Vie

Littérature gastronomique : Provision de recettes

Le cuistot ayant cuisiné léger et au grand air tout l’été, voilà que, l’automne venu, il s’apprête à hiverner avec ses casseroles. Ces deux guides de survie lui feront traverser l’hiver le ventre heureux.

Le grand Jean

Un cuisinier motivé qui s’engagerait à faire une recette de cette imposante brique quotidiennement en viendrait à bout après… trois ans et cinq jours. C’est que ce Grand Soulard de la cuisine contient pas moins de 1100 recettes, réparties en 16 sections: soupes, foie gras, sauces, veau, porc, gibier, crustacés et coquillages, etc. Le chef du Château Frontenac avoue en avant-propos avoir voulu poursuivre la lignée des "bibles" culinaires québécoises, comme la légendaire Encyclopédie de la cuisine canadienne de Jehane Benoit et La cuisine raisonnée. Le graphisme tout en sobriété s’inscrit dans ce courant. Oubliez les photos alléchantes et impeccablement éclairées: la food porn n’a pas droit de cité en ces pages. Seules quelques illustrations – un champignon, une moule, un lapin… – pimentent la compilation. Les recettes prennent toute la place, et c’est tant mieux.

Qui dit bible dit évidemment classiques. On y trouve donc des incontournables de la cuisine française, comme la blanquette de veau, le boeuf bourguignon, le coq au vin, le gratin de pommes de terre, la tarte Tatin. Les plus dignes représentants du patrimoine culinaire québécois sont aussi de la partie, comme le pâté chinois et la tourtière du Lac-Saint-Jean. Autrement, les deux traditions se côtoient ou se mélangent, comme avec le burger de foie gras au miel et au fromage Gaulois de Portneuf. On voyage également dans d’autres pays avec la pastilla de boeuf aux amandes et raisins, le gravlax, la moussaka ou le curry d’agneau.

Ce qu’on aime de ce bouquin? La majorité des recettes sont simples (loin des méthodes de préparation en 23 étapes), et 99% des ingrédients sont très faciles à trouver. L’ouvrage regorge d’idées pour alimenter notre envie de cuisiner, entre sa soixantaine d’entrées, de soupes et potages, de salades et de vinaigrettes, sans oublier ses quelque 50 plats d’agneau (!) et ses nombreuses recettes de légumes et d’accompagnements, très utiles. Il nous invite aussi à apprêter des poissons et des viandes plus rares, tels le pigeon, le sanglier, la lotte ou la daurade. Et, cerise sur le gâteau, les introductions de chaque section sont assorties de trucs pratiques: comment découper un foie gras, choisir un crabe vivant, faire une omelette plate, pliée, soufflée…

Les types sauce, eux, seront abondamment servis. Car Jean Soulard met en pratique ce qu’il prêche: "La cuisine, c’est de bons produits, une cuisson juste et une bonne sauce!"
Les Éditions La Presse, 2011, 599 p.

Sur la piste des saveurs

Pionnier en recherche des harmonies moléculaires des vins et des aliments, François Chartier livre avec Papilles pour tous! Cuisine aromatique d’automne un ouvrage qui rend ses découvertes applicables (et accessibles) au quotidien. Aidé de Stéphane Modat, autrefois chef à L’Utopie, il a élaboré des recettes simples qui réunissent des aliments de la même piste aromatique, dits "complémentaires".

Ça donne des recettes parfois déconcertantes, comme la salade de chou et vinaigrette à la papaye, le sucre à la crème à l’érable et au curry, le feuilleté au gruyère et au gingembre ou le pain aux bananes et chocolat couvert d’un glaçage à la cassonade et à la sauce soya. Mais il faut faire confiance au maître; il sait de quoi il cause. Sinon, Ferran Adrià, chef du célèbre restaurant elBulli, ne l’aurait pas décrété "expert numéro un en saveurs"!

Au fil des 200 recettes loin du snobisme, on découvre les aliments partageant le même profil de saveurs: olive noire et orange; champignon, figue, lavande; bacon, cacao, café, maïs soufflé; tomate, melon d’eau, paprika, crevette… Et on se lance. Séduits par les nombreuses tapas de fromage en grains, nous avons testé celles à l’huile de basilic et aux pommes, de même que les amandes pralinées au cacao et à la cannelle. Deux succès incontestables, dont les saveurs se mélangent en une harmonie rare, chaque aliment ou épice se faisant valoir au sein d’une même bouchée, en parfait équilibre. Comme une union d’âmes soeurs.

Évidemment, les liquides n’ont pas été oubliés. Pour chaque recette, Chartier propose un ou plusieurs accords, qui débordent du vin pour englober la bière, le cidre de glace, la "vodka de bison" Zubrowka, le saké, le thé (le thé blanc, par exemple, accompagnerait à merveille les ailes de poulet BBQ à l’orange et à la coriandre).

Épuré lui aussi, sans photos, Papilles pour tous! se déclinera en trois autres volumes pour les saisons restantes. Idéal pour qui veut épater famille ou invités sans passer huit heures à cuisiner.
Les Éditions La Presse, 2011, 215 p.