"Montréal, c’est Ville-Marie. C’est une femme… vous ne pouvez tout de même pas lui offrir un égout collecteur ou un poste de police […]. Alors, pardieu! Mettez des fleurs à son corsage! Jetez-lui dans les bras toutes les roses et tous les lys des champs", aurait plaidé Marie-Victorin pour convaincre le maire Camillien Houde de relancer les travaux du Jardin botanique, à l’occasion du tricentenaire de la Ville. Grâce à la ténacité du frère botaniste, le majestueux Jardin botanique voyait le jour en 1931. Sur fond de crise économique et de guerre mondiale, l’institution sera menacée de disparaître à deux reprises. Montréal a néanmoins pu conserver son poumon de 75 hectares qui n’a eu de cesse de s’épanouir au fil des ans, et ce, bien que la vision initiale et le design de "l’autre bâtisseur" Henry Teuscher soient encore respectés par l’administration actuelle.
Les premiers jours de l’été nous portent à redécouvrir le jardin des Montréalais par le biais des artisans qui vivent au rythme des floraisons. Ils nous offrent ici une visite de leurs antres, en partageant leurs coups de cour et l’esprit des lieux.
Reine des fleurs
Voilà 23 ans que l’horticultrice Claire Laberge s’occupe de faire fleurir les 10 000 rosiers de la Roseraie, reconnue en 2004 comme l’une des plus belles en Amérique du Nord. Si elle n’y était pas lors de son inauguration en 1976 pour les Olympiques, elle a pu en revanche participer à son agrandissement en 1992 avec l’ajout de rosiers arbustifs.
Floraison: Les premières roses sont sorties en mai, mais la floraison connaît son apogée de la fin juin à la mi-juillet. Une autre poussée a lieu en septembre et octobre. Entre les deux, Mme Laberge préfère la première, "plus spectaculaire et uniforme".
Coup de cour: Les roses de David Austin. Ces fleurs résultent d’une hybridation entre les roses anciennes – denses, colorées, parfumées, ayant inspiré les peintres de la Renaissance – et les roses modernes – qui fleurissent tout l’été. Admirez la Pat Austin et sa teinte orangée unique.
État d’esprit: Romantique. "Je crois au pouvoir thérapeutique des fleurs avec leurs parfums, leurs couleurs", révèle l’horticultrice.
Jardin philosophique
Le Jardin de Chine, qui célèbre cette année ses 20 ans, nous accueille avec le magnolia, emblème de la ville de Shanghai, et le pommetier, celui de Montréal. Les pins, symboles de longévité, y sont maîtres avec leurs formes angulaires et inusitées qui évoquent la vieillesse. Inspiré des jardins privés de l’époque Ming, le jardin chinois a atteint une certaine maturité qui tend vers plus d’épuration, explique l’horticultrice Louise Moffatt. "Je cherche à rétablir les hauteurs, à couvrir le sol de plantes plus basses, moins florales, pour un jardin plus vert, plus épuré…, précise-t-elle.
Coup de cour: Le "petit bijou" du jardin: l’étang à lotus. Vers la fin juillet, l’étang se parsème de ce symbole de pureté alors que des boutons floraux de couleurs immaculées sortent de l’eau boueuse. Pour les bouddhistes, la fleur sacrée représente l’âme qui lutte contre le monde matériel (la boue), puis contre les émotions (l’eau), pour ensuite trouver la lumière. Poussant pendant approximativement trois semaines, les fleurs roses ou blanches se dressent hors de l’eau grâce à leur longue tige.
État d’esprit: Contemplatif, de détente.
Tableau impressionniste
Tout comme la Roseraie, le Ruisseau fleuri a été inauguré en 1976. Ici, les collections de pivoines, d’hémérocalles, d’iris et de lys sont disposées dans un style anglais campagnard qui confère au lieu une allure impressionniste. "C’est comme observer une ouvre de Monet, mais en mouvement. Peu importe la perspective sur les étangs ou les floraisons, entre les zones d’ombre et de lumière, le tableau change constamment", atteste le jardinier Bertrand Martin. Attenante à l’étang, une platebande présente les plantes gagnantes des concours de différentes sociétés américaines. Au fil du ruisseau, à l’ombre des arbres indigènes du Québec, les platebandes visent une harmonisation des couleurs et des formes.
