Abats: produits nobles oubliés ou déchets réinventés?
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Abats: produits nobles oubliés ou déchets réinventés?

Des rognons sauce moutarde, un foie de veau ou une cervelle à la grenobloise? Vous êtes sceptique et n’êtes certainement pas le seul… «Le foie de veau et le foie d’agneau, les gens ne connaissent rien d’autre. Ils ne savent pas comment les cuisiner ou n’y pensent pas», explique Laurent Dupuy, de la boucherie Père & Fils, sur l’avenue Mont-Royal.

Les abats, c’est seulement pour quelques habitués: «C’est pour le monsieur qui vient chercher ses quatre rognons toutes les semaines, le même jour», précise Laurent, ou bien pour «des clients provenant d’Amérique du Sud ou d’Asie».

Car si les abats ont déserté nos assiettes depuis quelques années, ils restent des pièces nobles très appréciées dans d’autres cultures. Avez-vous déjà assisté à une fête de l’Aïd dans un pays musulman? Si c’est le cas, vous vous êtes surement retrouvé avec une tête de mouton au milieu de la table, et ses tripes dans votre assiette.

«Les gens ont peur que ça goûte fort»

Certains chefs cuisiniers tentent aujourd’hui de remettre ces mets dénigrés ou oubliés au cœur de notre alimentation – sans jeu de mots. «Les abats sont considérés comme des déchets alors que les plus vieilles générations en raffolaient», raconte Élisabeth Cardin, propriétaire du restaurant Le Manitoba.

Au menu: langue, cœur de canard, foie transformé ou poêlé… Si beaucoup de curieux poussent les portes de son établissement,  Élisabeth rencontre aussi des récalcitrants: «C’est un travail d’éducation aux saveurs. Les gens ont peur que ça goûte fort. Le chef travaille beaucoup les produits pour que ce soit moins fort, en les fumant par exemple».

Au restaurant Chez Lévêque, les abats ont toujours occupé une belle place sur le menu, et ce depuis presque 45 ans. «Les jeunes générations de chefs ont envie de travailler les produits oubliés, mais nous on ne les a jamais oubliés, ils ont toujours été nobles ici», explique Patricia Lévêque, la propriétaire. Face à la concurrence et à la multiplication du nombre de restaurants à Montréal, «on a gardé nos racines, notre ancrage», précise-t-elle; et c’est peut-être cette spécialité qui a permis à l’établissement de se démarquer.

Les deux restauratrices sont unanimes. Si on peut attribuer un mérite aux émissions culinaires, c’est qu’elles ont développé chez les jeunes une curiosité gustative. Et nos assiettes n’en sont que plus colorées. Bon alors, on mange quoi ce soir? Boudin noir ou ris de veau?

Chez Lévêque

1030, avenue Laurier Ouest – Montréal

514 279-7355

www.chezleveque.ca