Sucrage de bec au Laurie Raphaël
Rencontre avec le chef Raphaël Vézina et Jean-François Doyon, copropriétaire de l’érablière biologique Aux Mille Érables.
Le temps des sucres est arrivé et après le succès de l’an dernier, la cabane à sucre du Laurie Raphaël est de retour. Raphaël Vézina, chef des cuisines du restaurant de Québec, et Jean-François Doyon, fournisseur d’érable attitré de la maison, nous parlent de cette deuxième édition vivement attendue.
«On travaille avec de beaux produits (foie gras, lapin…), mais on les rend accessibles», entame Raphaël. «Au lieu de mettre une quantité incroyable de nourriture sur la table et que les gens s’arrangent avec ça – comme à la vraie cabane à sucre –, on vient finir les plats devant les clients. Au bout de chaque table, il y en a une autre vide qui sert de poste au cuisinier. Il se met à travailler tout en expliquant ce qu’il est en train de faire, puis passe les assiettes; ça se fait très rapidement. Ce n’est pas un service à l’anglaise traditionnel, c’est un entre-deux entre la cabane classique où tout le monde se sert soi-même et un service guindé», considère-t-il.
«La transition est très bonne entre les plats et les explications», remarque Jean-François, à qui la première édition a visiblement plu. «C’est convivial, c’est vraiment génial!»
Contrairement aux assiettes habituelles du Laurie Raphaël, où la qualité l’emporte manifestement sur la quantité, le menu Cabane est plus que généreux. «C’est en vérité un repas sept services avec du lapin, du foie gras, du saumon, du porc de toutes les façons…», poursuit Raphaël. «Les clients sont très rassasiés quand ils sortent d’ici!»
Côté formule, les participants de l’an dernier retrouveront la même essence, quoique revisitée. «Les gens vont reconnaître le style de la cabane de l’année passée, mais on a fait évoluer le concept, on l’a amélioré», explique Raphaël. «On part tout le temps d’une idée, d’un classique. Cette année, on fait une soupe poulet et nouilles servie dans un cup de styromousse, comme au ski! On va complètement ailleurs dans les amuse-bouche, il y aura de la pieuvre barbecue, du saumon fumé à froid à l’érable, de l’œuf de caille en gelée… On ne refait pas les mêmes cocktails non plus, on va faire une bière d’épinette maison. L’an dernier, c’était un mimosa avec barbe à papa à l’érable. On va quand même réutiliser la barbe à papa, parce que c’est tellement un must qu’on ne peut pas l’enlever! Daniel [Vézina, son père] a commencé à faire ça il y a dix ans, c’est un classique du Laurie depuis longtemps… Il faut dire qu’on a du bon sucre d’érable pour la faire!», dit-il à l’intention de Jean-François.
«Je m’efforce de sortir les meilleurs produits», de répondre ce dernier. «J’essaie de reconnaître les goûts de mes clients et de leur garder des cuvées qui correspondent à ce qu’ils recherchent. On a le loisir d’avoir une production abondante, donc on prend toujours les meilleures coulées. On travaille de manière personnalisée le plus possible. C’est super de remettre mon produit entre les mains de créatifs comme Daniel, Raphaël et l’équipe ici, des gens qui veulent le mettre à l’avant-plan. C’est toujours intéressant de voir comment ils l’utilisent et le travaillent, c’est le brut qui devient l’élégance! C’est une belle vitrine pour nous.»
L’équipe du Laurie se compte, elle, tout aussi chanceuse. Il n’est pas donné à tous les restaurateurs d’avoir des relations aussi privilégiées avec les producteurs, un service aussi attentionné… Il faut dire que Jean-François Doyon est vraiment passionné par son produit. Ingénieur de formation, il va faire six ans qu’il a acheté l’érablière de Mékinac, en Mauricie. Un bon moment pour une telle réorientation, l’industrie acéricole battant actuellement son plein, tant sur la scène nationale qu’internationale.
«La Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) a fait beaucoup de travail de promotion à l’étranger. Depuis 5-6 ans, on voit qu’il y a une augmentation importante de consommation de sirop autant chez les Japonais que chez les Européens et chez les Américains», nous apprend-il. «Les bienfaits du sirop d’érable ont été découverts et redécouverts sur le plan de ses antioxydants; le québécol est un nouveau polyphénol qui a été identifié par l’université Laval et on voit maintenant l’eau d’érable comme apport nutritif dans les boissons énergisantes… Je dirais que le marché va bien. Il y a eu beaucoup d’exportations. Cette année, on a réussi à vendre 93-94% de la production et des inventaires annuels dont on disposait!»
D’ailleurs, la FPAQ et le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies – ont récemment annoncé le lancement d’un programme de recherche sur la science gastronomique de l’érable; programme visant à favoriser le développement de nouvelles connaissances sur les attributs physicochimiques et sensoriels des produits acéricoles et à faire ressortir les harmonies de goût et la chimie des saveurs de l’érable avec des ingrédients du monde entier.
Parlant de goût, comment s’annonce la récolte 2015? Jean-François s’avance: «C’est avec le froid que l’amidon qui est dans l’eau d’érable se transforme en sucrose. Donc, puisqu’on a eu un hiver froid, ça devrait normalement bien se passer. Maintenant, il s’agit d’avoir de belles nuits froides et des journées chaudes pour avoir une coulée abondante. C’est toujours un coup de dés, mais il y a une bonne part des facteurs qui est là donc ça s’annonce bien!»
Si vous n’habitez pas la Vieille Capitale, voilà donc la parfaite occasion d’aller lui rendre visite le temps d’un week-end ce mois-ci. Quant au restaurant Laurie Raphaël de Montréal, il sera lui aussi dans l’esprit des sucres avec son menu Chef Chef!, un menu à l’aveugle de quatre services élaboré autour du thème de l’érable selon l’inspiration du chef.
La cabane à sucre du Laurie Raphaël Québec et le menu Chef Chef! du restaurant de Montréal auront tous deux lieu du 8 mars au 12 avril.