Thé 101
Héritier d’une culture multimillénaire, le thé est à la fois accessible, bienfaisant, racé et multiple. Et puisqu’il suscite de plus en plus d’intérêt au Québec, découvrons-en les grandes lignes.
Commençons par quelques chiffres très parlants. Saviez-vous que l’on consomme quotidiennement 1,5 milliard de tasses de thé? Cela fait de lui la boisson la plus populaire au monde après l’eau et, du même coup, la plus accessible. «Effectivement, explique Stéphane Lemay, fondateur de la franchise Un amour des thés (deux succursales, à Montréal et à Laval, amourdesthes.com), le thé est selon moi le breuvage le plus démocratique au monde, car même si on achète un sac de thé de bonne qualité à 15$, il en coûte en moyenne 50 cents par tasse réalisée. C’est nettement moins cher que le café, par exemple.»
Une origine, de multiples variétés
Camellia sinensis: ceci n’est pas seulement le nom d’une franchise de thé bien connue au Québec, mais aussi, et surtout, ce que l’on considère comme la plante mère cultivée depuis plus de 5000 ans en Chine. De cette origine, plusieurs plants ont vu le jour et ont voyagé à travers le monde, s’adaptant aux sols et aux techniques de culture de chaque coin de pays. Beaucoup de variétés ont ainsi été créées – et se créent toujours – au fil du temps et des goûts. Il n’est donc pas étonnant que des spécialistes comme Nadia Bécaud, directrice d’honneur de l’Association de la Culture du Thé, parlent de 10 000 thés aux saveurs et propriétés diverses.
Pour se repérer dans ce dédale de choix, on dénombre toutefois six grandes familles de thé:
Le thé blanc: produit en petite quantité presque exclusivement en Chine, ce «thé des paresseux», comme le surnomment les Chinois en raison de la facilité de sa fabrication, est aussi précieux en Occident que dédaigné en Orient. On lui prête des propriétés bénéfiques pour la peau, si bien qu’il entre dans la composition de crèmes de beauté. Il protège aussi des radiations hertziennes, régularise le système urinaire, a des fonctions drainantes et est considéré comme un puissant antioxydant.
Le thé jaune: à l’œil, on pourrait le confondre avec certains thés verts. D’oxydation faible et d’origine exclusivement chinoise, il est séché à la vapeur et exhale un fort parfum de riz grillé. La variété Jun Shan Yin Zhen, de la province du Hunan, est l’un des 10 thés chinois les plus célèbres.
Le thé vert: très populaire en Asie pour ses nombreuses propriétés santé (peau, vue, foie, tension, dents, antivieillissement, digestion, stimulation intellectuelle, antidiabète et cholestérol, antiallergique, antianémie, etc.) liées à son mode de fabrication sans oxydation, on le produit essentiellement en Chine et au Japon dans une gamme infinie de variétés (des milliers) plus ou moins prestigieuses et sous des formes diverses, dont de très belles boules façonnées dans lesquelles on peut greffer aux feuilles et aux bourgeons des éléments extérieurs (fleurs de jasmin ou de chrysanthème, par exemple). Il faut aussi noter le fait que les thés verts japonais, à majorité sencha, ont des caractères très différents des thés verts chinois. Ils seront souvent plus herbacés, astringents et, dans le cas du genmaicha, mêlés à du riz et du maïs soufflé, leur donnant un goût plus céréalier.
Le thé bleu ou bleu-vert (Wu Long): «Wulong» signifie «dragon noir» en chinois. Selon son oxydation, il peut se rapprocher des thés verts ou des thés noirs. Les subtiles nuances qui le composent peuvent varier d’un producteur et même d’une infusion à une autre. On en cultive en Chine et à Taïwan. Ses propriétés sont essentiellement digestives et diurétiques, mais on lui prête aussi des bénéfices antistress.
Le thé rouge: considéré comme un thé noir par un certain nombre d’Occidentaux, le thé rouge se cultive en Chine, mais aussi depuis le 19e siècle en Inde, où un type de plant a été amené par les colons (china) et un autre découvert localement (assam), à Ceylan (troisième producteur de thé mondialement, après la Chine et l’Inde), au Sri Lanka et dans plusieurs pays africains, notamment au Kenya. On peut le consommer sous forme de feuilles entières, brisées ou broyées, et tout comme le thé noir, il est fermenté. Le thé rouge fait figure de tonique et de diurétique, de stimulant nerveux et cardiaque, en plus d’avoir des propriétés antiallergènes et anticancéreuses.
Le thé noir: sa présentation pourrait correspondre à celle du thé rouge, à ceci près que l’on distingue la gamme de thés Pu Er, produits dans certaines régions chinoises et au Tibet, où ce thé est consommé depuis très longtemps pour son effet diurétique. On fait subir à ce thé une double fermentation et on le fabrique souvent sous une forme compressée (briques, nids, galettes), qui se garde parfois sur plusieurs générations.
Au-delà de ces principales familles de thé, on peut trouver des fleurs de thé, à la présentation superbe puisqu’elles s’ouvrent avec l’action de l’eau chaude (elles peuvent être infusées jusqu’à 10 fois), les thés fleuris ou parfumés avec des fleurs diverses, ainsi que des thés aromatisés, créés en Europe dans les années 1980 et qui ont séduit beaucoup de non-initiés. «Attention simplement aux combinaisons bizarres qui n’ont plus rien de naturel, comme le thé aromatisé à la tarte aux pommes ou au cognac», prévient Stéphane Lemay.
La dégustation de thé: un art à la portée de tous
On se dit souvent que pour apprécier le thé, il faut être bien équipé et connaître les températures et rituels associés à la dégustation de cette boisson. «Je ne suis pas d’accord avec cette vision, dit Stéphane Lemay. Il est humainement impossible d’avoir de l’eau purifiée de telle ou telle région chinoise, alors je fais tous mes tests avec de l’eau du robinet d’ici que je passe au filtre Brita. Il faut démystifier le thé et le rendre accessible à tous.» Il a la même approche quant aux théières. «C’est agréable d’en avoir une, mais pas indispensable», selon lui. Néanmoins, si on dispose d’un budget – les premiers modèles de théières d’Un amour des thés se vendent à 10 dollars, et les plus chers à 150 dollars –, il vaut mieux privilégier un grand format de contenant et d’infuseur pour obtenir une meilleure infusion. Et choisir son matériau en fonction de ses habitudes réelles de consommation, en non du design. «Par exemple, si on boit un peu de tout, le matériau le plus neutre sera le verre, que l’on pourra laver. Parce que les autres matériaux, eux, ne sont à laver sous aucun prétexte pour garder le caractère des thés qu’on y infuse. C’est ce que l’on nomme culotter une théière.» On pourra ainsi choisir une théière en céramique, en fonte ou en porcelaine pour une catégorie de thé (thés clairs ou foncés). Et comble du raffinement, les théières en terre cuite, un matériau très poreux, ne sont destinées qu’à un usage unique, c’est-à-dire que si on a infusé du thé au jasmin dedans, il sera par la suite impossible de l’utiliser avec un autre type de thé vert. À vous maintenant de voir quel type de buveur vous êtes ou désirez devenir!