On ne marche plus bêtement. On fait maintenant de la randonnée pédestre en interprétant la faune et la flore. Très à la mode: l’ornithologie. Ou, pour le commun des mortels, l’observation des oiseaux. À vos jumelles!
Beaucoup d’entre nous ont commencé à s’intéresser aux espèces ailées au moment des grandes migrations. Pas moyen de les manquer: en avril et en octobre, des formations en «V» envahissent le ciel. Chaque printemps, près d’un million d’oiseaux migrateurs reviennent au pays après un long hiver dans le Sud. Ils font escale sur les rives du Saint-Laurent avant de continuer leur route vers leurs sites de nidification dans le Nord du Québec. S’empiffrant (se gavant comme des oies, pourrions-nous dire!) afin de se donner des forces pour continuer leur parcours de plus de quatre mille kilomètres, ces oiseaux reprendront leur vol vers la mi-mai…
Outre la grande oie des neiges, on observe des «outardes», mot que l’on devrait remplacer par le vrai terme, la bernache du Canada. On les trouve en très grand nombre autour du lac Saint-Pierre, surtout à Baie-du-Febvre et vers Nicolet, sur la Rive-Sud (Mauricie_Bois-Francs), ainsi qu’entre Louiseville et Berthierville, sur la Rive-Nord (limites de Lanaudière et de la Mauricie). Il y en a aussi à Plaisance (Outaouais), et vers Québec (cap Tourmente et Montmagny, quoique ce soient plutôt des haltes migratoires automnales). Cette année, beaucoup de bernaches se sont déplacées de Baie-du-Febvre à Saint-Barthélemy (Rive-Nord), lieu qui est aussi l’une des plus importantes haltes pour les canards barboteurs (dont 80 % sont des canards pilets).
Afin de protéger la sauvagine (les oiseaux tels que les oies, les canards, les bernaches…), un site de quatre cents hectares de terres humides à Saint-Barthélemy/Saint-Joseph-de-Maskinongé a été aménagé aux abords de l’autoroute 40 (sortie 155, Saint-Barthélemy, le long de la voie de desserte). Des ornithologues sont sur place les fins de semaine jusqu’au 9 mai, de 10 h à 16 h. Pour l’instant, aucune installation n’existe, mais on prévoit l’aménagement de caches et de belvédères pour mieux observer les canards et les bernaches.
Non loin, à Louiseville, le Domaine du lac Saint-Pierre offre des excursions en longue barque dans les marais du lac, d’une durée de deux ou de cinq heures. Enfin, la faune et la flore sont tout proches! On a pu voir de grands hérons, des canards pilets, des buses dans un enchevêtrement d’arbres et de racines qui rappelle les bayous de la Louisiane… Sans les alligators! Le propriétaire de la pourvoirie et guide naturaliste, René Béland, connaît les lieux comme le fond de sa poche. Il guide ses passagers à travers l’archipel du lac Saint-Pierre _ qui compte cent trois îles _ en décrivant avec farces et anecdotes la vie des habitants de ce milieu étrange, qu’ils soient animaux ou humains vivant dans des chalets sur pilotis!
Lac Saint-Pierre: B & B pour oiseaux
Les oies des neiges sont près de 850 000 cette année à tournoyer au-dessus du lac Saint-Pierre, autour de Baie-du-Febvre. Les accompagnent dans leurs piaillements quelque 70 000 bernaches et 17 000 canards. «Vingt-sept des trente-deux espèces d’oies et de canards présentes au Québec peuvent être aperçues dans la région», soutient Lydia Langevin, biologiste et directrice du Centre d’interprétation de Baie-du-Febvre. C’est que les plaines du lac Saint-Pierre sont un «B & B» pour la sauvagine! Les oies raffolent des grains de maïs, des oléagineux qui leur procurent la graisse nécessaire à leur énergie. Leur horaire est relativement précis: elles passent la journée à picorer les terres agricoles loin des rives, puis elles reviennent en grand nombre vers la plaine inondable du lac Saint-Pierre peu avant le coucher du soleil, parfois dans l’après-midi, s’il fait très beau.
C’est à cet endroit que la sauvagine s’installe pour la nuit, aux abords de la route 132, les pieds dans l’eau des marais. On peut les voir directement de la route, ou des haltes aménagées à cette fin. Toutefois, les passerelles et les chemins prévus pour l’observation ne donnent pas sur une zone où abondent les oies. Alors pour admirer les envolées massives s’apparentant à un grand ruban blanc qui piaille, mieux vaut rester sur la route, à la sortie du village de Baie-du-Febvre.
Plus il fait mauvais, plus longtemps les oiseaux restent dans les terres. Quand nous sommes allés «aux oies» la semaine dernière, une journée fraîche et grise nous a valu une arrivée tardive des volatiles pas pressés de rentrer «à la maison». Ils se sont pointés à partir de 19 h 30, alors que le soleil tombait à l’horizon. Trop sombre déjà pour faire des photos! Mais nous en avons eu pour notre déplacement: les nuées d’oies et de bernaches arrivaient en «V» à toute allure, et surtout en «jappant» à tue-tête. Se communiquent-elles les directions à prendre? Rient-elles de nous voir massés là, lunettes d’approche et télescopes collés aux yeux, en les pointant du doigt?
Le lendemain matin, vers 6 h, nous sommes allés les revoir, ces belles bêtes qui se réveillaient doucement d’une nuit frisquette. Les grandes envolées vers leur table d’hôte ont eu lieu entre 6 h 30 et 7 h 30, environ. Les oies doivent affronter un nouveau danger: elles peuvent maintenant tomber sous les coups de fusil des chasseurs, mais seulement quand elles sont au-dessus des terres agricoles et non dans les marais. En effet, cette année, la chasse à l’oie est permise au printemps, du 15 avril au 2 mai.
Depuis une quinzaine d’années, seule la chasse à l’automne était autorisée, mais il devenait urgent de contrôler le nombre d’oies, qui augmente de façon spectaculaire. On parlait de quelque 350 000 oies il y a trois ans, de 850 000 cette année, et on en prévoit deux millions en 2004… On permet douze prises maximum par jour, par chasseur, quota que les tireurs n’arrivent pas à atteindre tellement les oies sont malignes: elles vont manger de plus en plus loin, jusqu’à quatre-vingt-dix kilomètres des rives du lac Saint-Pierre, et leur vitesse de croisière est de 60 km/h, avec des pointes de 95 km/h.
Comme il vaut mieux passer la nuit dans la région, si l’on veut assister aux envolées matinales des oies et bernaches, l’Auberge Godefroy est un choix intéressant, car elle propose un forfait printemps (en occupation double): une nuit, le déjeuner, le souper, un billet d’entrée au Centre d’interprétation de Baie-du-Febvre et un télescope. Le forfait revient à 99 $ par personne. Également, un coup de cour pour deux gîtes: la toute nouvelle auberge Au bout des d’oies à Baie-du-Febvre, ouverte le 6 avril, dont le chef concocte de succulents mets à base d’oie; et le très reposant Gîte de la Seigneurie à Louiseville, jouxtant une maison de campagne à louer, et un jardin de type romantique de la vie agricole bourgeoise du XIXe siècle. Info: Tourisme Mauricie_Bois-Francs, 1 800 567-7603.