Lorsqu’il s’abandonne aux précieux plaisirs du songe, Stéphane Lo Ré s’imagine parfois à la barre d’un restaurant sans menu fixe, pourvoyeur d’une cuisine s’arrimant strictement aux arrivages du marché d’à côté. «Ma grand-mère à Aix-en-Provence allait au marché chaque jour et cuisinait avec ce qui lui tombait sous la main, et c’était pareil partout en Europe», se souvient-il avec un brin de nostalgie dans la voix. «On achetait chaque jour ce qu’on allait manger aujourd’hui et demain. J’ai un ami, Dominique Le Stanc, qui a ouvert un petit restaurant du genre à Nice, La Merenda. Il cuisine avec ce qu’il trouve au jour le jour. C’est très inspirant.»
En attendant le moment où il remisera pour de bon son menu, le chef du restaurant Lo Ré ne se languit pas pour autant – au contraire – et observe dans son chic local situé un peu en retrait de la rue King Ouest un principe fondateur: faire ressortir l’essence de tout ce qui atterrira au centre de l’assiette. «J’aime à dire qu’on fait une fine cuisine du marché. On essaie de respecter le goût de chacun des produits. C’est simple: chez nous, on veut qu’une carotte goûte la carotte», illustre-t-il en louant la corne d’abondance qu’est le Québec en matière de produits de qualité.
Animé par une volonté non seulement de régaler les gourmets, mais aussi de mettre à leur disposition les ingrédients nécessaires afin qu’ils puissent goûter au raffinement dans le confort de leur foyer, Lo Ré lançait l’an dernier une gamme d’épices vendue sur le site Web du restaurant, dans plusieurs épiceries fines estriennes ainsi que dans certains supermarchés du grand Montréal et de Québec. «J’ai toujours été choqué d’entendre que des épices peuvent tout faire, parce que c’est faux. Chaque aliment réagit différemment à une épice. Une molécule de poulet et une molécule de bœuf ne réagiront pas de la même manière à un garam masala, par exemple. C’est dans cet esprit que nous avons conçu nos mélanges d’épices, chacun ayant été pensé et élaboré pour des familles d’aliments: viandes blanches, viandes rouges, salade, crustacés et poisson.»
Dans ce même effort de démocratisation du raffinement, le chef ouvre grand ses portes aux foodies autodidactes qui veulent faire passer l’épreuve de la réalité à leurs connaissances lors d’une expérience immersive gastronomique baptisée Chef d’un jour. «Une semaine avant le jour J, la personne vient au restaurant et on monte ensemble un menu quatre services. Je préconise les canards, parce qu’ils permettent d’aborder plusieurs aspects de la cuisine, de toucher à la fois au désossage, aux techniques de confit, de pâtisserie et compagnie. À midi, le jour J, les invités du chef d’un jour arrivent. La personne se retrouve vraiment aux commandes des fourneaux avec la sensation, et le petit stress, de toucher à l’excellence tout en en faisant profiter ses proches.»
Restaurant Lo Ré
17, rue Peel, Sherbrooke
819 822-4177
restaurantlore.com