Vie

BGL : Métis à Montréal

Le Centre de design de l’UQAM nous invite à nous plonger dans 11 ans de jardins conceptuels à Métis, par le truchement de l’installation exploratoire Cultiver son jardin du collectif BGL, demi-finaliste du prix artistique Sobey 2010.

À l’occasion des 10 ans du Festival international de jardins de Métis, Emmanuelle Vieira, directrice artistique de l’événement estival annuel, a imaginé une exposition qui rendrait hommage à ce festival, en en dévoilant les "coulisses" au grand public. "Je ne voulais pas faire une exposition didactique, à grand renfort de catégorisation et d’étiquetage, mais plutôt partir dans une optique poétique pour mettre en valeur le travail créatif qui préside à la naissance des Jardins de Métis", explique la commissaire.

Après une première étape lors du 10e anniversaire en 2009, réalisant à Métis une sorte d’inventaire d’artefacts appartenant à des jardins des éditions antérieures (que l’on retrouvera sur une étagère à l’entrée de l’exposition actuelle), Emmanuelle Vieira a invité cette année le collectif d’artistes BGL à concevoir un aménagement dans la salle du Centre de design de l’UQAM. Depuis la fin de l’été, des arbres dépotés, récupérés des rebus de la Ville de Montréal, ont été alignés dans l’espace d’exposition. Pendant les deux semaines qui ont précédé l’inauguration de l’expo, les trois artistes de BGL (qui sont exposés au Musée d’art contemporain de Montréal jusqu’au 4 janvier, dans le cadre du prix Sobey) se sont livrés à une transformation de la matière végétale, peignant les arbres, faisant revivre leurs racines en semant des graines de blé dans les mottes de terre, inventant des champignons synthétiques et simulant la vie en détournant les bouches d’aération du Centre pour faire frissonner des feuilles artificielles…

"On a inversé l’expérience de Métis. Là-bas, on crée des jardins en plein air avec des matériaux souvent synthétiques. Ici, c’est la matière organique qui investit un milieu artificiel", commente Mme Vieira. Car l’originalité du Festival de Métis, c’est justement de permettre de construire un jardin en se passant de végétaux. Un des exemples les plus connus de cette approche est le jardin de bâtons bleus, cette allégorie de 3300 bâtons de bois, peints en bleu et orange, qui a lancé l’incontournable Claude Cormier et fait connaître le Festival en 2000. À la différence des jardins traditionnels, ceux-là sont conceptuels, c’est-à-dire qu’ils invitent à une réflexion sur l’environnement et notre rapport avec lui. "Le jardin conceptuel est à l’architecture de paysage ce que l’essai est à la littérature; c’est le support idéal pour expérimenter de nouvelles idées et de nouveaux matériaux", ajoute la directrice artistique du Festival.

Jardins conceptuels

Pour montrer la richesse conceptuelle de tous ces jardins qui ont fait la réputation de Métis, l’exposition a entrepris d’en sélectionner une trentaine. Encadrant l’installation de BGL, une "ligne du temps", ponctuée de photographies et de textes qui décrivent les jardins sélectionnés, a été imprimée sur la surface supérieure de deux murets. "Ce sont à la fois les plus populaires et ceux qui sont des manifestes, dans le sens qu’ils expriment un nouveau regard sur l’idée de jardin", rapporte la commissaire. On retrouve ainsi les bocaux de couleurs de la Fertilisation in vitro, une critique de la notion de jardin par NIPpaysage, les structures architecturales du bureau d’architectes Atelier Big City, les panneaux de verre coloré de l’artiste Hal Ingberg… Car une autre originalité du Festival de Métis est son ouverture à toutes les disciplines du design et des arts. C’est sans doute ce qui lui permet d’aller aussi loin dans l’idée de jardin conceptuel. Alors que le jardin traditionnel invite à la contemplation, les Jardins de Métis nous rendent actifs en nous entraînant dans une expérience multisensorielle originale. On grimpe, on glisse, on patauge, on se balance… On se met dans des positions qui nous amènent à nous interroger sur l’espace et, parfois même, sur la place qu’on y occupe…

Cultiver son jardin
Jusqu’au 16 janvier
Au Centre de design de l’UQAM
1440, rue Sanguinet, Montréal
www.centrededesign.uqam.ca

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Nature morte

Le travail de BGL, au coeur de l’exposition du Centre de design, a été conçu pour nous montrer le côté exploratoire du Festival de jardins de Métis. Il ne faut donc pas s’attendre à pénétrer dans le genre de jardins participatifs auxquels le collectif nous a habitués à Métis (comme avec la glissade de La Source en 2004). Ici, il s’agit d’une "exploration récréative", comme le dit l’un des membres du collectif. On découvre une nature désolée d’arbres morts et d’eau croupie au fond de pots renversés, sur laquelle un concept, composé d’éléments artificiels et naturels, semble prendre vie. C’est un peu de l’esprit de Métis dans une "boîte" fermée, pour nous donner l’envie de vivre réellement l’expérience du Festival. Ça paraît loin de Montréal, Métis. Mais, en fait, ça l’est beaucoup moins que Chaumont-sur-Loire…