Voir vert: l'amour botanique au temps du numérique
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Voir vert: l’amour botanique au temps du numérique

L’amour botanique au temps du numérique, ici vu par trois entreprises. 

À l’ère de Silicon Valley et du culte du iTout, de plus en plus de startups choisissent de retourner aux sources – à la terre, plus précisément – au moment de se lancer en affaires. Bien que la matière première de ces commerçants soit végétale, n’allez surtout pas les imaginer réfractaires au progrès technologique! Ces entrepreneurs au cœur vert se servent justement des outils numériques pour cultiver leur passion.

Au Québec, les précurseurs du mouvement sont assurément les agriculteurs urbains des Fermes Lufa dont la réputation n’est plus à faire considérant la popularité de leurs paniers bios. Bien que la commercialisation de produits agricoles n’ait rien de révolutionnaire, Lufa a contribué à la démocratiser durant les dernières années par l’entremise d’un site web à la fois accessible et riche en variétés, contrairement aux paniers bios traditionnels dont on peut rarement déterminer le contenu…

Victoria Shinkaruk, responsable de leurs relations publiques, résume l’approche: «En plus de cultiver nos propres légumes, nous nous sommes associés à de petites fermes locales qui n’ont pas nécessairement les ressources pour vendre en ligne. Il existe une vingtaine de catégories et plus de 2000 produits différents dans notre marché virtuel, ce qui permet de choisir ce qu’on met dans son panier» (Traduction libre).

Les puristes lui diront que rien ne vaut une visite au marché pour pouvoir discuter avec les maraîchers et leur demander conseil par-dessus l’étalage. Ce à quoi Victoria répondra que la plateforme virtuelle de Lufa permet elle aussi de partager l’expérience vécue avec les produits en plus d’interagir avec les autres clients. Comme dans un «vrai» marché, quoi.

Plantzy espère elle aussi transporter le concept du marché jardinier sur la toile. C’est lors d’un voyage en Asie que William Huard, l’un de ses cofondateurs, a pris conscience de l’importance que les plantes y prenaient: «Dans les appartements, dans les hôtels, dans les rues… il y en avait partout et les moyens de s’en procurer étaient plus faciles que chez nous», se rappelle-t-il. De retour à Montréal, son partenaire et lui y ont tout de suite vu une occasion d’affaires.

«À l’ère du commerce électronique, on s’est dit qu’il y avait vraiment un besoin pour l’offre de plantes vendues via un site web et livrées chez les clients. L’aspect livraison était important, car on visait un public jeune et urbain qui n’avait pas nécessairement de voiture, pour la plupart, ou se déplaçait en vélo l’été.»

Bien que quelques détaillants possèdent des sites web transactionnels, l’expérience n’y est généralement pas intéressante, selon William: «Il y a une grosse différence entre ce qui a été commandé et ce qui sera reçu, car on n’a aucune garantie que telle variété de plantes sera disponible ou qu’on aura un vase cylindrique plutôt que carré, par exemple.» Chez Plantzy, pas de risque que cela arrive: les agencements de produits que l’on voit sur leur site sont exactement ceux qui nous seront livrés.

Autre promesse faite aux clients: l’accompagnement dans le processus de sélection de leurs protégés verts. «Les gens ne savent souvent pas quels types de plantes ils veulent, donc on fait un travail d’écrémage pour eux: les plantes sont répertoriées selon les espaces de vie (degré de luminosité) et les besoins (facilité d’entretien), résume William. Elles se vendent en ensemble, mais il est aussi possible d’en commander à l’unité.» Bref, un vrai petit jardin intérieur clé en main.

L’essor d’entreprises comme Plantzy et le vif engouement pour les contenus floraux sur des sites de partage comme Pinterest ne se démentent pas: la tendance est en pleine éclosion. Alors qu’elle est déjà profondément ancrée dans les mœurs de plusieurs à l’étranger, elle se fait tranquillement sentir par chez nous.

«Dans certaines villes américaines ou européennes, les kiosques floraux font partie de la routine des courses du dimanche», souligne Raphaël Gaspard, le visage derrière Garçon fleur. En effet, les bouquets de fleurs de saison sont monnaie courante dans les foyers européens et sont achetés de manière anodine, pas nécessairement pour une occasion particulière, comme c’est plus souvent le cas en Amérique du Nord.

Garçon fleur tente de briser cette fâcheuse habitude avec son service de livraison à vélo de fleurs dites sauvages. «Je ne suis pas un fleuriste traditionnel, soutient Raphaël. J’ai la même approche qu’un chef qui fait une cuisine locale et saisonnière dans la mesure où ce qu’il y a au marché ce jour-là est ce qu’on va retrouver dans ses assiettes. C’est pareil pour moi: ce qu’il y a dans la nature du Québec au moment de l’année où je travaille est ce qu’on va retrouver dans mes bouquets.»

L’été dernier, ce sont des asperges, des échalotes et du chou frisé que l’on pouvait notamment voir parsemés parmi les pivoines. «En plus d’être beau, c’est le fun de dire aux gens qu’ils peuvent passer la moitié de leur bouquet dans leur souper du soir!» Livrés dans de ludiques cônes colorés au seuil même de sa porte, les bouquets Garçon fleur ont rapidement conquis le cœur des Montréalais, allant jusqu’à récolter plus de 12 000$ en trois jours à la fête des Mères dernière.

«Les gens veulent vivre une expérience et c’est là l’atout distinctif d’un projet créatif comme le mien, estime Raphaël. Lorsqu’ils commandent un bouquet, ils ont la possibilité d’y inclure un mot que je retranscrirai à la main. Et à la livraison, on prend vraiment le temps de leur expliquer d’où viennent les fleurs et comment ils doivent en prendre soin. On entre dans l’intimité des gens, ils nous font confiance.»

Sa prochaine saison sera lancée ce printemps avec une nouvelle mouture qui promet: «On va continuer d’offrir la livraison à vélo, mais aussi celle en voiture électrique pour desservir toute la région de Montréal et sa banlieue le plus efficacement possible. On veut devenir le Frank & Oak des fleurs!» Un défi pour le moins ambitieux, mais certainement à la hauteur de ses capacités.