À quel point le vieillissement de la population aura-t-il une influence sur l’urbanisme? Selon Carole Després, directrice du Centre de recherche en aménagement et développement et professeure à l’École d’architecture de l’Université Laval, les changements ne seront pas majeurs. Pas de grande révolution. "Les gens veulent d’abord vieillir à domicile. Il faut s’enlever de la tête qu’il y aura des changements fondamentaux. En fait, ce n’est pas l’âge qui fait qu’on déménage, c’est l’état de santé." Donc, les gens sont bien où ils sont et c’est là qu’ils souhaitent commencer leur retraite. En général, bien entendu. "On ne peut pas mettre toutes les personnes âgées dans le même panier! Il y a autant de personnalités qu’il y a de personnes âgées et, comme chez les jeunes, il y en a certaines chez qui la fibre urbaine est forte et qui seront attirées par la ville", poursuit-elle. Selon ses recherches, une personne sur 10 se dirigerait, à la retraite, vers le centre-ville. "C’est suffisant pour créer un marché."
Selon Daniel Gill, chercheur à l’Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier et professeur à la faculté d’aménagement de l’Université de Montréal, cette vague potentielle de retours aura tout de même un effet marqué sur l’urbanisme. "En vieillissant, les gens quittent leurs maisons unifamiliales et migrent vers des formules d’habitation plus denses." Plus de copropriétés, donc. Plus de tours. "Ailleurs, on voit même arriver des formules locatives de type hôtel ou resort. Ces propositions feront leur chemin jusqu’ici." Qu’en est-il des écoquartiers, destinés aux jeunes familles? Ils devront plutôt être pensés pour les besoins d’une clientèle plus âgée, la plus susceptible d’y habiter, répond d’emblée Daniel Gill. "Ce n’est pas le cas en Europe, où les jeunes familles s’y installent, mais là-bas, la culture et les habitudes de vie sont plutôt différentes."
De plus, cette migration aura un effet sur le marché immobilier: "Il y aura plus de gens qui quitteront les banlieues éloignées que de gens qui s’y installeront. En fait, dans une quinzaine d’années, à Québec, le marché sera très ralenti: en banlieue, le départ d’une partie des baby-boomers créera un déséquilibre", note M. Gill. Résultat? On risque bien d’assister à une densification de la ville. "Une belle occasion de corriger les erreurs commises en ce qui a trait à l’étalement urbain."
Changement culturel
Cela dit, le principal changement qu’on devra appréhender avec le vieillissement de la population ne résidera pas dans la structure des villes, mais plutôt dans leur culture. "Par exemple, le milieu théâtral, qui vise des clientèles plus âgées, devra s’adapter à une demande croissante pour des pièces en après-midi. Les cinémas, eux, devront penser à offrir des projections le matin", évalue Daniel Gill. "Il faudra repenser la manière dont on utilise l’espace à travers le temps, peut-être repenser la programmation des activités dans une ville", ajoute Carole Després.
Et pour répondre aux besoins de la population, qu’elle se soit installée au centre-ville ou qu’elle soit restée en banlieue de première ou deuxième couronne, voire au-delà, il faudra accentuer l’offre de services. La garder accessible. Plutôt que d’avoir seulement un centre-ville, des centres secondaires, à l’image de Sainte-Foy, se développeront, selon Mme Després. "Il ne s’agit pas nécessairement d’envisager de grands changements, mais de s’assurer que l’urbanisme s’adapte afin de bien servir les gens."