Vie

La Mémoire en fuite : Sonate de brame

Six cent quatre-vingts km2, des lacs, des rivières, la forêt, les oiseaux et peut-être un orignal. Le parc de la Jacques-Cartier devient, à l’automne, la scène d’un étrange spectacle. Un bon moyen d’y assister: le «Safari d’observation de l’orignal».

Pour les humains que nous sommes, il s’agit d’un étrange spectacle. Toutefois, pour l’élan d’Amérique, c’est une question d’évolution de l’espèce, tout ce qu’il y a de plus naturel! On peut parler ici d’appel, de réponse, d’approche, de parade, d’odeur, qui composent, en différentes proportions, les comportements reliés au rut de l’orignal. Nous voilà dans le vif du sujet! De la mi-septembre à la mi-octobre, environ, la femelle de l’orignal se prépare à assurer une descendance à son espèce. Au cours de ce mois, le mâle se tient fin prêt à intervenir. Voilà où le guide prend part à l’aventure. En simulant le cri de la femelle, il tente de faire s’approcher un buck tout en beauté et en pleine santé, volontaire pour servir la femelle enfin prête! Au moment de cette tentative d’appel, les membres de l’expédition doivent être totalement silencieux. C’est d’ailleurs la première consigne du guide: «Pour les trois prochaines heures, vous devrez garder le silence et marcher à pas feutrés… L’orignal a l’ouïe quatre fois plus développée que celle de l’humain.» Il en est de même pour sa vue et son odorat. Il faudrait donc, pour une expédition bien réussie, éviter les vêtements aux couleurs voyantes et la douche!

La patience est la plus importante qualité requise pour cette journée d’appel de l’orignal. Bien que Pierre Vaillancourt, guide naturaliste, connaisse bien les codes du langage orignal, ce dernier demeure méfiant. Le mâle peut être convaincu de s’approcher de sa douce, mais un seul faux mouvement, ou une gentille brise qui transporterait vers lui une odeur fortement humaine, et le voilà qui fait demi-tour! La compagnie tente de suivre son mouvement et de le rappeler un peu plus loin. Après quelques heures d’écoute active, le guide (que ses collègues surnomment « le Loup») explique la grande histoire de la séduction chez l’orignal. «La femelle ovule pendant 36 heures, une seule fois au cours de l’année. Ce qui explique qu’elle doive appeler son homme si elle veut être accouplée. […] Pour celles qui auront manqué leur coup, il y aura une deuxième ovulation à la fin octobre.» Cependant, puisque cette deuxième période de rut est beaucoup moins généralisée, les safaris d’observation de l’orignal sont offerts jusqu’au 18 octobre.

Si jamais vous ne voyez pas d’orignaux lors de votre visite, ce qui malheureusement est possible, vous pourrez rencontrer des canards, des truites mouchetées, des bernaches du Canada, peut-être même des castors, des ours noirs, des renards ou des loups… Rien n’est garanti, mais tout est possible. Puisque le secteur est protégé depuis 1973, les animaux sont relativement calmes et plus enclins à faire des rencontres humaines. «Si vous saviez comment les animaux me reconnaissent ici. J’habite avec eux depuis maintenant douze ans. Certains me côtoient depuis leur naissance. Je reconnais leur voix et ils reconnaissent mon odeur.» M. Vaillancourt profite de ce petit public attentif pour communiquer son amour des animaux et de la forêt, et pour sensibiliser les gens à l’importance d’en prendre soin. «Chaque campeur, chaque promeneur est un bon gardien de la forêt.» C’est entre autres pour cette raison que le parc de la Jacques-Cartier est ouvert au public à l’année et offre des activités pour tous les goûts.

«Nous sommes très chanceux d’avoir tout ceci à moins d’une heure de Québec! Il faut en profiter dans le plus grand des respects…»

Jusqu’au 18 octobre; renseignements et réservations: (418) 848-5099