Cuisine vietnamienne 101
La cuisine asiatique est très populaire auprès des Québécois et pourtant, elle est plus souvent qu’autrement méconnue. Alors, pourquoi ne pas s’y initier en en découvrant une des nombreuses facettes, à savoir la cuisine vietnamienne?
Ne vous est-il jamais arrivé d’entendre ou même de dire, en entrant dans un restaurant vietnamien: «Moi, ce que je préfère ici, c’est le poulet général Tao», «le pad thaï» ou «la soupe miso»? Eh bien, vous avez tout faux! Le pad thaï est évidemment thaïlandais (l’équivalent vietnamien, souvent moins épicé, se nomme «pho xao») et la soupe miso, japonaise. Quant au poulet général Tao, dont la recette est originaire des provinces voisines du Hunan et du Sichuan en Chine, il doit son nom aux Américains et non aux Chinois. Voilà le genre d’erreurs ou de confusions que l’on rencontre sans cesse lorsqu’on parle de cuisine asiatique au Québec. Peut-être parce qu’il faudrait moins parler d’une cuisine asiatique que de vingt, avec des typicités aussi diverses que la cuisine tibétaine, ouzbek ou sri lankaise. Ayant toutes pour base commune d’alimentation le riz et un mode de cuisson, elles ont développé au fil du temps des spécificités qui leur sont propres. Il est donc faux de penser qu’en dehors des restaurants japonais, toute la cuisine asiatique se ressemble. Comme il est tout aussi faux de croire que la cuisine vietnamienne se résume à des soupes tonkinoises.
Une base et trois grandes régions
Quelles sont les bases de la cuisine vietnamienne? Comme nous l’avons écrit précédemment, le riz est l’une de ses composantes essentielles. On le mange souvent cuit à la vapeur et collant, mais on peut aussi l’écraser pour en faire des galettes, le frire, ou bien le réduire en poudre pour préparer des crêpes, des gâteaux ou des pâtes. On peut aussi penser aux légumes et aux fruits, ainsi qu’aux herbes aromatiques et aux épices, que l’on retrouve dans tous les plats locaux. Enfin, la cuisine vietnamienne est indissociable du nuoc-mâm, un concentré de jus de poissons fermentés dans du sel, et qu’il ne faut pas confondre avec la sauce soya prédominant dans d’autres pays asiatiques; l’origine de cette sauce suscite cependant de vifs débats entre ces mêmes pays, qui en réclament tous la paternité.
À partir de cette base alimentaire, le Vietnam se divise en trois grandes régions gastronomiques. Le Nord, dont la cuisine est ancienne et raffinée, mise essentiellement sur les soupes-repas, les mijotés et les grillades. La soupe tonkinoise que nous connaissons y trouve donc ses racines. Sur place, on la surnomme Pho, et contrairement à nos habitudes nord-américaines, elle est consommée du petit déjeuner au souper dans tout le pays et connaît de multiples variations: plus ou moins de bouillon, plus ou moins de garnitures, piquante ou non, aigre-douce, avec du poulet, du porc ou des crevettes, etc. La soupe est de toute manière un plat que l’on mange sur une base régulière au Vietnam. Mais revenons à cette région du Nord, où l’on se régale aussi par exemple de cha ca, du poisson frit au curcuma sur un lit d’aneth et de ciboulette. Ou encore de bun cha, une grillade de poitrine de porc servie avec des nouilles blanches de riz, des herbes aromatiques et des légumes marinés. Passons maintenant à la région centrale du Vietnam, liée historiquement à la cour impériale et, a contrario, à une population de pêcheurs très pauvres. Elle se caractérise par des plats servis en petites portions à partager, ainsi qu’une utilisation importante d’épices dans les recettes, ce qui peut en freiner la découverte. Une de ses spécialités les plus connues est une soupe piquante de bœuf et de pattes de porc. Passons enfin au Sud du Vietnam, où la terre plus riche a conduit à une cuisine plus diversifiée, sucrée