Vie

Le sommeil : Dormir sur ses deux oreilles

Le sommeil: un élément-clé de la santé, s’entendent les médecins. Or, la moyenne de la population accumule plutôt une dette de sommeil loin de l’oreiller. Pour en finir avec la somnolence…

Le tiers de l’existence se passe en dormant. Si ce besoin doit être comblé par tout être humain, il se transforme tout au long de la vie: à l’enfance, à l’adolescence, puis au cours de la vie adulte et de la vieillesse. "On serait porté à croire que le groupe d’âge le plus affecté par la somnolence, ce sont les personnes âgées qui ont le sommeil plus fragile. Or, plusieurs recherches suggèrent qu’une grande proportion de jeunes adultes sont en privation de sommeil et somnolents. C’est d’une tristesse absolue", se désole Dre Julie Carrier, professeure titulaire au département de psychologie de l’Université de Montréal, qui en connaît néanmoins les facteurs: "Évidemment, on a des vies chargées, on a des enfants, on a le travail, on veut performer, avoir une vie sociale… Quand on doit couper quelque part, c’est souvent dans le sommeil."

La chercheure au Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Coeur se désole d’autant plus que la jeunesse profite d’une qualité de sommeil notable: "Le sommeil chez les jeunes, c’est de toute beauté! Dans la vingtaine, on dort longtemps, de façon continue et profonde. Le sommeil est plus résistant au stress, au décalage horaire, etc."

C’est santé, le sommeil!

Alors que la santé est plus que jamais au centre des préoccupations, le sommeil apparaît comme le grand négligé dans ce cocktail de bonnes habitudes: alimentation saine, méthodes de relaxation, jogging, yoga… "On sous-estime son pouvoir sur notre bien-être. Pourtant, il ne coûte rien et ne rapporte à personne", rappelle pour sa part Nicole Gratton, ex-technologue en médecine nucléaire aujourd’hui formatrice et auteure de plus de 15 livres sur le sommeil.

Il n’y a pas que le travail, la vie familiale, l’âge, le stress et l’état de santé qui viennent influencer le sommeil. La routine sportive peut elle aussi jouer des tours. Selon une étude de Statistique Canada sur les habitudes de sommeil des Canadiens publiée en 2008, les jeunes femmes physiquement actives dorment moins que celles qui ne le sont pas.

Tout est bien qui dort bien

Outre les symptômes d’irritabilité et de difficulté de concentration, le manque chronique de sommeil peut poser de sérieux problèmes de santé en augmentant les risques de maladies du coeur, d’hypertension, d’asthme, de diabète et de dépression, révèle la même étude. "C’est clairement démontré que le manque de sommeil a un impact sur nos émotions, notre cognition, confirme Dre Carrier. Puis, comme il a été prouvé récemment, ça a un impact sur notre système immunitaire, la régulation de notre glucose, etc."

Les carences en sommeil causeraient aussi de sérieux problèmes de vigilance, rappelle la chercheure. "Une des principales variables affectées par la privation de sommeil, c’est la vitesse du temps de réaction. On a criminalisé l’alcool au volant pour ces mêmes raisons. Une nuit de privation de sommeil rend le temps de réaction aussi lent que si on avait un taux d’alcoolémie de 0,08 gramme par litre de sang. Or, on ne pourra sans doute jamais criminaliser cette pratique."

Faire ses nuits

Court, moyen ou long dormeur? Pour prendre son sommeil en main et réduire sa dette de sommeil, Dre Carrier suggère en premier lieu d’enlever les stimulants que sont la caféine et les boissons énergisantes, puisqu’ils réduisent le temps de sommeil profond. Ensuite, "se donner des fenêtres de sommeil suffisamment longues", poursuit la chercheure qui n’ose arrêter son estimation sur un nombre d’heures qui conviendrait à tous. "J’ai vu tous les résultats de sommeil possibles et je n’ai jamais vu un effet négatif de trop dormir. Bien au contraire. Quand on dort selon nos besoins, on a une meilleure santé globale."

Pour sa part, Nicole Gratton vante les mérites d’une cure de sommeil. "Quand je sens que je suis en dette de sommeil, je me fais une prescription à moi-même: dormir des douze heures pendant trois à cinq nuits en ligne. Sans culpabilité! C’est très sain. Le corps a une capacité d’autoréparation et de guérison lors d’un sommeil prolongé", pense l’auteure-conférencière.

Les insomniaques sociaux

Selon nos deux pros du sommeil, les médias sociaux ne sont pas étrangers à la dette de sommeil qu’accumulent les jeunes générations, archistimulées. "Je fais souvent une recherche sur Twitter avec le mot sleep et je constate combien ils sont nombreux, et comment tout le monde se plaint de ne pas pouvoir dormir alors qu’ils sont tous sur Twitter!" s’insurge avec humour Dre Carrier.

Adresses /

Centre d’études avancées en médecine du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Coeur: 5400, boulevard Gouin Ouest, Montréal, 514 338-2222, www.ceams-carsm.ca

Fondation Sommeil: www.fondationsommeil.com. Site en développement qui

vise à donner de l’information sur diverses problématiques concernant le sommeil.

Académie du sommeil: www.academiedusommeil.com

Le sommeil idéal de Nicole Gratton, Éd. Un monde différent, 2001, 183 p.

Dormez-vous assez? de Nicole Gratton, Éd. Flammarion, 2006, 224 p.

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Les cinq "E" du bon dodo

Nicole Gratton offre des ateliers et conférences pour apprendre à bien dormir. Elle livre ici ses règles pour un bon sommeil, telles que développées au fil de ses recherches. Voici ses cinq "E":

Exercice: Pour créer la bonne fatigue physique qui va générer du sommeil profond durant la nuit, 30 minutes d’un exercice continu chaque jour, avec dépense musculaire (marche rapide, natation, ou même faire le ménage), suffisent. Attention: le soir, il faut s’exercer deux ou trois heures avant d’aller au lit.

Éclairage: S’exposer à la lumière naturelle chaque jour au moins 30 minutes et dormir dans l’obscurité totale la nuit. Cela permet de bien synchroniser l’horloge biologique.

Estomac: Se coucher l’estomac le plus vide possible. Afin que la digestion soit terminée au moment de se coucher, il est nécessaire d’avoir fini de manger deux ou trois heures auparavant. Le corps peut ainsi procéder à son cycle naturel: assimilation des nutriments, élimination des déchets organiques et réparation tissulaire.

Environnement: Une pièce aérée, puisqu’on consomme beaucoup d’oxygène pendant le sommeil. Rafraîchie, puisque la température du corps s’abaisse pour l’endormissement. Une chambre dégagée sur le plan visuel et en rayonnement magnétique, pour s’endormir sans préoccupations mentales ou physiques.

Endormissement: Être attentif au bâillement, précurseur du sommeil, qui signale l’ouverture d’une fenêtre de 15 à 20 minutes où il sera facile de s’endormir. Se créer un rituel du coucher avec quelques gestes répétés, de sorte à rappeler au corps qu’il va s’endormir dans les prochaines minutes.