Littérature culinaire : Daniel Vézina s’attaque au gaspillage alimentaire
Le chef des restaurants Laurie Raphaël redécouvre les aliments, de la racine à la feuille.
Le dernier livre du chef Daniel Vézina, sixième ouvrage à son actif, porte sur un sujet résolument contemporain: la récupération. «Quand on possède bien ses techniques et qu’on connaît ses classiques, on peut commencer à penser à créer son style, entame-t-il de son restaurant à Montréal, rue Mansfield. J’ai donc voulu faire mon prochain livre sur la créativité et j’ai choisi de l’aborder sous l’angle du gaspillage alimentaire.»
Car c’est en s’amusant à cuisiner avec ce qu’il reste dans le frigo qu’on a véritablement recours à sa créativité culinaire, selon lui. Mais n’allez surtout pas lui parler de «restants», terme qu’il a vite fait de rayer de son vocabulaire, le remplaçant plutôt par le plus noble «surplus». «J’ai toujours été attiré par les aliments qu’on hésite à cuisiner, explique Daniel. C’est dans ma mentalité de chef, à la base.»
Donner une seconde vie à une vingtaine d’aliments qu’on jette systématiquement aux poubelles, qu’il s’agisse de fanes de carottes, de rafles de maïs ou de pelures de légumes, tel est le défi lancé par l’ouvrage. «Pour la plupart des gens, la seule manière de récupérer un produit est de le congeler, mais lorsqu’on le sort du congélateur, il n’est souvent plus bon, remarque Daniel. Des herbes, par exemple, n’auront plus le même vert ni la chlorophylle. L’idée ici est de transformer le produit puis de le congeler.»
Pour illustrer le principe, Daniel prend l’exemple du céleri rave dont on ne consomme habituellement que le bulbe. «Avec ses feuilles, on peut faire une belle huile verte en les faisant blanchir, puis en les passant au mélangeur avec de l’huile de pépin de raisin. Lorsqu’on passe cette huile-là dans le tamis, il en résulte une pulpe qu’on utilise alors pour faire un pesto. Quant aux tiges, on les taille en morceaux, puis on les fait cuire et on en fait un beurre parfumé très goûteux.» Les copeaux restants ne sont pas non plus laissés pour compte, se transformant en délicieux consommé à la robe dorée lorsqu’on les fait cuire à basse température avec de l’eau et du sel. Polyvalent, vous dites?
«Quand on se met à travailler ainsi de la racine jusqu’à la feuille, c’est incroyable à quel point on multiplie la nourriture, s’épate Daniel. On n’a, par exemple, pas à acheter du basilic pour faire du pesto, de l’aneth pour faire du beurre parfumé ou de la volaille pour faire un consommé puisqu’on a déjà tout ce qu’il faut. Cette maximisation des produits entraîne des économies significatives. On multiplie aussi le goût puisqu’on doit chercher toutes les subtilités de saveurs des produits. On met beaucoup d’amour dans ce que l’on fait lorsqu’on se met à tout utiliser», souligne-t-il.
Son livre s’intéresse aussi aux lendemains de fête où l’on se trouve trop souvent en surabondance en révélant, par exemple, comment faire des truffes ou du risotto avec des chocolats de Pâques. Daniel a même su voir le potentiel des petites pommettes tombant sur nos terrains et que la plupart d’entre nous ne ramassent pas, les transformant de produit mal aimé à luxueuse pomme de tire caramélisée et farcie au foie gras. C’est ce qu’on appelle avoir de la vision!
Pour le chef, ce nouvel ouvrage s’inscrit dans une démarche de conscientisation à la surconsommation de ressources qui ne sont pas inépuisables. «Je ne veux pas faire la morale aux gens, l’idée est plus d’allumer une petite lumière pour qu’ils réfléchissent avant de jeter quelque chose ou de faire des achats au supermarché», nuance Daniel. Le restaurateur va même jusqu’à nous conseiller de planifier nos sorties au resto en fonction du contenu de notre frigo. Franchement rafraîchissant à entendre de la part d’un chef. On salue l’initiative!
La cuisine réfléchie – Bien manger sans gaspiller est disponible en librairie ou en ligne.