Stash Café : Repaire polonais au cœur du Vieux-Port
Rencontre avec Anita Karski, propriétaire d’un restaurant à l’épreuve du temps depuis plus de 40 ans.
À l’heure où les Montréalais s’inquiètent de la fermeture d’institutions, des croissantes ouvertures de nouveaux établissements et de l’inéluctable courte durée de vie de ceux-ci, une taverne du Vieux-Montréal semble inébranlable depuis maintenant 42 ans. Anita Karski, ancienne serveuse du Stash Café qui en est aujourd’hui propriétaire, nous raconte son histoire.
«À l’origine, c’était un petit café sur Saint-Sulpice. Son propriétaire, un journaliste pour la Gazette, s’appelait Stanislas, d’où le nom « Stash », qui en est un diminutif. Après cinq ans, il l’a vendu à une femme, Eva.» En 1992, le bâtiment adjacent au local a pris feu et le Stash Café a dû déménager à son emplacement actuel, rue Saint-Paul. Contrairement à aujourd’hui, où les commerces bourgeonnent jusqu’à la rue McGill, ce secteur du Vieux-Port était quasi désertique. «Eva en a été propriétaire pendant une trentaine d’années, c’était ma patronne lorsque j’y travaillais. C’est comique parce qu’elle aussi était serveuse avant de l’acheter à Stanislas!», relate Anita. Une affaire de famille, pourrait-on dire, l’entreprise étant toujours restée entre les mains d’employés.
C’est en février 2010, il y aura bientôt cinq ans, qu’Anita a repris le flambeau. «Je n’ai presque rien changé», révèle-t-elle. «Même la décoration, je voulais la garder telle quelle.» Avec ses grandes affiches d’artistes polonais connus suspendues au plafond, le décor du Stash Café s’éloigne du kitsch folklorique polonais, une esthétique plus recherchée qu’on pourrait retrouver à Cracovie, nous apprend Anita.
Si la déco n’a pas été rafraîchie, la clientèle, elle, a rajeuni. «Il y a plus de jeunes professionnels allant au restaurant qu’il y a une dizaine d’années et ils sont ouverts à essayer de nouvelles choses», remarque Anita. «Les gens pensent à aller manger chinois, grec, mais pas polonais. J’adore les voir découvrir notre cuisine! Ils ne savent pas à quoi s’attendre, puis s’aperçoivent que c’est vraiment réconfortant. C’est de la bouffe paysanne, c’est parfait pour l’hiver.»
Bortsch (consommé de betteraves), pierogis (raviolis farcis de pommes de terre et de fromage blanc), bigos (ragoût de choucroute avec morceaux de saucisses, champignons et prunes)… Anita nous parle aussi d’une certaine soupe au cornichon (bouillon de légumes avec lamelles de cornichons à l’aneth marinés) qui est particulièrement prisée des clients. «Au début, les gens sont sceptiques, mais dès qu’une personne l’essaie, tout le reste de la table finit par la commander!», rigole-t-elle.
«On est chanceux d’être un resto de niche», poursuit Anita. «Il y a tellement de restaurants français, du terroir… Contrairement aux établissements qui voient leur clientèle diminuer en raison du nombre grandissant de restaurants, la nôtre est stable.» Le succès du Stash Café repose sur l’originalité de sa cuisine, certes, mais aussi sur son emplacement significatif, ajoute Anita. Les touristes lui font souvent la remarque que chez eux, les petits cafés polonais sont situés aléatoirement, souvent en banlieue. Un restaurant polonais de ce calibre dans un quartier aussi important historiquement? Du jamais vu, selon eux.
En plus des clients passagers, le Stash Café est fréquenté par énormément d’habitués. Résidents et travailleurs du quartier, Polonais avides de spécialités du pays… Mais ce ne sont pas qu’eux qui s’y sentent comme chez eux. Ce type de bouffe réconfort évoque la cuisine de maintes autres cultures. Plusieurs pays possédant leur propre interprétation des choux farcis, par exemple. «Les gens les adorent. Même si ce n’est pas leur recette de famille, c’est comme s’il y avait quelque chose qui leur rappelait la cuisine de leur mère», suggère Anita.
Née à Montréal de parents polonais, Anita Karski est fière ambassadrice de ses racines. «Je ne me suis jamais sentie aussi Polonaise qu’en travaillant ici. Même mon polonais s’est amélioré puisque c’est ainsi que je parle avec les employés [plusieurs étant nés en Pologne ou étant immigrants de première génération] et les clients polonais.» Passez les voir la prochaine fois que vous gravirez les rues enneigées du Vieux-Montréal et profitez-en pour écouter le pianiste qui y joue tous les soirs. Allez, na zdrowie!
Stash Café
200 Rue Saint Paul Ouest, H2Y 1Z9
(514) 845-6611