Tendances alimentaires 2014
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Tendances alimentaires 2014

Au même titre que les arts ou la mode, l’alimentation évolue. Alors, quelles sont les tendances à venir dans nos assiettes?

Au royaume de la diversité

Le métissage culturel de la société québécoise est propice à la découverte dans de multiples sphères, dont l’alimentation. Une alimentation qui est sans doute le reflet le plus fidèle de l’ouverture québécoise, mais aussi des vagues d’immigration dans cette province. On trouve ainsi à des restaurants de toutes les cultures culinaires, du japonais au caucasien, en passant par le marocain, l’italien et le finlandais. Les restaurants à thème, ainsi que, plus récemment, les restaurants qui cultivent un joyeux mélange de styles ont aussi des adeptes. Cette diversité est d’ailleurs très recherchée par les membres dela génération Y, semble-t-il. «Il s’agit moins d’exotisme que de plaisir gustatif. On veut avoir le monde dans son assiette et voyager à chaque bouchée, sans pour autant se prendre au sérieux, en toute convivialité et dans un esprit de partage. Voilà pourquoi ce que nous qualifions de “bistronomie nonchalante” a tant de succès», explique Frédéric Blaise, de l’agence de marketing Enzyme, spécialisée en alimentation. L’utilisation de produits exotiques avec d’autres locaux est d’ailleurs devenue monnaie courante. On adapte même ici les savoir-faire extérieurs, comme c’est le cas avec le soya, le lama et le bœuf Wagyu, initialement originaire de Kobe, au Japon. Les épices et condiments étrangers se retrouvent aussi naturellement dans les plats. Variété, originalité et créativité sont donc les maîtres mots de nombreuses bonnes tables, mais aussi des compagnies agroalimentaires qui y voient de nouvelles perspectives, car cette cuisine du monde à portée de main et pratico-pratique – loin de l’idée un peu sophistiquée que l’on pouvait se faire avant de la bonne cuisine – est un secteur en pleine croissance. Alors, qu’on la consomme au restaurant, emballée sous vide dans une épicerie fine, sous forme de sandwich devant un camion de bouffe de rue, prête-à-manger dans le rayon des surgelés, ou encore prête à cuisiner (éléments frais déjà coupés ou parés, éléments secs à assembler), on trouvera cette cuisine partout en 2014.

Qualité, proximité, authenticité

Il peut être étonnant au premier abord qu’à la diversité réponde un besoin de proximité. «Pourtant, c’est une revendication importante pourla génération Y. Ilssont conscients d’eux-mêmes, de leur place dans le monde et ils veulent voir des notions d’authenticité et d’éthique dominer sur le plan alimentaire», explique Frédéric Blaise. Ils ne sont cependant pas les seuls à être attirés par une consommation locale, que l’on associe naturellement (et à tort, parfois) à dela qualité. Aprèsune longue domination du marché du détail par de grandes enseignes, on constate en effet depuis une quinzaine d’années un retour progressif de la clientèle vers des commerces à échelle humaine et vers des produits dont on se soucie de plus en plus de la qualité. Épiceries fines, artisans de bouche traditionnels comme des boulangers, pâtissiers, bouchers, charcutiers et fromagers, artisans spécialisés dans la fabrication de pâtes artisanales, dans les salaisons ou dans la cueillette de champignons et d’herbes sauvages… Tous ces commerces ont en commun de favoriser des produits de qualité, souvent locaux et dont la traçabilitéest assurée, contrairement à ce qui a cours dans les grandes surfaces, même si elles cherchent de plus en plus à suivre la tendance en proposant des produits plus fins.

