Elles sont des milliers. Depuis peu, elles ont été installées sur le Plateau-Mont-Royal, dans le sud-est de la ville et même au centre-ville. Peu nombreux sont ceux qui les ont remarquées. Et pourtant, les abeilles font leur retour en ville après de nombreuses années d’absence. Suivant le mouvement lancé par plusieurs grandes villes telles que Paris, Londres et New York, Montréal, après Québec et Toronto, se met aussi à avoir ses ruches urbaines. Plus d’une dizaine de projets apicoles pilotes ont démarré depuis le mois de mai.
Parmi eux, celui du Collectif de recherche en aménagement paysager et agriculture urbaine durable (CRAPAUD), qui a installé deux ruches sur le toit d’un bâtiment de l’UQAM. Pour Annie-Claude Lauzon, coordinatrice au CRAPAUD, l’installation de ruches s’inscrit avant tout dans un projet de développement d’agriculture urbaine. "Les abeilles jouent un rôle majeur dans la production agricole. Sans elles, la pollinisation ne peut se faire, ce qui menace de nombreuses cultures", explique-t-elle. En effet, depuis quelques années, la population d’abeilles en Amérique du Nord, comme en Europe, a fortement chuté, au point d’inquiéter les agriculteurs et les autorités responsables de l’environnement. Les causes de cette diminution ne sont pas encore clairement établies, mais les chercheurs suivent plusieurs pistes, dont celle des pesticides. Ces derniers affaibliraient les abeilles, les rendant entre autres plus vulnérables au parasite du varois, qui a décimé la majeure partie des ruches au Canada.
Selon Éric Duchemin, professeur associé à l’Institut des sciences de l’environnement à l’UQAM, la ville pourrait être un refuge pour ces insectes. "En campagne, l’utilisation de pesticides et d’engrais chimiques est très importante. De plus, certaines régions pratiquent la monoculture, ce qui donne moins de nourriture pour les abeilles. À Montréal, il y a une grande biodiversité et les pesticides sont interdits", explique le professeur.
Le projet de l’UQAM vise également à augmenter les connaissances sur l’insecte en ville. "Nous allons analyser le miel pour voir les différentes sortes de pollen disponibles ainsi que les autres substances qui pourraient être présentes", rapporte Annie-Claude Lauzon, qui précise que les abeilles volent dans un périmètre de deux kilomètres.
En revanche, au Santropol roulant, qui possède également deux ruches sur son toit, l’objectif est d’augmenter le nombre d’abeilles. "L’apiculture se perd. Il faut absolument conserver une population suffisante", prévient Tim Murthy, membre du collectif d’apiculture du Santropol roulant, qui s’occupe également de deux ruches sur le campus de l’Université McGill. "Une ruche permet de produire du miel ou des abeilles. Nous avons choisi les abeilles." Ainsi, le groupe ne récoltera pas le miel, le laissant à la disposition des insectes qui en auront besoin pour se nourrir cet hiver.
Des insectes aux petits soins
Le projet veut aussi démystifier certaines croyances populaires. "Beaucoup de gens ont peur des abeilles, qu’ils confondent avec les guêpes, qui sont des insectes agressifs. Les abeilles piquent pour se défendre, mais elles en meurent. Elles n’ont donc aucun intérêt à le faire", assure Tim Murthy. Des craintes auxquelles soeur Denise Lafond a dû faire face lorsqu’elle a proposé le projet de ruches dans le jardin des Hospitalières. "J’ai demandé si des personnes étaient allergiques, puis j’y suis allée graduellement. Maintenant, les abeilles font partie du jardin", relate la dame, qui rappelle que des ruches étaient déjà présentes dans le jardin vers 1930.
Même si tout le monde peut installer une ruche sur son toit, il y a des règles à respecter. "Les abeilles doivent toujours être actives, car elles sont heureuses quand elles ont du travail. De plus, il faut surveiller qu’elles ne soient pas en surnombre", explique Lena Guézennec, qui s’occupe, avec Emmanuel Proulx, des abeilles du Santropol roulant et de celles des ruches du Bain Mathieu. Les deux passionnés ont appris les rudiments de l’apiculture grâce aux conseils d’Annie Patenaude, une apicultrice chevronnée. "Nous allons contrôler les ruches une fois tous les 12 à 15 jours. On vérifie aussi la présence de varois", note Emmanuel Proulx en soulignant que l’apiculture urbaine demande plus de surveillance qu’en campagne. "Il faut éviter que les abeilles aillent essaimer ailleurs. Nous devons nous assurer de leur bien-être pour qu’elles restent dans la ruche." D’ailleurs, une réglementation provinciale impose quelques règles, dont celle d’avoir une distance de 15 mètres entre la ruche et les habitations voisines ou un chemin. De plus, les apiculteurs doivent respecter certains aménagements et déclarer leurs ruches au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
Et le miel? Les deux apiculteurs ont déjà pu goûter au miel du Bain Mathieu et à celui de l’UQAM, et d’après Lena Guézennec, les résultats sont déjà prometteurs. "Celui du Bain Mathieu est clair et très floral, alors que celui de l’UQAM a beaucoup de saveur. Il est vraiment très bon."
Information /
CRAPAUD: www.crapaud.uqam.ca
Santropol roulant: www.santropolroulant.org
Jardin des Hospitalières: www.museedeshospitalieres.qc.ca
Intéressant comme article. L’avenir des ruches et des abeilles et sans doutes en ville, les campagnes étant malheureusement de plus en plus polluée…