Au moment de sa parution originale en 1997, le livre L’envers de l’assiette de l’écosociologue Laure Waridel avait trouvé écho surtout auprès des associations environnementales et des éducateurs en environnement. Lors de sa réédition en 2003 aux Éditions Écosociété, des milliers de Québécois s’appropriaient l’ouvrage vers de meilleurs choix alimentaires et habitudes de consommation. "Je pense que les gens sont plus prêts aujourd’hui à aller vers un outil comme celui-là. Je l’ai écrit de manière à ce qu’autant un épicier qu’un médecin, un élève fin secondaire ou un cégépien s’y intéresse."
Des 3 N-J aux actions
Dans cette version mise à jour et augmentée, l’auteure reprend donc le concept des 3 N-J (Nu, Non loin, Naturel et Juste) en portant parfois la recherche plus loin ou en rendant l’alarme plus criante. "Je m’étais dit que ça allait se faire facilement, que j’allais mettre quelques chiffres à jour, mais c’est comme des travaux de rénovation, tu sais quand tu commences mais pas quand tu finis! Alors il reste la fondation du livre original, de même que la structure, qui est encore très forte, mais j’ai rénové le reste de manière écologique!" s’amuse-t-elle.
Si la cofondatrice d’Équiterre se réjouit des avancées des Québécois dans certaines habitudes de consommation – l’emploi de sacs réutilisables, l’approvisionnement direct auprès d’agriculteurs bio locaux, la prolifération des marchés locaux, de produits équitables sur les tablettes, de boutiques de produits du terroir, etc. -, elle demeure néanmoins inquiète quant à la situation globale, notamment en ce qui a trait à la faim dans le monde et à la participation des gouvernements dans d’importants dossiers. Lors de ses recherches, elle a aussi été particulièrement frappée par la question du gaspillage, tant industriel que domestique. "Je ne l’avais pas abordé autant dans l’édition précédente. Je suis tombée sur les travaux de Timothy Jones de l’Université de l’Arizona qui a constaté que de la ferme à la maison, entre 40 et 50 % de la nourriture était gaspillée. C’est absolument gigantesque quand on a une industrie qui nous dit qu’il faut produire plus pour nourrir la planète! s’insurge l’auteure. On gagnerait tous à moins gaspiller dans nos familles, même économiquement. Ça demande de cuisiner un peu plus, d’avoir un autre mode de vie alimentaire."
Un guide pour les familles
Or, comme le reconnaît l’auteure, "popoter" en famille des ingrédients frais, biologiques et locaux n’est pas donné à tous les foyers et à tous les milieux. "Je souhaite que les familles s’approprient ce livre et l’adaptent à leur réalité. On peut adopter des stratégies différentes. Je pense qu’il y a plein d’outils là-dedans, notamment dans les rubriques Consommaction à la fin des chapitres. Mais la règle générale demeure le gros bon sens: on économise en réduisant le gaspillage, en diminuant notre consommation de viande tout en diversifiant nos apports en protéines, en découvrant des recettes avec nos enfants, en leur apprenant le plaisir de cuisiner… On évite le suremballage, on limite l’achat de produits transformés qui contiennent des additifs alimentaires nocifs pour la santé."
Le gros bon sens arrive parfois de la bouche des enfants qui agissent de plus en plus comme des instigateurs de changement à la maison, sensibilisant les parents au recyclage, au compostage. "Les professeurs dans les écoles, notamment le réseau des écoles vertes Brundtland, ont joué un rôle très important au Québec en matière d’éducation relative à l’environnement. La province est même souvent citée en exemple en Europe à ce propos. Je pense qu’il y a donc un beau travail qui a été fait."
Les cuisines collectives et l’Agriculture soutenue par la communauté (ASC) sont parmi les initiatives positives auxquelles de plus en plus de familles adhèrent, se réjouit Laure Waridel. "Les agriculteurs organisent même des activités lors des récoltes, ce qui permet aux enfants d’aller arracher des carottes par exemple, de voir qu’elles ne sont pas toutes droites comme celles des sacs d’épicerie standardisées. Pour eux, c’est un éveil à quelque chose de différent: ils goûtent ce qui vient de la terre, ça donne un sens à ce qu’ils mangent. Je le vois avec mes enfants qui prennent plaisir à goûter le fromage de chèvre de notre ami producteur après avoir aidé à la traite, qui aiment découvrir des aliments, mais aussi cuisiner…", constate la mère de famille pour qui l’apprentissage du "bien manger" et de la cuisine demeure le plus bel héritage. "La cuisine, c’est des couleurs, des odeurs, des saveurs, de la texture… c’est fascinant pour un enfant, ça éveille ses sens et stimule son intellect. Ce sont des activités familiales à la fois plaisantes et éducatives." À vos casseroles!
L’envers de l’assiette
de Laure Waridel
Éd. Écosociété, 2011, 212 p.
Nouvelle édition mise à jour et augmentée en librairie le 12 mars
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Expo Manger santé et vivre vert
Sous le thème de l’éco-gastronomie, la 14e édition de l’Expo Manger santé et vivre vert aura lieu du 19 au 21 mars au Palais des congrès et les 26 et 27 mars au Centre des congrès de Québec. En tout, 350 exposants tenteront de verdir notre assiette en dévoilant les nouvelles tendances, par le biais de démonstrations, d’ateliers, de dégustations et de rencontres. Le porte-parole Joël Legendre sera épaulé par trois porte-parole scientifiques représentant chacun une thématique de l’Expo: la nutritionniste Anne-Marie Roy abordera l’alimentation saine, Laure Waridel, l’écologie et l’équitabilité, alors que le pharmacien Jean-Yves Dionne s’intéressera à la santé globale.
Présentement installée en Suisse pour parfaire son doctorat à l’Institut de hautes études internationales et du développement de Genève, Laure Waridel prendra part à une discussion autour de L’envers de l’assiette le dimanche à Montréal et dialoguera sur Skype pour l’édition de Québec. "C’est vraiment une très belle exposition qui permet de rencontrer les acteurs et les actrices de notre système alimentaire, des gens qui travaillent à des alternatives de toutes sortes. Ça permet aussi de déguster des aliments devant lesquels on hésite parfois, de discuter de leur valeur nutritive avec les nombreux nutritionnistes sur place, de trouver des trucs pour réduire notre consommation de viande pour se faciliter la vie tout en se faisant plaisir." Consultez l’horaire des conférences et des démonstrations culinaires au www.expomangersante.com.