Le caractère local des matières premières et des produits consommés au Québec est d’ailleurs le premier qualificatif évoqué lorsqu’il est question de qualité. Les artisans et restaurateurs s’approvisionnent majoritairement au Québec (71% selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec) et font de ce choix une valeur ajoutée de leur offre auprès du public, en l’indiquant sur leur menu, voire en invitant les producteurs à rencontrer le public lors d’une activité spéciale. On peut même avancer que cette cuisine, qui met en vedette les produits du terroir et leurs artisans, est aujourd’hui aussi importante que la signature du chef elle-même, même si ce dernier est reconnu. Ce qui ne veut pas pour autant dire que l’on ne peut pas innover. L’essentiel est plutôt de demeurer le plus authentique possible et d’avoir une approche misant sur la transparence. «Les gens veulent savoir ce qu’ils mangent et ils ont aussi envie d’apprendre en mangeant. Ils vont donc à la rencontre des producteurs, éliminent les intermédiaires s’ils le peuvent, poussent les restaurants à détailler au maximum ce qu’ils servent.» Attention, toutefois, il y a encore de grands écarts entre les prix pratiqués d’un endroit à un autre. Aussi, même si de nombreux foodies n’hésitent pas à mettre un peu plus de budget pour des produits de qualité, il faut se montrer vigilant. Ou miser sur ce facteur intelligemment, pense Frédéric Blaise, qui croit que les magasins attireront très bientôt autant leur clientèle avec une offre spéciale sur des carottes biologiques que sur du savon à vaisselle. «Et pourquoi les restaurants n’embarqueraient-ils pas dans le mouvement en faisant une promotion sur leur foie gras?» Un bon moyen d’attirer de nouveaux clients et de fidéliser les autres.

Un futur en santé?

La société québécoise est, tout comme ses voisines nord-américaines, aux prises avec un paradoxe alimentaire : D’une part, des problèmes de surpoids et de diabète provoqués par l’inactivité et la malbouffe; et d’autre part, une prise de conscience de ces maux, ce qui a favorisé l’émergence de produits plus sains et des superaliments. «C’est une tendance de plus en plus forte. Les consommateurs s’attardent à trois facteurs: la densité nutritionnelle (on s’assure que chaque bouchée a une valeur nutritionnelle, par exemple en choisissant des lentilles pour les protéines et le fer qu’elles contiennent), la fonctionnalité (55% des Canadiens priorisent la santé cardiaque, osseuse et la perte de poids), et enfin l’intégrité des aliments.» Ce dernier axe pousse les entreprises agroalimentaires à changer leurs pratiques. En 2014, il sera donc de mise de remplacer l’huile de palme et le fructose par des éléments sains et naturels, de mentionner les produits qui contiennent des OGM ou des hormones, de proposer des superaliments, de mettre plus de légumes dans son assiette, etc. Cette approche santé s’observe déjà sur les étals des grandes surfaces: pains aux grains entiers, charcuterie sans nitrates, poulets de grain élevés en plein air, crème glacée allégée, compotes sans sucre ajouté, jus de légumes sans sel, boissons de soya ou de riz, etc. Mais elle s’accentuera encore sur place, ainsi que dans les commerces alimentaires et les restaurants, qui offrent déjà des pains et pâtisseries sans gluten, des plats sans allergènes, ou bien des mets végétariens et végétaliens.

Ce qui nous amène directement à évoquer une dernière tendance importante en 2014 et que la société Enzymenomme le «plein-être». «C’est une prise de conscience collective, une manière d’atteindre son plein potentiel santé tout en suivant des convictions d’éthique et de développement durable, commente Frédéric Blaise. Les baby-boomers se repentissent ainsi de leurs abus, les membres dela génération Xse disent “pourquoi pas?”, et ceux dela génération Ysont très revendicateurs. On ne veut plus entretenir de malaise vis-à-vis de certains produits, de certaines manières de faire.» On s’intéresse donc à l’agriculture et à l’élevage biologiques, aux valeurs morales et durables des entreprises, ainsi qu’à la multiplicité de labels qui fleurissent sur les produits (Québec Vrai, Ecocert, Demeter, etc.). À la base de la popularisation de cette tendance, on trouve notamment l’organisation Slow Food, qui propose une «alterconsommation» basée sur le plaisir de manger des aliments sains, locaux, respectueux de l’environnement, et avec une conscience citoyenne. Car c’est bien de cela dont il est de plus en plus question. Je suis ce que je mange, donc ma conscience me guide dans mes choix. Alors, suivrez-vous la tendance et serez-vous un consommateur responsable en 2014?