Coup de cour: Les pivoines Itoh, nommées en l’honneur du Japonais Toichi Itoh qui a réussi un croisement entre une pivoine herbacée et une pivoine arbustive, avec pour résultat une plante intersectionnelle qui a du tonus et qui bénéficie d’une longue floraison (de la fin juin à la mi-juillet).
État d’esprit: Paisible. Tranquille. Un jardin ouvert, prisé par les photographes et les employés du Jardin le midi. D’autres s’installent sur un banc de parc pour observer les oiseaux, contempler le tableau mouvant et humer les parfums abondants.
À flanc de montagne
Un des premiers jardins dessinés par Henry Teuscher, le Jardin alpin, célébrera son 75e anniversaire l’an prochain. Il héberge la flore vivant dans les milieux arides que sont les principales chaînes de montagnes d’Asie, d’Europe et des Amériques (les Pyrénées, les Appalaches, l’Himalaya…) avec leurs grands vents, leur froid, leurs avalanches, etc. Cet été, on y construira une nouvelle section faisant la part belle à la végétation de l’Amérique du Sud, de l’Afrique du Sud et de la Nouvelle-Zélande, qui sera inaugurée en 2012.
Coup de cour: L’eryngium bourgatii ou chardon bleu des Pyrénées, une plante piquante à la teinte bleutée particulière. "Sur le chemin de Compostelle que j’ai parcouru en 2006, on commence à l’apercevoir à l’approche des Pyrénées", raconte l’horticulteur René Giguère qui a fondé la Société de plantes alpines et de rocaille du Québec.
État d’esprit: Tout en contrastes: ici, la rudesse côtoie la beauté. "On peut admirer le petit qui vit dans un milieu hostile, comme ce penstemon barbu qui pousse souvent dans le sable en haute altitude dans l’Ouest américain."
D’autres jardins à ciel ouvert
Un été au Jardin botanique ne serait pas complet sans: un passage par la Cour des sens pour humer et toucher les plantes piquantes, rugueuses, visqueuses; une balade jusqu’à l’Arboretum pour se recueillir non loin des bouleaux dans l’ouvre Jardin à soi de Michel Goulet; une immersion dans les légendes et l’histoire des peuples autochtones au Jardin des Premières Nations; une saucette au Jardin aquatique pour admirer les laitues d’eau, nénuphars ou autres taros (elephant’s ears); une pause détente au belvédère du Jardin japonais pour y contempler le somptueux panorama sobre et contemporain.
Adresse /
Jardin botanique: 4101, rue Sherbrooke Est, Montréal, 514 872-1400, www.ville.montreal.qc.ca/jardin
Exposition virtuelle 1931-2011: 80 ans d’histoire et d’archives au Jardin botanique de Montréal: www.ville.montreal.qc.ca/jardin/archives
Calendrier botanique /
2-3 juillet: Tanabata, le festival des étoiles
7 au 10 juillet: Festival Musiques et danses d’Asie
9 juillet: Réouverture de l’Insectarium
13 juillet et 10 août: Visite guidée de l’Herbier Marie-Victorin
14 au 17 juillet: Plantes médicinales et dégustations de tisanes
16-17 juillet: L’Arbre en fête
23 -24 juillet: Fête des sens
3-4 septembre: Chants de gorge avec Nina Segalowitz
9 septembre au 31 octobre: La Magie des lanternes
Jusqu’au 27 août, du jeudi au samedi: 4 à 8 du Jardin botanique
Tous les dimanches de 13h à 17h: Le rituel du thé chinois, cérémonies et dégustations au Jardin chinois
Info: www.espacepourlavie.ca