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Investir dans l’art : L'art d'investir

Un bon portefeuille de placements devrait être varié. Qu’en est-il de la portion artistique? Parce que, oui, l’art peut être considéré comme un investissement. À condition d’y ajouter un mot qui se conjugue moins souvent avec économie: passion.

La rumeur est soutenue depuis quelques années. L’art visuel serait un des investissements les plus sûrs puisque les oeuvres perdent rarement leur valeur ou, au mieux, en gagnent avec les années.

Le discours est alléchant: on convient tous qu’un tableau habille mieux le mur d’un salon qu’un certificat d’investissement à la Bourse. Mais selon l’économiste indépendant Ianik Marcil, il ne faut pas troquer tous ses REER contre des oeuvres d’art en pensant réaliser un gros coup d’argent. "Cette réalité est celle des grands riches. Pour les acheteurs moyens, le marché est trop petit au Québec et la revente, difficile à court terme", explique-t-il en rappelant que plusieurs artistes, comme Van Gogh, ont vendu peu d’oeuvres de leur vivant. "Il faut être très patient."

Discours soutenu par le conservateur de la Collection Loto-Québec, Louis Pelletier: "Tout le monde pense qu’acheter un Riopelle est une bonne affaire. Or, ce sont ceux qui en ont acheté il y a 40 ans qui ont eu la bonne affaire. En ce moment, les prix sont trop élevés."

Alors faut-il laisser l’art aux riches et se contenter du rayon des affiches à IKEA? Pas du tout. Il faut simplement acheter des oeuvres pour les bonnes raisons. La passion devrait être le premier moteur de la transaction, pense Ianik Marcil. "Je suis peut-être un puriste, mais je n’aime pas l’expression "investir dans l’art". Pour moi, ce serait comme acheter un bijou à ma conjointe en calculant combien je pourrais le revendre. Il faut acheter une oeuvre parce qu’elle nous fait du bien."

Spéculation artistique

Ultimement, il se pourrait que l’oeuvre qui fait battre votre coeur ait été créée par un artiste qui gagnera en notoriété, comme ce fut le cas pour les premiers acheteurs des toiles de Marc Séguin. Certaines de ses oeuvres peuvent se vendre jusqu’à 50 000$ aujourd’hui. Il n’existe malheureusement pas de boule de cristal pour assurer un tel succès. On peut toutefois demander conseil aux plus connaisseurs. Les galeristes, même s’ils ont un enjeu marchand, s’avèrent de bonnes ressources.

Le conservateur Louis Pelletier joue souvent le rôle de conseiller auprès des employés de Loto-Québec. "Je conseille aux débutants d’investir dans des estampes ou des gravures, qui sont plus abordables. Plusieurs employés ont développé le goût de l’art visuel grâce à la politique de Loto-Québec leur permettant d’avoir trois oeuvres de la collection privée accrochées dans leur bureau." À défaut d’avoir les moyens d’acheter, il peut être intéressant de convaincre votre patron de se lancer dans une collection. "Il y a des avantages fiscaux intéressants pour les petites entreprises et les travailleurs autonomes", précise Ianik Marcil.

Éduquer

Habituellement, les fondations artistiques versent des bourses directement aux artistes. Mais la famille Bronfman, très impliquée dans le milieu des arts à Montréal, a décidé d’innover en finançant la mise sur pied d’un cours pour éduquer les potentiels acheteurs d’oeuvres d’art. SéminArts offre une série de cinq rencontres chapeautée par le Musée d’art contemporain.

Le projet est victime de son succès, comme le démontre la guide-éducatrice Véronic Lefebvre: "On pensait accueillir 40 personnes pour les deux premières sessions l’automne dernier, mais il y a eu tellement de demandes qu’on a dû créer un troisième groupe. Et la liste d’attente au printemps a suffi pour remplir les places de la prochaine édition." SéminArts propose des rencontres avec des spécialistes et des visites organisées pour démystifier le milieu de l’art. "Le climat est propice pour poser des questions. On rencontre des galeristes, des conservateurs de collections d’entreprises et des collectionneurs privés."

Norman Legault, analyste chez BBM, ne dit que du bien de son passage à SéminArts: "Mon but était d’en apprendre le plus possible. Je voulais aussi abaisser le mur du snobisme. On a toujours l’impression que c’est un monde fermé alors que c’est tout le contraire!"

SéminArts: 185, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal, 514 847-6244, www.macm.org

Ianik Marcil: www.ianikmarcil.com

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Quelques trucs

– Fréquenter les expositions des finissants des différents programmes d’art universitaires pour découvrir des talents émergents.

– Fréquenter assidûment les galeries d’art. L’entrée est gratuite et les galeries offrent d’étaler le paiement lors d’un achat.

– Assister aux encans de charité: on y trouve parfois des oeuvres d’art offertes à un prix moindre pour une association caritative.

– Surveiller les achats des grands collectionneurs, qui peuvent déterminer les tendances prometteuses.