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Le vin chilien : Pour le meilleur et pour le prix

Un petit jeu d’association d’idées: si je dis «Chili», à quoi pensez-vous, vite comme ça? À «bons petits vins»? À «bons rapports qualité/prix»? À «vins souples et coulants, mais aussi ennuyants parce que dépourvus de complexité»? Les vins chiliens, c’est encore essentiellement cela. Mais il y a mieux. Comme il y a pire…

Un petit jeu d’association d’idées, pour commencer: si je dis «Chili», à quoi pensez-vous, vite comme ça? À «bons petits vins»? À «bons rapports qualité/prix»? À «vins souples et coulants, mais aussi ennuyants parce que dépourvus de complexité»? Vous n’auriez pas tort d’aller dans l’une ou l’autre direction. Les vins chiliens, c’est encore essentiellement cela. Mais il y a mieux. Comme il y a pire…
Les compliments, d’abord. Certaines cuvées – appelons-les «moyen de gamme» – sont tout à fait délicieuses. À la fois fruitées et concentrées, elles se distinguent en outre par leur élégance et leur bonne structure. Qu’on goûte seulement au cabernet sauvignon «Cinco Estrellas» 1997 Santa Carolina, pour voir. À l’alléchante palette aromatique qui va du bacon au cassis, en passant par la fumée et la menthe, succèdent des saveurs puissantes mais également stylées, avec cette petite touche supplémentaire de profondeur qui fait toute la différence. À 16,95 $ (code 361808), voilà un achat qu’on ne regrettera pas.
Le même producteur – toujours flanqué du talentueux oenologue Ignacio Recabarren – commercialise une cuvée plus haut de gamme, mais toujours à base de cabernet sauvignon, baptisée celle-là Reserva Familia 1997 (21,30 $/713792). Alors que le précédent clamait haut et fort sa typicité chilienne (cassis, menthe, caractère généreux et enrobé), on se frotte ici à un rouge à caractère plus international, certes bien en chair mais aussi très boisé, un peu trop même, comme l’atteste la finale plutôt courte (pas persistante) et effilée – au sens de ténue, longiligne. Une bouteille néanmoins respectable, à prix pas trop déraisonnable.
Franchement aberrante, en revanche, la créature engendrée par le tandem Domaines Baron Philippe de Rothschild et Concha y Toro. Cette coentreprise France-Chili vient en effet de mettre en marché (SAQ Signature, 99 $) l’Almaviva 1997, deuxième millésime de cet assemblage rouge de type bordelais destiné à jouer dans les plates-bandes du Seña, de meileure qualité et enfanté celui-là par le duo Mondavi-Errazuriz. L’Almaviva n’est pas repoussant, loin s’en faut, sa puissance et ses tannins presque sucrés ne manquent pas d’attrait, sauf que ça s’arrête là, le vin n’a pratiquement rien de plus à livrer – si ce n’est un manque de netteté aromatique, qui ramène ses formidables prétentions au ras des pâquerettes. L’Almaviva 1997, bref, illustre bien ce qu’on peut trouver de pire, de plus désolant, sur le marché du vin actuellement.
D’autant plus qu’à moindre prix, on peut s’offrir le châteauneuf-du-pape Château de Beaucastel 1983. Un excellent vin quoique pas exceptionnel, car c’est le 1981, au courant de cette décennie-là, qui a mérité le plus gros des louanges émises à l’égard de ce prestigieux domaine. Ce 1983, après de longues et loyales années de mûrissement, n’en procure pas moins aujourd’hui un plaisir immense. Bu auparavant pour la dernière fois voilà huit ans, j’avais noté à l’époque dans mon calepin: «Long et serré, toujours assez tannique, à regoûter dans quatre ou cinq ans.» De fait, le vin a dû atteindre son apogée autour de 1997 ou 1998; mais il est toujours sur son plateau, comme on dit. Il commence à s’unidimensionnaliser, sans toutefois être devenu asséchant. Le nez est d’ailleurs trompeur, avec ses notes de feuilles mortes et de thé, car la bouche rachète la mise, les saveurs sont encore charnues, la trame est toujours serrée, l’ensemble respire l’harmonie. Avis aux amateurs qui se désolent de ne pas avoir de vieux vins en cave: à 95 $ à la SAQ Signature, le Beaucastel 1983 constitue une excellente affaire.
Moins racé et élaboré plus au sud, en Provence, le bandol rouge Château Vannières 1988 (65 $/Signature) est lui aussi très beau. Rien à voir avec les notes animales et envahissantes souvent caractéristiques de ces rouges à forte proportion de mourvèdre. Au contraire, le Vannières est plutôt de type soyeux, avec de la complexité et d’irrésistibles notes poivrées, du gras aussi, et des tannins qui,s’ils sont très aimables, n’en sont pas moins assez fermes, de sorte que le vin devrait se conserver encore quelques années. Encore là, un très bon achat.

Goutte à goutte
Apparemment, tout ce que touche Grolsch se transforme sinon en or véritable, du moins en or liquide… comme en témoigne la désaltérante Summer Blond Grolsch, une lager (4,5 % d’alcool) en vente dans le réseau dépanneurs-épiceries. Rien pour se lever la nuit, bien entendu, peut-être même trop inoffensive au goût des palais rompus à plus d’acrobaties, mais du moelleux et une certaine richesse. Pas de caractère dilué, faut-il comprendre, et en prime une légère pointe citronnée. Quant au rapport qualité/prix, ça, j’en conviens, il aurait pu être meilleur, la (mignonne) bouteille ne contenant que 250 ml – comparé à 330 ml pour la majorité des autres bières.
À noter, en passant, que la Grolsch Amber Ale est en gros dans la même veine: surtout maltée, mais conjuguant elle aussi le côté rafraîchissant et goûteux à une certaine élégance, à une certaine délicatesse dans les saveurs.
Déception, il en faut bien, que le Gran Sangre de Toro 1996 (16,95 $), pas vraiment mauvais, mais lourdaud et unidimensionnel. Couci-couça, également, un autre espagnol rouge, un rioja cette fois, le Cosme Palacio y Hermanos 1997 (17,05 $), d’un boisé… d’un boisé… eh bien… outrancier. Avis aux agents promotionnels concernés: de grâce, ne le prenez pas personnel.