Tous les dix ans (ou presque) depuis son inauguration, le musée Pointe-à-Callière affirme sa place de seul grand musée d’archéologie au Canada en nous offrant un spectacle qui met en scène Montréal à travers les âges. Après la projection cinématographique de 1992 et la mise en scène théâtrale de 2000, le musée a opté cette année pour une approche à la fois graphique, dynamique et immersive. Et le programme était ambitieux: mettre le développement de Montréal en rapport avec sa place privilégiée au coeur des réseaux nationaux et internationaux (commerciaux, mais aussi sociaux, politiques et culturels), sur fond d’évènements et de personnalités qui ont marqué l’histoire du Québec et du monde entier. Et tout ceci ne devait durer que 18 minutes…
Consciencieux, les responsables du musée ne voulaient pas se contenter d’une chronologie didactique et informative. "Nous voulions que ce soit spectaculaire, que ça touche un public varié (scolaire, professionnel, familial, etc.) et que cela offre aux Montréalais l’occasion d’être fiers de leur ville", rapporte la chargée de projet, Anne Élizabeth Thibault. Bref, il fallait livrer, en un quart d’heure, de l’émotion, du merveilleux et de l’information! Mais, ce qui aurait facilement pu passer pour une gageure a finalement servi à montrer les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies en multimédia et le talent de la firme montréalaise Moment Factory, connue pour ses environnements immersifs souvent spectaculaires (beaucoup plus à l’étranger que chez nous).
Pleine immersion
"Le vrai défi était de réussir à livrer une émotion, plutôt que simplement de l’information", raconte Éric Fournier, l’un des associés de Moment Factory. Pour y parvenir, la firme a d’abord pensé proposer un environnement immersif. La firme de design d’expositions gsmprjct° a réaménagé la salle des vestiges imaginée à l’origine par l’architecte Dan Hanganu. Une série d’écrans géants y encadre les premières fondations de Montréal, pour former une surface de projection à 270 degrés. Cette structure s’élève jusqu’à la coursive du deuxième étage et se fend au niveau de la passerelle du premier étage d’une percée visuelle horizontale. Le spectateur peut ainsi se retrouver en face des écrans, au-dessus ou encore "à l’intérieur". Quatorze projecteurs vidéo, 15 ordinateurs, 17 haut-parleurs, une centaine de projecteurs d’éclairage, 38 stroboscopes et des procédés de fusion des contours et de correction d’image donnent l’impression que les images se "promènent" de part et d’autre de la surface de projection et jusqu’aux vestiges, animant l’espace dans une explosion de lumière, de sons, de vidéos, de photographies et d’illustrations.
Compte à rebours
Car, l’autre idée qui a séduit le musée Pointe-à-Callière dans la proposition de Moment Factory était de donner à ce spectacle un traitement graphique. Il ne faut donc pas s’attendre à des images de synthèse pour revivre l’histoire des Iroquoiens, de la Nouvelle-France ou des années folles de l’entre-deux-guerres. Ce sont plutôt des illustrations représentant Jeanne Mance et Maisonneuve ou l’effervescence de la révolution industrielle que l’on voit défiler, apparaître ou disparaître en toute simplicité, mettant en scène un spectacle graphique d’un autre temps. "Ce sont des documents d’archives ou des dessins créés par des artistes montréalais. Nous avons aussi élaboré une charte graphique pour que le spectateur puisse visualiser chaque époque grâce au style des images", explique Éric Fournier. Mais c’est sans doute sur les vestiges mêmes de la salle que ce traitement graphique trouve toute sa force expressive. Grâce à la technique du mapping 3D, les vieilles pierres s’animent littéralement sous nos yeux tout en servant de compte à rebours, en égrenant les siècles jusqu’à nos jours.
Signé Montréal
Musée Pointe-à-Callière: 350, place Royale, Montréal, 514 872-9150, www.pacmusee.qc.ca
En parallèle à l’évènement, Pointe-à-Callière publie un très beau livre éponyme, qui permet d’apprécier "à tête reposée" plusieurs illustrations apparaissant dans le spectacle. Un beau cadeau de Noël pour les amateurs de compositions graphiques.
Feu roulant
Le spectacle s’amorce avec un effet spectaculaire: le sol, qui s’anime soudain, semble faire revivre les vieilles pierres qui ont vu naître Montréal au 18e siècle. On l’apprécie encore plus du deuxième étage! Et puis on bascule à la fin de l’ère glaciaire pour traverser aussitôt quelques milliers d’années en quelques secondes et se plonger dans la vie des Iroquoiens. Cette rapidité vertigineuse avec laquelle on passe d’un sujet à un autre annonce une succession étourdissante d’images et de faits historiques, qui sont évoqués si brièvement qu’on a du mal à faire le lien avec le développement de Montréal sans en connaître l’histoire. Il aurait fallu vouloir dire moins de choses pour mieux mettre en valeur un traitement graphique et dynamique tout à fait exceptionnel, qui trouve son apothéose dans une fin époustouflante. Une option serait peut-être alors de retirer son casque d’écoute, pour être directement en contact avec ce feu d’artifice d’émotions visuelles, sans vouloir nécessairement les relier entre elles.