La Saint-Patrick approche à grands pas et nombre de Québécois vont célébrer l’événement en l’honneur d’un ancêtre irlandais, ou tout simplement pour le plaisir de faire la fête.
Étrange constatation: tout le monde se sent un peu irlandais à l’approche du 17 mars. Ce sont probablement nos racines qui vibrent à la Saint-Patrick car, en raison de l’immigration massive des Irlandais au 19e siècle, on estime que près de quatre millions de Canadiens, dont plus de 40 % des Québécois, ont des origines irlandaises, selon des chiffres de la Société unie des Irlandais de Montréal.
Si vous avez lu l’article de Pierre de Billy dans L’actualité du 1er mars, vous savez donc qu’il existe un seul véritable bastion irlandais au Québec: Shannon, en banlieue de Québec. Située près de la base militaire de Valcartier, cette municipalité, établie en 1820, compte moins de deux mille habitants, dont quelque huit cent cinquante personnes qui se disent irlandaises et qui vivent en anglais. Étonnant, n’est-ce-pas, quand on sait que Shannon est à vingt-cinq kilomètres du parlement de Québec!
«Dans la vallée de la Jacques-Cartier, tous les villages autrefois peuplés par des Irlandais sont devenus francophones, sauf Shannon, dit Dan Griffin, un ancien fonctionnaire, qui est retourné aux études, en histoire, à sa retraite. Les gens ici ont gardé la culture de leurs ancêtres. Un grand nombre de gens provenant de Shannon gagnent même des concours de danses irlandaises à l’extérieur du Québec.» Alors si vous êtes dans la région de Québec au cours de la fin de semaine du 13 mars, allez donc constater par vous-même l’habileté des danseurs et des danseuses du Irish Show, organisé par la «Women’s League», le samedi dès 20 h.
Vous pourrez aussi y entendre Dan Griffin relater avec verve l’histoire du village et les anecdotes que son ami et ancien maire Eddy Conway, quatre-vingt-deux ans, lui a contées. Ou apprécier les voix des chanteuses du groupe Shannon Rovers. Tout comme le feront les spectateurs «irlandais» venus de partout au Québec, des Maritimes et même d’Irlande. Info: contactez Dan Griffin par le biais de son site Internet: http://www.geocities.com/RainForest/Andes/8767/.
«Greens» francophones
Outre le lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais, ouvert en saison estivale seulement (1-888-GROSSE-ÎLE), la région touristique de Chaudière-Appalaches propose une «route des Irlandais» de cinquante-huit kilomètres (dont une partie du chemin Craig). Cette balade vous conduira dans des endroits tout à fait charmants où la plupart des Irlandais que vous croiserez seront… six pieds sous terre, dans les cimetières des villages des comtés de Leeds, d’Inverness, d’Halifax, et d’Ireland.
Cette constatation historique de taille nous renvoie à une réalité plus irlandaise. Les villages autrefois peuplés d’Irlandais portent encore des noms évoquant la verte Érin, mais leurs habitants n’ont conservé ni leur langue ni leur culture d’origine. De là leur surnom de «greens» francophones.
Nos ancêtres irlandais étant également catholiques, comme les Québécois, plutôt que de s’acoquiner avec les Anglais protestants (au risque d’aller brûler en enfer!), ils mêlaient leurs airs de violon, leurs gigues et leurs pantoufles à ceux de leurs voisins francophones, «de la bonne religion».
En empruntant le chemin Craig, vous traverserez Saint-Jacques-de-Leeds, Kinnear’s Mills, Saint-Jean-de-Brébeuf, Saint-Adrien-d’Irlande et Irlande. Tracée en 1806 dans le but de relier le Québec aux États-Unis et d’attirer des loyalistes américains qui voulaient rester fidèles à la couronne britannique, cette route a attiré par la suite des colons écossais et irlandais. Le long du chemin Craig qui porte, selon les endroits, le nom de route 216 ou 269, vous trouverez des témoins de ce passé: cimetières, églises, maisons qui servaient de relais de diligence, écoles et bureaux de poste.
Dans les Cantons-de-l’Est
Le projet de route carrossable du gouverneur Craig était rendu, en 1810, dans les Cantons-de-l’Est: le chemin comptait soixante-quinze milles entre Québec et Richmond. La route finale fut inaugurée par le premier service de diligence entre Québec et Boston, en 1811.
Richmond n’a pas oublié son passé comme «plaque tournante» entre le Québec et les États-Unis; d’abord par la route, puis avec le train. Et les Irlandais étaient au rendez-vous. «On est venus travailler sur les terres et bâtir le chemin de fer», affirme Mark O’Donnell, second vice-président de la Société Saint-Patrick de Richmond et de ses environs, qui a été fondée en 1877. «Nous célébrons la Saint-Patrick depuis ce temps-là! Au début, les gens organisaient plutôt une marche qu’un défilé. Avec le centenaire de la Société, en 1977, on a ajouté des chars allégoriques, la plupart tirés par des chevaux. De nos jours, les chevaux font encore partie du défilé, ce qui le rend si particulier.»
Intarissable, Mark O’Donnell rappelle que mars a été consacré Irish Month. Samedi dernier, un encan vert a eu lieu _ «on vend toutes sortes de choses de couleur verte!» _; puis, le 13 mars: banquet annuel avec danse et musique. Le 14 mars: messe pour la Saint-Patrick à 9 h. «Le curé a été avisé de ne pas parler trop fort. Les maux de tête du lendemain de la veille, vous comprenez…» lance-t-il. Le samedi 20 mars, 20 h, spectacle du groupe The Immigrants au Centre d’arts.
Et le lendemain, 13 h 30, enfin! Le défilé! On n’a pas voulu le faire en même temps que celui de Montréal, qui aura lieu le 14. Les irlandophiles mordus pourront participer aux deux. Le Mois irlandais se termine par un brunch le 28 mars avec une remise des trophées et des prix pour le défilé et la décoration des rues. Info: (819) 826-2535 ou http://pages.infinit.net/pollock/page5.html/.
Autres renseignements
Le 175e défilé de la Saint-Patrick se déroulera, à Montréal, le 14 mars: Société unie des Irlandais de Montréal, (514) 932-0512 ou http://www.ditton/uis/. Le défilé sera diffusé en ligne par Webcam.
Ailleurs: défilé à Ottawa le 13 mars, et à Toronto le 14.