Vie

Martin Picard : Faut que ça baigne

Martin Picard sort un énorme livre sur le sirop d’érable où tire, oreilles de crisse et omelettes côtoient peinture, science et littérature. Rencontre avec le chef du Pied de cochon.

Il est planté dans la cour à l’extérieur de la cabane. Les mains dans les poches, il regarde vers l’érablière. «Cet hiver est pourri. Il fait trop chaud», lance Martin Picard, inquiet de voir couler trop rapidement les érables. «Le sirop, c’est comme une femme enceinte. Faut pas que ça arrive trop vite parce qu’on ne se sent jamais assez prêt», poursuit-il en rigolant. Le chef et son équipe ont déjà pris leurs quartiers il y a plusieurs semaines à la Cabane à sucre Au Pied de cochon, à Mirabel. Ils préparent leur quatrième saison, qui s’annonce encore une fois complète. «Les inscriptions sont ouvertes depuis le 1er décembre. Le 1er décembre à 10h, nous avions déjà reçu environ 2 000 courriels pour près de 10 000 réservations. C’est fou!»

L’engouement autour de la cabane à sucre de Martin Picard ne fléchit pas. Et nombreux seront ceux qui, cette année encore, n’arriveront pas à y avoir une place. Ils pourront toutefois se consoler avec le nouvel ouvrage du chef: Cabane à sucre Au Pied de cochon, le sirop d’érable. Ce dernier sort officiellement le 1er mars et risque, comme à peu près tout ce que fait le chef, de faire parler de lui.

Art et cochonnailles

L’énorme recueil recense des recettes, bien sûr, mais pas seulement: des œuvres et un texte de l’artiste Marc Séguin, un journal de la cabane écrit par Rafaële Germain, un conte de Tom Tassel qui avait déjà pris part à l’élaboration du premier livre Au Pied de cochon – L’album et même un chapitre scientifique sur le sirop écrit par deux acériculteurs de renom sont présents.

«Dans ce livre, il y a tout sur le sirop, assure Martin Picard assis au bord du poêle dans la salle à manger. C’était important que n’importe qui sur la planète puisse le lire et qu’il s’y retrouve.» Pour lui, le sirop doit s’apprendre et être transmis. C’est un peu la mission qu’il s’est donnée avec ce livre. «Nulle part ailleurs on ne trouve autant d’érables et on ne produit autant de sirop. C’est notre patrimoine et notre culture. De plus, cela ne touche pas qu’à la gastronomie, c’est aussi de la foresterie, de la sociologie, de la chimie et même de l’histoire. Si on veut que nos enfants aient des racines, c’est un bon moyen», convient celui qui est propriétaire de l’érablière depuis trois ans. D’ailleurs, il s’étonne d’être le seul chef au Québec à exploiter une cabane à sucre. «C’est quand même bizarre que je sois le premier à y avoir pensé, note-t-il. J’espère que j’ai ouvert une voie et que d’autres la prendront. Il y a un potentiel incroyable, mais pour ça, il faut oser sortir du carcan que l’on s’impose.»

Avec sa nourriture opulente et ses émissions de télévision qui ont fait grincer les dents de plusieurs, des carcans, Martin Picard en a brisé beaucoup. Et cela continue avec son livre qui, au premier coup d’œil, semble aller dans tous les sens et même être «sans gouvernail», comme le confesse l’auteur dans son intro. «Il a été entièrement fait par le Pied de cochon. Ce ne sont pas les mêmes contraintes qu’avec une maison d’édition. Normalement, on a un chemin de fer et on doit le suivre. Nous, on n’a pas arrêté de changer en cours de route.»

Au final, ce sont 238 pages et plus de 2000 images réparties en 13 chapitres dont 6 de recettes, s’ouvrant tous avec des photos de femmes rappelant parfois les calendriers érotiques des années 1980. «Je voulais que les femmes soient mises à l’honneur, explique le chef. Je trouve que celles qui viennent au restaurant sont merveilleuses. C’est comme si elles avaient un espace de liberté qui leur permettait d’être elles-mêmes, de boire et manger ce qu’elles veulent, sans les contraintes de l’extérieur.»

Une liberté qu’il a aussi voulu leur donner dans le livre où quatre femmes mangent à même une toile de Marc Séguin. «C’était un festin organisé pour quatre femmes que j’adore. Mais c’est aussi un clin d’œil à Marc avec qui j’ai mangé de la pizza sur une de ses œuvres, faute d’avoir des assiettes. Ce sont des gestes importants qui remettent les choses à leur place», estime l’homme en montrant la toile tachée par ses amies trônant dans la salle de l’évaporateur flambant neuf.

Que du sirop

Mais l’ouvrage est aussi un livre de recettes où plus de 100 variantes «tout sirop» sont déclinées. Même les classiques de la cuisine française ont eu droit à leur adaptation. «Certaines recettes, comme celle du nougat, ont nécessité jusqu’à 15 essais. En tout, on a utilisé 800 “cannes“ pour élaborer les recettes, car il fallait s’adapter. On ne peut pas simplement remplacer le sucre par du sirop.» L’ouvrage revient également sur les incontournables de la cabane à sucre et propose aussi des mets réinventés. Et ce livre ne pourrait pas être de Martin Picard sans un chapitre sur des recettes à base de gibier où est proposée une recette de… sushis à l’écureuil.

Cabane à sucre Au Pied de cochon, le sirop d’érable
de Martin Picard
Restaurant Au Pied de cochon, 2012, 382 p.

Adresse /

Cabane à sucre Au Pied de cochon
11382, rang de la Fresnière, Saint-Benoît de Mirabel
450 258-1732, cabaneasucreaupieddecochon.com