée."

Au final, soulève Mme Morin, "c’est la question de savoir à quel point on est engagé par rapport à l’autre". Prêts à discuter?

Atelier gratuit de l’ACEF de l’Est de Montréal par Lise Morin: Couple et argent: où vous en êtes?, le 2 novembre à 19 h à la Bibliothèque Langelier.
Réservations: 514 257-6622. www.consommateur.qc.ca/acefest

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Se séparer… sans tout casser

Selon Lise Morin, c’est près d’un couple sur deux qui se sépare au Québec. Se mettre la tête dans le sable en croyant que ça ne nous concerne pas n’avance à rien! "On doit envisager cette possibilité, surtout si on a des enfants! C’est beaucoup plus facile d’en parler lorsque ça va bien que lorsqu’on a le coeur en colère", avance Mme Morin, qui conseille fortement aux conjoints de fait de signer un contrat de vie commune. "Il faut aussi penser aux conséquences des choix de vie, comme aller habiter dans la maison de son conjoint et l’aider à la payer." Bref, considérer la situation en ayant en tête que la séparation peut survenir permet d’être plus prudent et averti dans ses décisions.