et débordante d’herbes aromatiques (gingembre, citronnelle, coriandre mexicaine, galanga, menthe, etc.), ainsi que d’épices (anis étoilé, clous de girofle, grains de basilic, épices thaï) et de piments. En dehors de soupes diverses, on y retrouve des éléments de la cuisine du Nord avec une approche différente comme dans le cas du nem, que nous appelons communément au Québec «rouleau de printemps» et Cha gio dans le Sud du Vietnam. Une spécialité à ne pas confondre avec le nem nuong, une brochette de boulettes de porc haché assaisonné que l’on sert avec de la salade. Évoquons égalementd’autres spécialités du Sud comme la salade de méduse (goi sua) et l’incontournable thit kho tau, un ragoût de porc et d’oeufs qui se mange en famille. Nous avons aussi appris, en faisant notre recherche, que loin de l’idée que nous nous en faisons d’ordinaire, les desserts sont très populaires au Vietnam. Il existe notamment une déclinaison de 20 à 30 types de chè, un dessert en pot constitué d’un élément consistant (agar-agar, haricots, grains de maïs) baignant dans du lait de coco sucré. On retrouve aussi sur place du gâteau aux bananes, au manioc, ou encore de la crème glacée au durian, un fruit populaire en Asie.
La cuisine vietnamienne à Montréal
Ces grandes lignes établies, il faut se mettre en quête d’un restaurant vietnamien traditionnel à Montréal… pour se rendre compte qu’il n’y en a presque pas. «Pour trouver une cuisine vietnamienne authentique, il faut que le chef propriétaire soit de cette origine. Car même si tu utilises les mêmes ingrédients et le même mode préparatoire que lui, tu n’obtiendras jamais le même résultat», explique Ken Tran, qui a repris avec son frère Tien les rennes du restaurant Ong Ca Can (que l’on traduit par «Monsieur Can» en français – 79, rue Sainte-Catherine Est, Montréal, 514 844-7817), fondé par ses parents en 1981 à Montréal. «Et rares sont les Vietnamiens qui veulent se lancer dans une telle aventure, ajoute-t-il, car c’est une cuisine très raffinée, nécessitant beaucoup d’ingrédients et de préparation, et donc moins profitable que, par exemple, la cuisine japonaise.» Certains maîtres sushi pourraient voir leurs cheveux se dresser en entendant une telle phrase, mais en vérité, si l’on regarde qui se cache derrière de grandes enseignes japonaises à Montréal, on se rend compte que ces propriétaires sont souvent vietnamiens. Ken Tran possède lui-même, en plus du Ong Ca Can, le Coba, un restaurant de fusion asiatique où les sushis ont la part belle. Ce qui ne l’empêche pas d’être intarissable lorsqu’il s’agit de parler de la cuisine vietnamienne. Il nous a ainsi appris que l’on mange moins de viande rouge que de viande blanche au Vietnam, et que cette viande est la plupart du temps marinée, car on a sinon l’impression qu’elle ne goûte rien. Contrairement à nous, on favorise aussi au Vietnam les viandes les moins tendres, les abats et les tripes, surtout lorsque l’on veut faire des ragoûts avec. Les poissons, le tofu et les escargots, que l’on mange cuits à la vapeur et accompagnés de lime et de citronnelle, sont aussi des mets très populaires.
Pour notre part, nous avons eu la chance de déguster entre autres, au Ong Ca Can, la spécialité de la maison, le Bo Bay Mon. Cette formule pour deux (46$) est constituée de sept plats typiques de bœuf allant de la soupe à la galantine. Et le fait de faire ses propres rouleaux à table à partir de différents éléments (crêpes de riz sèches à tremper dans de l’eau chaude; salade, fines herbes et légumes marinés ou non; et, enfin, trois versions de bœuf roulé, dont une à la feuille de poivrier à tomber par terre) est un gage d’animation assurée, que l’on soit en couple ou en groupe. Alors, si nous redécouvrions la cuisine vietnamienne, qu’en dites-vous?