Les restaurants qui parviennent à survivre pendant 40 ans sont rares au Québec, et ceux qui gardent un niveau d’excellence incomparable le sont encore plus. Alors quel est le secret de Jean-Luc Boulay? Le chef et propriétaire a partagé avec nous la riche histoire de son établissement.
Un allié précieux
Jean-Luc Boulay se souvient de chaque détail de son arrivée au Saint-Amour en 1978. Dans la jeune vingtaine, il était arrivé au Québec deux ans plus tôt pour pallier le manque de cuisiniers professionnels lors des Jeux olympiques de Montréal, et avait rencontré depuis peu celle qui allait devenir sa femme et la mère de ses enfants.
« J’avais fait le tour de mes possibilités au Concorde et j’avais envie de relever un nouveau défi. C’est alors que j’ai vu par hasard une petite annonce en lien avec l’ouverture prochaine d’un bistro à Québec. J’ai appelé le numéro affiché, Jacques Fortier m’a répondu et m’a rencontré le lendemain. Et ça a tout de suite cliqué entre nous! » Cette rencontre a été marquante pour les deux hommes, qui sont toujours associés et complices 40 ans plus tard.
« Jacques a été un allié précieux tout au long de ces années. Il m’a tout de suite donné 15% des parts même si je n’avais pas au début beaucoup d’économies à mettre dans le projet. On se complétait aussi parfaitement : il avait toutes les connexions et se chargeait des finances et de la salle à manger, ce qui m’a permis de me concentrer sur la cuisine. Enfin, il m’a toujours encouragé à repousser mes limites. Sans lui, le Saint-Amour ne serait pas devenu l’institution qu’on connaît aujourd’hui. »
Du bistro au gastro
Jacques Fortier a effectivement vu dans le bourreau de travail qu’était Jean-Luc Boulay un homme avide de connaissances, qu’il devait encourager pour exploiter son plein potentiel. « À 22 ou 23 ans, même si on travaille dans une cuisine, on ne sait pas grand-chose, raconte le chef. J’ai donc sauté sur l’occasion lorsque je me suis vu proposer par Cacao Barry, qui m’avait déjà offert quelques cours en pâtisserie à Montréal, de partir en stage pour la prestigieuse école Lenôtre en France. Et j’ai tellement adoré cette expérience que j’en suis devenu fan. »
Pendant les dix années suivantes, Jean-Luc Boulay est ainsi fidèlement retourné dans l’hexagone se perfectionner un peu dans toutes les spécialités, du poisson au gibier en passant par les sauces, la boulangerie et les champignons. Avec un tel bagage, il ne pouvait plus faire marche arrière et se contenter d’une cuisine de bistro bien faite, mais sans défis. Le Saint-Amour a alors pas à pas pris la dimension gastronomique qui fait toujours son succès.
La révolution tranquille de la cuisine québécoise
« On est partis de loin, avoue le chef lorsqu’on évoque avec lui la cuisine au Québec dans les années 1970. À cette époque, on jetait les ris-de-veau, on faisait du steak haché avec la bavette de boeuf, on utilisait quatre fromages seulement et on n’avait accès à aucun produit frais, ou presque. Je me souviens avoir été interloqué en voyant que dans un camping, les gens passaient avec leur voiture et installaient des tentes dans un champ de chanterelles sans même penser à en cueillir une! »
Comme d’autres pionniers de la Belle Province, le chef a donc âprement lutté pour trouver des fournisseurs de qualité et cesser d’importer la majorité des produits de sa cuisine. « Il fallait changer les mentalités et les façons de faire. Fort heureusement, à compter des années 1980, nous avons réussi à conscientiser les producteurs puis, progressivement, le marché en général. » Nous connaissons la suite. Les produits du Québec dominent la carte du Saint-Amour et y sont travaillés de manière prodigieuse.
Une passion intacte
Après plus de 40 ans, Jean-Luc Boulay a-t-il toujours la même flamme pour son métier? « Oui, c’en est même impressionnant, raconte Pierre Lemay, directeur général du Saint-Amour et employé du restaurant depuis 31 ans. Jean-Luc est encore là tous les matins en cuisine, et il le fait avec plaisir. »
« La cuisine m’a toujours nourri, renchérit le chef. J’en aime toutes les facettes. Préparer des charcuteries, passer des commandes, créer des pâtisseries, travailler sur de nouveaux plats toutes les semaines avec mon équipe, c’est un grand bonheur pour moi. » Comme pour nous, oserions-nous dire. Chapeau bas, Monsieur Boulay.
Le Saint-Amour
48, rue Sainte-Ursule – Québec
418 694-0667
saint-amour.com