Vie

25 ans de design : Design moins quart

Pour le quart de siècle de Voir, retour sur 25 ans de design, son évolution et la place qu’il occupe dans nos résidences.

Vingt-cinq ans en arrière? C’était le milieu des années 80. Dans la continuité du mouvement antidesign des années 70, les designers explorent et se font plaisir… Gaetano Pesce (chaise Dalila) rejette l’uniformité des meubles en série, tandis qu’Ettore Sottsass se lance dans les fantaisies colorées avec son groupe Memphis (étagère Carlton). De son côté, Ron Arad développe l’esthétique « bunker »… C’est aussi l’époque de l’hypermédiatisation du design, à l’image de l’avènement du « Starck system ». Le designer devient une star. Vingt-cinq ans plus tard, qu’en reste-t-il dans nos chaumières?

Après la déco, le design

Le grand changement en matière de design au cours des 25 dernières années s’est produit d’abord sur le plan des mentalités. « Il y a 25 ans, on parlait plus de décoration. Le design était considéré comme un luxe; aujourd’hui, c’est une nécessité! » constate Jean-Guy Chabauty, l’un de nos designers d’intérieur les mieux connus, qui a justement commencé sa carrière dans les années 80. Au cours des deux dernières décennies, le design a acquis ses lettres de noblesse, de plus en plus médiatisé et de mieux en mieux intégré à notre quotidien.

Il faut dire que les magazines, émissions et événements spécialisés n’y sont pas étrangers. Décormaga 29 ans et le Salon international du design d’intérieur de Montréal (SIDIM), 23 ans. Les émissions de télévision et chroniques radiophoniques du genre se sont aussi multipliées ces dernières années.

Il faut également ajouter que les designers sont aujourd’hui plus nombreux et mieux formés. Le baccalauréat en design d’intérieur de l’Université de Montréal a seulement 13 ans. « Le design est devenu si populaire qu’on le retrouve partout. Les promoteurs y ont recours jusque dans les bureaux de vente de leurs nouveaux projets, souligne Jean-Guy Chabauty. Ça a également amené une révolution technique dans les salles de bain et les cuisines, qui sont devenues plus cosmétiques. »

Les grandes marques de quincaillerie ont sorti des produits aux formes et aux fonctions lénifiantes. Les nouveaux appareils rivalisent avec les équipements des spas publics. Dans le même esprit, l’avènement des diodes électroluminescentes (LED) a transformé l’éclairage de la maison pour le rendre architectural.

Plus ça change…

Pourtant, malgré l’engouement pour le design, les transformations de nos intérieurs résidentiels sont beaucoup moins spectaculaires qu’on pourrait le penser. « La situation actuelle est très loin de la vision de l’an 2000 qu’on avait il y a 30 ans », commente Frédéric Metz, ancien professeur de design à l’UQAM, connu comme le loup blanc dans le domaine (il a reçu le Prix d’excellence en enseignement en 2008). « On adore refaire des cuisines de grand-mère, avec des panneaux en faux bois qui cachent les électroménagers », ajoute-t-il.

Le designer constate ainsi que les électroménagers ne sont toujours pas sans fil, que la quincaillerie de salle de bain n’est que rarement automatisée, que les meubles sont des copies de ceux des décennies précédentes… « La chaise Eames ou le canapé LC de Le Corbusier sont toujours d’actualité », renchérit Jean-Guy Chabauty.

Cette inertie traduirait la différence entre ce que l’on montre dans les médias et la réalité. « Le design plaît, mais quand il s’agit de passer à l’acte, il n’y a plus personne! Par exemple, les cuisines en inox, dont l’esthétique est vantée dans tous les magazines, sont loin de faire le quotidien de la masse des consommateurs; elle leur préfère les bonnes « cuisines de grand-mère » que l’on trouve chez Brault & Martineau », lance Frédéric Metz. Pour lui, ce conservatisme se retrouve dans la pérennité de certains objets, comme le mélangeur KitchenAid, les boîtes Danesco ou le logo I LOVE NY que l’on voit jusque sur nos tasses…